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1-3-1 Perturbations endocriniennes

L'anorexie mentale conduit à des conséquences endocriniennes qui résultent de phénomènes adaptatifs de l'organisme à l'état de dénutrition. Michel Pugeat, professeur d'endocrinologie à Lyon, rappelle l'importance de la connaissance de ces perturbations par les soignants en psychiatrie en les reprenant dans un article publié en 2004 (111).

Le fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophysaire se trouve modifié avec une action sur les fonctions hormonales suivantes :

-La fonction gonadotrope : Elle se trouve de façon étrange parfois perturbée avant même que l'amaigrissement ne soit important. La diminution de la production pulsatile de GNRH sous l'influence de la leptine, dépendante du taux de tissu adipeux conduit à une baisse de la FSH et de la LH. Il en résulte une hypo-oestrogénie donnant lieu cliniquement à une aménorrhée secondaire. La fonction ovarienne reste par ailleurs intacte et la fertilité conservée si l'ovaire est stimulée. Chez l'homme, cette atteinte se traduit par de faibles taux de testostérone. La fonction gonadotrope est souvent le dernier élément à se normaliser nécessitant le retour à un poids stable minimum, ainsi la reprise de cycles menstruels réguliers chez la femme constitue un bon marqueur de guérison. - La fonction thyréotrope est également perturbée avec une TSH et une T4 qui restent à des taux normaux mais une T3 qui se trouve abaissée. Il s'agit du syndrome de basse T3 qui traduit un hypo-métabolisme adaptatif . Ce taux de T3 est un élément pronostic de la gravité de la dénutrition puisqu'il est responsable de la bradycardie qui expose au risque d'arrêt cardiaque. Le taux de T3 est sensible à l'apport calorique et sa normalisation permet de s'éloigner de la zone à risque vital.

- La fonction somatotrope : l'hormone de croissance ou GH se trouve augmentée suite au jeune glucidique, elle aurait pour fonction de maintenir la production hépatique de glucose. Contrairement au phénomène qui existe dans la croissance normale, l'augmentation de la GH ne s'accompagne pas d'une élévation de l'insulin-like growth factor 1 ( IGF-1 ) mais plutôt d'une diminution. A l'adolescence, cette diminution provoque un arrêt de la croissance et un déficit de formation du capital osseux. A l'âge adulte, la baisse du taux d'IGF-1 expose à une perte osseuse plus rapide et au développement d'une ostéoporose sévère.

- La fonction corticotrope : La cortisolémie est systématiquement augmentée mais le rythme circadien est maintenu. Cette élévation a pour principal objectif d'éviter l'hypoglycémie en stimulant les enzymes hépatiques qui maintiennent une glycémie normale. L'absence de signes d'hyper- corticisme chez les patients anorexiques est due à une dégradation par le rein du cortisol en cortisone moins active.

Sur le plan clinique la principale expression de ces désordres endocriniens est l'atteinte osseuse par ostéopénie et ostéoporose. L'ostéoporose concernerait entre 20 et 50% des patients souffrant d'anorexie mentale selon les études. L'étude de Trombetti et al menée en 2005 (112) sur 107 patientes retrouvait 20% de cas d'ostéoporose et 54% de cas d'ostéopénie. En 2008 sur 59 patients Winston et al (113) retrouvaient 31% de cas d'ostéoporose et 51% de cas d'ostéopénie. Le risque de fracture non vertébrale serait multiplié par 4 à 7 d'après Lucas et al en 1999 (114). La perte osseuse serait supérieure à 1% par an et maximale au début de la maladie, d'après les résultats de Grinspoon et al en 2002 (115), ce qui coïncide avec les résultats de l'étude de Winston et al (113) dans laquelle plus d'un dixième des cas d'ostéoporose concernait des patients atteints d'anorexie depuis moins d'un an.

Les endocrinologues Misra et al en 2011 (116) ont publié une revue de la littérature concernant l'atteinte osseuse dans l'anorexie mentale. Ils reprennent les mécanismes endocriniens à l'origine de l'ostéopénie et de l'ostéoporose retrouvées. La faible densité de masse osseuse qui résulte d'un déséquilibre entre résorption osseuse et formation osseuse est due à plusieurs facteurs : -La diminution de la masse maigre, avec un impact direct de l' IMC sur la densité minérale osseuse (DMO)

-L' hypogonadisme (hypo-oestrogénie chez la femme et hypo-testostéronémie chez l'homme) -L' hypercortisolisme

-La diminution du taux d'IGF-1

-La carence en vitamine D et en calcium

En 2012 Misra et al (117) précisent dans une autre étude qu'à la différence des ostéoporoses post- ménopausiques, l' hypo-gonadisme n'est pas le seul facteur impliqué dans la perte osseuse lors de l'anorexie mentale et donc par conséquent que la supplémentation en stéroïdes sexuels serait ici insuffisante à garantir la protection du capital osseux.

La revue de la littérature plus récente de Howgate et al publiée en 2013 ajoute d'autres facteurs : - Le faible taux de dehydroepiandrosterone (DHEA) et de leptine

Sur le plan clinique, la revue de la littérature de Melher et al publiée en 2009 (118) rapporte différents facteurs corrélés à la perte de densité minérale osseuse :

- Le faible poids corporel est le facteur le plus prédictif de la densité minérale osseuse, l'indice de masse corporelle étant inversement proportionnel à la densité minérale osseuse.

- La durée de l'aménorrhée ainsi que l'âge précoce de survenue de cette aménorrhée secondaire sont également cités comme des facteurs importants

- Un indice de masse corporelle inférieur à 15kg/m2 et une aménorrhée de plus de 6 mois sont des éléments admis comme fortement corrélés à une perte de densité minérale osseuse.

D'autres facteurs intéressants ont été étudiés par d'autres auteurs, ainsi :

- Le taux de 25-hydroxy-vitamine D n'est pas corrélé à la densité minérale osseuse d'après l'étude de Modan-Moses et al publiée en 2014 (120) portant sur 87 patients hospitalisées.