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2.6 Les déficits interactifs du bébé prématuré en lien direct avec la prise en

2.6.2 Perturbations des interactions

2.6.2.1 Modèles spécifiques d’interactions entre mère et enfant

Forcada-Guex98 a mis en évidence l’existence de deux types d’interactions entre des dyades mère-bébé de 6 mois.

- Le modèle coopératif, avec une mère sensible et un enfant coopératif et réactif. - Le modèle contrôlant, avec une mère plus « contrôlante » et un enfant plutôt

compulsif.

Dans le cas de bébés nés à terme, le type coopératif représente 68% des interactions, contre seulement 28% dans le cas de bébés prématurés.

De plus, le suivi des enfants étudiés a montré qu’à 18 mois, les enfants issus des dyades ayant des interactions de type contrôlant, présentent plus de troubles de l’alimentation et de troubles du comportement que ceux issus des dyades de type coopératif.

Les interactions entre mère et enfant peuvent donc ne pas être toujours totalement harmonieuses. Les comportements et attitudes des deux partenaires de la dyade, lors des interactions, peuvent être inadaptés, sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif. Ces différentes perturbations peuvent être retrouvées dans le cadre de naissances à terme, mais elles semblent plus à risque de s’installer dans le cadre de naissances prématurées.

98

FORCADA-GUEX M. et coll. (2006), Early dyadic patterns of mother-infant interactions and outcomes of

53

2.6.2.2 Aspects quantitatifs des perturbations

2.6.2.2.1 Excès de stimulations

Il y a sur-stimulation à partir du moment où les stimulations de la maman sont supérieures aux capacités d’attention du bébé et à son intérêt pour les échanges.

Pour exprimer ce « trop-plein », le bébé utilise des signaux tels que fermer les yeux, détourner le regard ou la tête. D’après Le Camus99, lors d’un échange, si le bébé tourne la tête du côté, cela peut être un signe de fuite ou même d’aversion. S’il la baisse, cela peut être perçu comme un comportement d’évitement et de rupture du dialogue. Il utilise essentiellement son corps pour exprimer sa tension, voire sa détresse face à toutes ces stimulations.

Si la mère ne tient pas compte de ces signaux, elle ne permet pas au bébé de comprendre que ceux-ci ont normalement « valeur de communication et de régulation dans les échanges »100.

Selon Mazet, dans le pire des cas, une telle attitude peut entraîner de la part du bébé une inhibition des manifestations de son vécu affectif puisque celles-ci ne sont pas efficaces pour communiquer avec sa mère.

2.6.2.2.2 Hypostimulation

Il peut y avoir une réduction des échanges dans le cas notamment d’une dépression maternelle ou lorsque la mère ressent un grand sentiment d’incapacité à s’occuper de son bébé et à interagir avec lui. De plus, si les moments de repli du bébé sont vécus par la mère comme un rejet, cela peut accentuer les inhibitions de cette dernière. De même, si le bébé est lui-même peu interactif (cris faibles, mimiques peu expressives, hypertonique…), s’il est facilement irritable, ou difficilement consolable, ce type de comportements peut contribuer également à la réduction des échanges. La mère peut alors perdre la confiance qu’elle a en elle-même, son image de mère et le vécu de sa relation avec son bébé.101 Si la situation

99

LE CAMUS J. (1985). Les relations et les interactions du jeune enfant, étude éthopsychologique de son

développement. Paris, ESF, p 37.

100

MAZET P., STOLERU S. (2003). Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant: développement et

interactions précoces. Paris, Masson, p 164.

101

LEBOVICI S. (1983). Le nourrisson, la mère et le psychanalyste. Les interactions précoces. Paris, Le Centurion, chap III, p 118.

54 empire, on peut parler de « syndrome patent de carence affective ou de négligence du nourrisson. »102

2.6.2.3 Aspects qualitatifs des perturbations

2.6.2.3.1 Perturbations de la réciprocité et du déroulement temporel des échanges

En règle générale, les perturbations de la réciprocité affectent la relation mère-enfant d’une manière plurimodale. On parle d’interactions dysharmonieuses.

Au niveau des regards, on peut constater des phénomènes d’évitement du contact visuel de la part de la mère et/ou du bébé.

De même, au niveau corporel, on note une prise de distance et l’absence de recherche et de maintien des contacts physiques.

Au niveau des interactions vocales, les productions du bébé peuvent ne pas être du tout prises en compte par la maman, et inversement.

Mazet parle même d’interactions « paradoxales »103 lorsque mère et enfant ne cessent de « se courir après, dans des mouvements répétés d’approche et d’esquive réciproque »104.

Sur le plan du déroulement temporel, l’interaction, même avec le temps, peut rester difficile et être discontinue, marquée par des micro-ruptures. L’échange peut également paraître figé, non marqué par « cette dynamique de la normale et créatrice transformation de la communication au sein de cet échange »105.

Toutes ces perturbations viennent entraver la réalisation des processus normaux de régulation de l’interaction.

2.6.2.3.2 Fixations et régressions des patterns interactifs

L’interaction entre mère et enfant est un processus évolutif en fonction de l’âge de l’enfant. Cependant, d’après Mazet, les deux partenaires peuvent rester fixés ou revenir à un mode de communication propre à un stade de développement plus précoce. Au contraire,

102

LEBOVICI S. (1983). Le nourrisson, la mère et le psychanalyste. Les interactions précoces. Paris, Le Centurion, chap III, p 166.

103

MAZET P., STOLERU S. (2003). Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant: développement et

interactions précoces. Paris, Masson, p 167.

104

Ibid

105

55 certaines mères peuvent exiger de leur enfant des capacités bien plus évoluées que ce dont ils sont capables ou encore une autonomisation, à un âge ou l’enfant est encore très dépendant d’elle.

Toutefois, il faut rester très prudent, et même si nous ne pouvons pas nier que la prématurité reste un facteur de risque dans ce domaine, il est impossible de conclure de ces études que toutes les dyades mère/bébé prématuré présentent des difficultés interactionnelles. La plupart d’ailleurs, réussissent à établir une relation plutôt harmonieuse.