• Aucun résultat trouvé

nasatum et caractérisation des éléments transposables

IV. Perspectives de recherche

Le génome de référence annoté d'A. nasatum constitue une véritable opportunité pour les recherches à venir, et ce dans de nombreux domaines de la biologie évolutive. La richesse en ETs décelée chez les deux génomes d'isopodes terrestres constitue par exemple un terrain d'étude prometteur pour la caractérisation de transferts horizontaux entre ces deux espèces. La majorité de ces transferts connus d'un organisme eucaryote à un autre sont des transferts d'ETs (Schaack et al., 2010). Les transposons ainsi que les rétrotransposons à LTR, de par leurs mécanismes de réplication, sont les ETs le plus souvent impliqués dans des évènements de transferts horizontaux (Wallau et al., 2012). Or ces deux catégories d'ET constituent une large part des deux génomes d'isopodes terrestres, puisqu'ils représentent respectivement 17.4% (5% de rétrotransposons à LTR + 12.4% de tranposons à ADN) et 24.6% (8% de rétrotransposons à LTR + 16.6% de tranposons à ADN) des génomes d'A. nasatum et d'A. vulgare. Des transferts horizontaux d'ETs ont d'ailleurs déjà été mis en évidence chez les isopodes par le passé (Dupeyron et al., 2014). Cette étude s'était focalisée sur deux transposons à ADN appartenant à la superfamille Mariner, caractérisés tout d'abord chez A. vulgare puis chez plusieurs autres espèces d'isopodes (dont A. nasatum). Les deux familles d’ETs étudiées sont d'ailleurs considérées comme récemment actives, puisque certaines copies n'étaient pas présentes dans toutes les populations d'A. vulgare étudiées (Dupeyron et al., 2014). Ceci se révèle en accord avec nos résultats, puisque les ETs présentant l'activité la plus récente identifiés dans les génomes d'A. nasatum et d'A. vulgare sont majoritairement des transposons à ADN (Figure 30). Ainsi, un polymorphisme de présence/absence, associé à une activité récente de transposition, suggère que de nombreux autres transferts horizontaux d'ETs ont pu avoir lieu au cours de l'évolution des isopodes terrestres (Dupeyron et al., 2014). D'ailleurs, une étude récente à large échelle, menée sur 195 génomes d'hexapodes, a caractérisé plus de 2 200 évènements de transferts horizontaux d'ET qui se sont produits il y a tout au plus 10 millions d'années (Peccoud et al., 2017). Avec les génomes d'A. nasatum et d'A. vulgare, il pourrait être possible d'évaluer la quantité de transferts entre ces deux espèces mais aussi entre ces deux isopodes terrestres et les hexapodes.

108

Les assemblages de références d'A. nasatum et d'A. vulgare constituent aussi des ressources de choix pour la caractérisation de virus endogènes (EVE pour Endogenous Viral Elements) présents dans ces génomes. Depuis plusieurs années, il est devenu clair que de nombreux génomes viraux se sont intégrés dans les génomes de leurs hôtes eucaryotes, modifiant par ailleurs notre compréhension et notre vision de l'évolution des virus et de l'évolution des interactions hôtes/virus (Katzourakis & Gifford, 2010; Feschotte & Gilbert, 2012). Chez les isopodes terrestres, une première étude effectuée sur A. vulgare avait révélé une forte diversité de virus endogènes, puisque les EVEs détectés ont été assignés à cinq groupes viraux différents (Thézé et al., 2014). Une seconde étude a permis de confirmer cette forte diversité virale rencontrée chez les isopodes terrestres puisque les mêmes groupes viraux ont été identifiés chez A. nasatum (Metegnier et al., 2015). Il serait donc intéressant d'appliquer la même procédure d'identification que celle réalisée lors des études précédentes (Thézé et al., 2014; Metegnier et al., 2015) sur les nouveaux assemblages d'isopodes terrestres, et même de l'élargir aux nouveaux génomes de crustacés publiés depuis tels que l'amphipode P. hawaiensis (Kao et al., 2016) ou que le décapode E. sinensis (Song et al., 2016). Les ressources génomiques générées au cours de cette première partie de thèse constituent une opportunité pour mieux comprendre les patterns d'endogénisation virales, notamment au sein d'un groupe disposant de peu de ressources génomiques tel que les crustacés. Une telle démarche pourrait d'ailleurs permettre de caractériser de nouveaux virus exogènes pathogènes de crustacés (Metegnier et al., 2015).

Les génomes assemblés d'A. nasatum et d'A. vulgare représentent aussi une véritable opportunité pour caractériser génétiquement l'un des événements écologiques majeurs de l'histoire du Vivant, à savoir une transition du milieu marin vers le milieu terrestre. En effet, l'adaptation à un environnement terrestre nécessite des innovations à la fois morphologiques et physiologiques, telles que réduire la dépendance à l'eau ou encore résister aux plus fortes variations physicochimiques de l'environnement (Selden & Edwards, 1989). L'ordre des isopodes, qui contient à la fois des espèces aquatiques et terrestres, représente donc un modèle important pour comprendre les mécanismes impliqués dans ce processus de sortie des eaux (Broly et al., 2013). Si les adaptations physiologiques

et morphologiques à la vie terrestre ont été largement étudiées chez les cloportes (Warburg, 1993; Hornung, 2011), ces adaptations n'ont jamais pu être caractérisées génétiquement. De plus, les isopodes terrestres présentent une vaste gradation des adaptations (cuticule perméable, structure des pléopodes, comportements d'agrégation) permettant d'étudier les mécanismes de terrestrialisation (Vandel, 1943; Hornung, 2011; Broly et al., 2013). Ainsi l'apport de ces deux génomes constitue là encore une véritable opportunité de caractériser les gènes potentiellement impliqués dans les processus de terrestrialisation. Une première piste serait par exemple d'étudier le répertoire de gènes liés aux récepteurs olfactifs au sein des crustacés aquatiques et terrestres. En effet, la terrestrialisation est associée avec de profonds changements de gènes impliqués dans la synthèse des récepteurs olfactifs, car les molécules olfactives hydrosolubles et aériennes diffèrent fortement et ne peuvent être liées efficacement aux mêmes récepteurs (Niimura & Nei, 2005; Niimura, 2009; Vieira & Rozas, 2011; Lozano-Fernandez et al., 2016).

Enfin, ces données constituent aussi une base pour l'étude d'un autre aspect important de la biologie évolutive, à savoir l'évolution des mécanismes de déterminisme du sexe. Chez ces deux espèces, le sexe est déterminé par la présence de chromosomes sexuels. Ainsi, A. nasatum est connu pour être une espèce à hétérogamétie mâle (Juchault & Legrand, 1979) tandis qu'A. vulgare est une espèce à hétérogamétie femelle (Juchault & Legrand, 1972). Ces ressources génomiques ont donc servi de base pour l'étude à l'échelle moléculaire des mécanismes impliqués dans les transitions de système d'hétérogamétie, ce qui fait l'objet du chapitre suivant.

Identification de séquences

Documents relatifs