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1-4-3 Le patient souffrant d'anorexie mentale est-il en capacité de donner son consentement ?

Cette question revient à se demander si comme dans la schizophrénie la présence d'une anosognosie et/ou d'idées délirantes empêchent le consentement du patient et nécessitent une prise en charge sous contrainte.

J.Tan aborde cette question dans 2 articles parus en 2003 (63) et 2006 (64). Il définit les notions légales de Competence et de Capacity qui respectivement aux Etats unis et au Royaume uni régissent la possibilité de donner son consentement aux soins ou non par le patient. Un patient est jugé capable de donné son consentement par la loi britannique lorsqu'il est capable de comprendre les informations données par le médecin, de les retenir et de les utiliser pour prendre

sa décision, sans qu'un processus délirant ne vienne remettre en cause ces informations. Il doit également être en capacité de faire part de sa décision au médecin. Il s'agit donc d'une capacité de compréhension intellectuelle de l'avis donné par le médecin et de capacités décisionnelles. C'est l'altération de ces capacités qui légalement peut induire un traitement imposé. Bien que réalisée sur un petit échantillon (10 patientes de 13 à 21 ans) l'étude de Tan et al de 2006 (64) montre que pour 9 patientes sur 10 la compétence à prendre des décisions concernant leur état de santé n'est pas altérée par le trouble anorexique. Elles obtennaient au <<MacCAT-T test of competence>> des scores comparables à ceux d'une population témoin et ces scores étaient indépendants de leur indice de masse corporelle et de leurs scores aux échelles évaluant la psychopathologie individuelle. Cette étude met cependant en évidence d'autres paramètres qui peuvent rentrer en compte dans le refus de soins et qui ne sont pas mis en évidence par la seule notion de competence. Il s'agit notamment d'un changement du système de valeurs au fur et à mesure de l'installation du trouble. Ainsi les valeurs fondamentales qui animent les patients souffrant d'anorexie mentale sont par exemple l'importance primordiale d'être mince dont on peut supposer qu'elle surpasse l'importance d'être en bonne santé, une notion de la vie dévaluée avec peu d'impact des risques vitaux pointés par les médecins, ce qui peut expliquer le maintien d'un refus de soins. Des valeurs positives sont également attribuées à l'anorexie mentale comme une meilleure estime de soi.

Cette notion de changement de valeurs avait déjà été soulevée par Tan dans une publication en 2003 (63) intitulée <<Anorexia Talking>> que l'on peut traduire par « La voix de l'anorexie ». Dans cet article, le patient anorexique en apparence compétent pour affirmer son choix est décrit comme « sous l'influence » de la maladie dont le système de valeurs diffère du notre. Ce système de valeurs fondé sur une aspiration forcenée à la maigreur serait à l'origine de la non acceptation des soins. Dans ce contexte, on peut considérer que comme dans les troubles délirants, le patient ne peut du fait de ses troubles donner son consentement, ce qui justifie des soins psychiatriques sous contrainte lorsque ce système de valeurs est devenu inébranlable.

Dans une approche différente Sato et al ont publiés également en 2003 (65) un article intitulé <<Autonomy and anorexia>>. L'accent est mis sur le rôle de l'ambivalence du patient anorexique dans le refus de soins. Il est décrit comme tiraillé entre 2 sentiments : la peur très importante d'abandonner contrôle et maîtrise en acceptant les soins et une détresse extrême issue de l'enfermement dans le symptôme qui conduit à un épuisement physique et psychique.

Selon Sato le patient se trouve ainsi dans une impasse qui ne lui permet pas de choisir. Le médecin doit alors intervenir pour <<aider le patient à s'aider lui même>>. Le patient garde son autonomie et son libre arbitre mais le médecin par une attitude de guide travaille avec lui à l'acceptation des soins sans pour autant l'y contraindre.

soins à l'admission en hospitalisation puis à 15 jours chez 139 patientes admises pour troubles du comportement alimentaire. La contrainte exercée ici était une contrainte morale et non légale issue de la pression exercée par les médecins et la famille des patientes pour accepter l'hospitalisation. Les résultats de cette étude montrent que l'impression de contrainte était stable entre l'admission et à 15 jours d'hospitalisation et d'autant plus ressenties par les patientes mineures et les patientes anorexiques. A l'inverse, la conscience de la nécessité d'une hospitalisation, elle, changeait significativement et rapidement après l'admission. Ainsi dans le tiers de patientes initialement opposantes à l'hospitalisation la moitié d'entre elles reconnaissaient le besoin de soins à 15 jours, notamment les adultes de ce groupe. Ce fort taux de conversion à court terme remet en question les attitudes fondées sur le respect à tout prix de la décision du patient et des méthodes de motivation au changement qui peuvent s'avérer insuffisantes et chronophages pour remporter l'adhésion aux soins.

Ainsi la pression coercitive exercée pour obtenir l'admission n'entraverait pas la prise de conscience de la nécessité de soins à court terme, et pourrait permettre une prise en charge plus précoce.

1-4-4 Quelle position adopter entre attitude attentiste et soins sous