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INTRODUCTION ET OBJECTIFS

II. Anomalies de synthèse de l’hémoglobine : Hémoglobinopathies

II.1. Anomalies qualitatives de l’hémoglobine : Hémoglobinoses

Les hémoglobinoses sont des hémoglobines pathologiques caractérisées par une modification structurale affectant certaines chaînes polypeptidiques de l’hémoglobine normale. Les anomalies moléculaires en cause sont généralement des mutations ponctuelles touchant l’un des gènes α ou β-globine. Les dysfonctions qu’elles engendrent sont étroitement liées à leur localisation sur la structure tridimensionnelle de l’hémoglobine [20]. On distingue ainsi les mutations dites de surface et les « mutations en profondeur » (figure 5). Les mutations de surface affectent la solubilité de l’hémoglobine, car elles touchent des résidus polaires qui interviennent dans le maintien de la molécule en solution. D’autres fonctions non majeures peuvent être affectées par ce type de mutation. En revanche, les mutations touchant les résidus internes de la molécule sont responsables de désordres en rapport avec la fonction oxyphorique et la transition conformationnelle qui l’accompagne et affectent donc la stabilité. Elles touchent la poche de l’hème ainsi que les zones de contact α1β1 (responsables d’une Hb instable) et α1β2 (produisant une Hb à affinité modifiée pour l'oxygène). Les résidus de la cavité, l’extrémité des chaînes polypeptidiques impliqués dans les ponts salins qui stabilisent la forme désoxygénée de la molécule et les sites de fixation du 2,3-DPG sont également touchés [20, 24].

Thalassemia Sickle cells

Figure 5: Topographie des mutations sur le tétramère de globine [20]

Plus de 1500 variants sont répertoriés de nos jours [12], mais quelques dizaines seulement sont prédominants [25], plus fréquents et plus pathogènes et donc à l’origine de problèmes de santé publique majeurs. On en cite les variants S, C et E. Leurs caractéristiques cliniques et biologiques sont résumées dans l’annexe 1.

L’hémoglobine S est la plus fréquente des hémoglobinopathies. Elle est majoritairement présente en Afrique noire (Bénin, Mali, Afrique centrale), aux Antilles et aux Etats-Unis, mais aussi chez les populations indiennes, arabes et méditerranéennes [17]. La mutation responsable touche le sixième codon du gène β-globine conduisant au remplacement d’un acide glutamique par une valine (β6 Glu →Val). Ce variant est responsable de la drépanocytose, transmise selon un mode autosomique récessif [24]. Le mécanisme physiopathologique de base de cette maladie repose sur la propriété de l’Hb S désoxygénée à se polymériser, induisant la falciformation ainsi qu’une cascade d’autres anomalies constituant ensemble la base des deux manifestations majeures de la maladie : l’anémie hémolytique et la crise vaso-occlusive (figure 6). Malgré la réversibilité de ce phénomène, l’hémoglobine peut ne pas revenir à l’état soluble après plusieurs cycles de désoxygénation-réoxygénation en raison des altérations répétées de la membrane globulaire [13, 17, 24]. La

symptomatologie varie largement entre les formes homozygotes S/S, hétérozygotes A/S et hétérozygotes composites S/C ou S/β-thalassémiques. Toutes ces formes se regroupent sous le terme de « syndrome drépanocytaire majeur » et appartiennent aux anémies hémolytiques constitutionnelles chroniques [13].

Figure 6: Mécanisme physiopathologique de base de la drépanocytose [24]

L’hémoglobine C est le deuxième variant le plus fréquent [11]. Elle résulte d’une mutation ponctuelle qui affecte le sixième codon de la chaîne β-globine par substitution de l’acide glutamique par une lysine (β6 Glu →Lys). On la retrouve elle aussi à l’état hétérozygote A/C, homozygote C/C et hétérozygotes composites C/thalassémique ou S/C. Cette dernière est d’une clinique classiquement moins sévère que celle de la drépanocytose [17]. Ce variant n’entraine pas de polymérisation. Elle est, en revanche, responsable de la formation de cristaux intra-érythrocytaires entrainant une augmentation de la densité des globules rouges et leur déshydratation[26]. Sa répartition géographique intéresse particulièrement l’Afrique de l’Ouest (Ghana, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Bénin,…) mais aussi les populations noires d’origine africaine vivant aux Etats-Unis ou dans les Caraïbes. L’Afrique du Nord (Maroc, Algérie) et le Sud de l’Europe (Italie et Turquie) sont également concernés [17].

L’hémoglobine E est le troisième variant de l’hémoglobine le plus fréquent. Elle se rencontre surtout dans le Sud-est asiatique, où elle s’associe d’ailleurs fréquemment avec d’autres anomalies comme les α ou β-thalassémies. Ce variant est le résultat d’une mutation faux sens du codon 26 du gène β-globine qui entraîne le remplacement d’un acide glutamique par une lysine (β26 Glu →Lys). Elle se trouve à l’état hétérozygote A/E, homozygote (hémoglobinose E) et hétérozygotes composites E/thalassémique ou encore S/E. Pour ce qui est de sa physiopathologie, la séquence nucléotidique proche du site normal d’épissage est modifiée suite à la mutation responsable de la formation de l’hémoglobine E. Ce qui dévoile un site d’épissage cryptique qui décale alors le cadre de lecture et entraine donc un signal de terminaison précoce. La chaîne mutée est ainsi synthétisée à de faible taux par rapport à celui de l’Hb A. Ce déficit de synthèse de la chaîne de globine explique pourquoi l’hémoglobine E s’apparente plutôt aux syndromes thalassémiques sur le plan clinique [17].

D’autres variants sont rares mais restent importantes à connaitre car sont présentes dans les populations où l’HbS a une forte prévalence, notamment en Afrique subsaharienne. C’est le cas de l’ HbD-Punjab (β121 Glu ➞ Gln) rencontrée principalement dans le Sud de l’Asie, (dans la région du Punjab au Nord-ouest de l’Inde, au Pakistan et en Iran) et de l’ HbO-Arab (β121 Glu ➞Lys). Ils sont asymptomatiques à l’état hétérozygote ou homozygote. Cependant, les formes hétérozygotes composites S/D-Punjab et S/O-Arab sont cliniquement importantes et favorisent les propriétés de polymérisation de l’hémoglobine S. Ces variants D-Punjab et O-Arab sont respectivement « S-like » et « C-like » en électrophorèse sur gel à pH alcalin. Certaines techniques de CLHP, l’électrophorèse capillaire et l’isoélectrofocalisation permettent de les distinguer des hémoglobine S et C [12].

Plus rares encore sont les hémoglobines instables et les hémoglobines hyperaffines pour l’oxygène. Les hémoglobines instables sont caractérisées par une tendance à la dénaturation, avec formation de corps amorphes (corps de Heinz) diminuant la durée de vie des hématies. Elles sont responsables d’anémies hémolytiques de sévérité variable. Actuellement, on connaît plus d’une centaine d’hémoglobines instables cliniquement significatives, parmi lesquelles l’Hb Köln, l’Hb Zurich ou encore l’Hb Hasharon. Les patients porteurs des hémoglobines anormalement hyperaffines pour l’oxygène développent une

polyglobulie réactionnelle induite par une synthèse accrue d’érythropoïétine. C’est l’exemple de l’Hb Chesapeake et l’Hb Tak [11].

II.2. Anomalies quantitatives de l’hémoglobine : Thalassémies [10, 24, 27]