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MATERIELS ET METHODES

Dans 9.47% des variants

IV. Pertinence du résultat de l’HbA1c en présence de variants de l’hémoglobine

Diverses méthodes ont été utilisées pour mesurer l’HbA1c. En raison de leur automatisation et de leur précision, les méthodes CLHP ont été privilégiées, mais l'électrophorèse capillaire a récemment été développée et adaptée à cette analyse. Elles

permettent la détection concomitante des anomalies de l’hémoglobine. Dans la prise en charge des patients diabétiques, ces anomalies posent un problème important dans l’interprétation des valeurs mesurées de l’HbA1c, les rendant discutables. Lorsqu’elles sont détectées, il est important de fournir les informations essentielles qui permettront au clinicien de comprendre les résultats d’HbA1c, fournir le conseil génétique qu’il faut [122] et prendre la décision convenable concernant le mode adéquat de surveillance de l’équilibre glycémique.

La question que chacun de nous devrait se poser, face à la présence d’un variant de l’hémoglobine, est de savoir si et comment affecte- t- il la mesure de l’HbA1c ? Pour répondre à cette interrogation, il est avant tout crucial de comprendre les conséquences des variants les plus fréquents de l’hémoglobine sur la synthèse des globules rouges et donc sur la réaction de glycation. En effet, les hémoglobinopathies entrainent aussi bien des problèmes métaboliques que méthodologiques (interférences techniques). Dans ces cas, la valeur

sémiologique de l’HbA1c comme marqueur rétrospectif et cumulatif de l’équilibre glycémique est prise en défaut. Cette valeur sémiologique de l’HbA1c est conditionnée par une durée de vie normale des érythrocytes (120 jours) et une synthèse normale de l’hémoglobine (97 à 99% d’Hb A).

Les problèmes métaboliques engendrés par la présence des variants sont premièrement l’hémolyse (très variable et parfois impossible à quantifier) et surtout le raccourcissement de la durée de vie des globules rouges. Ils perturbent l’équilibre entre réactions de synthèse /dégradation et réactions de glycation. Le renouvellement équilibré des globules rouges est également perturbé, ainsi que la destruction prématurée des érythrocytes les plus âgés (contenant les formes d’hémoglobine les plus intéressement glyquées), diminuant ainsi les valeurs d’HbA1c mesurées [125].

L’interprétation du dosage d’HbA1c devient au minimum délicate et au maximum impossible [126] selon le patient et l’impact du variant sur la durée de vie des érythrocytes. En effet, la durée de vie des globules rouges diminue à 93 et 82 jours respectivement pour les sujets hétérozygotes A/S et A/C, entrainant une sous-estimation du taux d’HbA1c. Elle varie entre 81 et 93 jours chez les patients β- thalassémiques hétérozygotes et est d’avantage raccourcie en homozygotie et plus encore en double hétérozygotie S/β- thalassémie (75 jours), engendrant une sous-estimation plus prononcée de l’HbA1c. Dans d’autres cas, le raccourcissement de la demi-vie des globules est d’autant plus important que le taux d’HbA1c devient ininterprétable. C’est le cas des variants homozygotes C/C (29 jours), S/C (28 jours) et S/S (17jours).

En cas de PHHF, la durée de vie des globules rouges n’est pas affectée et les taux d’HbA1c obtenus par chromatographie sont aisément interprétables.

La mesure de l'Hb A1c n'est donc pas fiable chez les patients présentant un variant homozygote (HbS ou HbC), alors qu’elle peut être utilisée lorsque le variant est hétérozygote, à condition d'utiliser une méthode de dosage appropriée [127].

En effet, Kahena et ses collaborateurs sont en accord pour conclure dans leur étude que les variants S et C sous formes hétérozygotes (à de taux ≤ 40 %) n’affectent pas la mesure de l’HbA1c obtenue par CLHP sur l’automate HPLC D10 de Bio-rad, et le résultat peut être reporté. En revanche, lorsque ces variants sont présents à l’état homozygote (> 40 %) le résultat n’est pas interprétable [98].

Le second des problèmes d’ordre métabolique est la cinétique de glycation des fractions d’hémoglobine. La glycation des variants est beaucoup moins approfondie que celle de l’HbA et sur le plan métabolique, il n’existe pas de preuve expérimentale formelle permettant d’affirmer que les cinétiques de glycation de tous les variants et de l’HbA soient identiques. Les conclusions établies à propos de l'HbA1c ne sont probablement pas transposables aux formes glyquées des variants, et on sait peu de choses d'une possible compétition entre les différentes formes d'hémoglobinr pour la glycation [128].

Les problèmes méthodologiques sont quant à eux liés à la méthode utilisée. La surestimation ou la sous-estimation de l'HbA1c pour de nombreux variants d'hémoglobine différera selon le type de méthode et le dosage spécifique utilisé. Par conséquent, pour les patients présentant des variants d'hémoglobine, il est important que le clinicien connaisse la méthode utilisée par le laboratoire pour mesurer ce marqueur [127, 129, 130]. De nombreux cas rapportés dans la littérature [121, 131-133] montrent que, en présence d’un variant d’hémoglobine et en fonction de la technique utilisée, les résultats peuvent être sous-estimés ou surestimés et au total difficilement interprétables:

 En accord avec les données de la littérature [108, 134, 135], les méthodes de dosage immunologique ne permettent guère de détecter les variants de l’hémoglobine. Elles donnent un résultat sans indication d'une interférence possible, sauf si le résultat est en dehors de la plage clinique (résultat anormalement élevé ou faible). Quelques méthodes d'immunodosage, testés par Little et ses collaborateurs [136], ont montré une interférence avec les variants S et C. les variants D ou E n’ont signalé aucune interférence avec les méthodes d'immunodosage évaluées, l'épitope reconnu par l'anticorps n’étant pas situé dans la zone de mutation [137]. Mais, dans tous ces cas, la mesure effectuée ne correspond pas à l'HbA1c stricto sensu. En effet, le taux d’HbA1c

rendu correspond en fait à un taux d’ « HbA1c + HbX1c » rapporté en pourcentage par rapport à l’hémoglobine totale. L’interprétation de ce taux comme s’il s’agit de celui de l’HbA1c présuppose que les glycations du variant et de l’Hb A soient identiques et se fassent sans compétition. Son utilisation pour le suivi d’un patient, toujours avec la même technique immunologique, ne peut être possible que si l’hémoglobinopathie est détectée par cette technique. La recherche d’un variant de l’hémoglobine avant l’immunodosage de l’HbA1c chez tout patient constitue donc une précaution utile, en particulier pour les sujets issus de population où la prévalence des hémoglobinopathies est élevée.

 Si les taux d’Hb A1c sont interprétables en CLHP en cas de taux élevé d’Hb F, ce n’est pas le cas pour la chromatographie d’affinité sur borate, comme cela a été supposé pendant un certain temps. Cette interférence pourrait être une conséquence d'un taux de glycation inférieur pour Hb F par rapport à l'Hb A. Le résidu N-terminal de la chaîne γ est probablement glyqué à un taux plus lent, conduisant à une concentration plus faible d’HbA1c pour une concentration de glucose plasmatique donnée. Etant donné que cette méthode mesure le rapport de l’HbA1c à l’HbA0, quelque soit l’espèce, la présence d’un taux élevé d’Hb F entraine une sous-estimation du résultat de l’HbA1c. Ceci est cohérent avec les résultats des articles publiés en 1993 par Weykamp et al. [138] , en 2008 par Rohlfing et al. [139] et en 2009 par Little et al. [136].

 Les interférences des variants de l'hémoglobine sur les méthodes de CLHP d'échange d'ions peuvent généralement être détectées dans les chromatogrammes (figure 22). Les résultats d’HbA1c mesurée par chromatographie sont inexacts (peuvent être sous-estimés ou sursous-estimés selon la technique spécifique) lorsque le variant de l’hémoglobine ou son dérivé glyqué ne peuvent être séparés de l’HbA ou de l’HbA1c [140] et le problème de l’hémolyse chronique générée par le variant demeure, même avec une estimation normale de l’HbA1c (figure 22 B). Si on considère que l’hémolyse est constante et que la présence du variant ne modifiait pas la cinétique de glycation de l’HbA0, les taux d’HbA1c obtenus par la même méthode peuvent être comparés d’une fois sur l’autre pour un patient donné. [141]. Ne doivent pas être

rendus les résultats d’HbA1c des cas de figure 22C et 22D (HbA1c > 15%) et 22E (HbA1c < 3.5%) suivants, car sont ininterprétables.

Figure 22: Effets possibles des variants de l'hémoglobine sur l'HbA1c obtenue par chromatographie [36]

En somme, si la mutation de l’hémoglobine entraîne une modification de la charge nette (comme pour les variants Hb S, C, D et E), elle peut provoquer des interférences avec des méthodes telles que la CLHP par échange d'ions ou l'électrophorèse. Dans certaines mutations, lorsque l'extrémité N-terminale de l'hémoglobine est touchée (Hb Raleigh, Hb Niigata), toutes les méthodes de dosage de l’HbA1c (et/ou de l’hémoglobine glyquée dans son ensemble) peuvent êtres prises en défaut, puisque le site majeur de la glycation est inaccessible ou modifié [142]. Enfin, si le variant entraîne une réduction de la durée de vie des érythrocytes, l'HbA1c (ou l’hémoglobine glyquée totale) serait faussement abaissée, quelle que soit la méthode utilisée.

Rien ne permet aujourd’hui de dire qu’un principe de dosage est supérieur à un autre pour mesurer l’HbA1c chez les sujets porteurs d’une hémoglobine anormale. En revanche, l’importance de signaler sa présence est reconnue de façon internationale.

Chaque variant de l’hémoglobine doit être évalué pour déterminer l'étendue de son interférence pour chaque méthode. Toujours dans ce sens, les interférences des anomalies les plus fréquentes de l’hémoglobine pour quelques méthodes ont été évaluées dans certaines études [121, 132, 136, 139] et par le groupe NGSP [129]. Pour ce dernier, les résultats de l’Adams®

A1c HA-8180V Arkray utilisée dans le pressent travail ne montrent pas

d’interférences avec les variants S et C et l’augmentation de l’HbF (lorsque les taux ne dépassent pas 30%). En revanche, l’HbA1c ne serait pas quantifiée avec les hémoglobines E et D (annexe 10). Dans notre travail, nous ne disposons pas de données cliniques suffisantes pour confirmer ou non ces résultats, mais Weykamp et al. [122] les confirme.