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Perspectives concernant la caractérisation de nouvelles séquences Y- Y-spécifiques

chromosome Y d'A. nasatum

I. Recherche de séquences liées au chromosome Y d'A

2. Perspectives concernant la caractérisation de nouvelles séquences Y- Y-spécifiques

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moyenne 80% de répétitions (jusqu'à 90% pour le Contig4747), alors que le taux de répétitions du génome total est de l'ordre de 63% (Chapitre 1), ce qui suggère là aussi une accumulation d'éléments répétés dans cette région du génome.

Une étude phylogénétique basée sur une datation moléculaire a estimé que le chromosome Y d'A. nasatum aurait évolué au cours des 25 derniers Ma (Chapitre 4, Figure 63, Becking et al., 2017), ce qui suggère que ce chromosome est assez récent à l'échelle évolutive. Ainsi, le processus d'accumulation d'éléments répétés dans la région Y-spécifique semble être un mécanisme rapide et précoce dans l'évolution du Y. Ce mécanisme précoce d'accumulation d'éléments répétés est d'ailleurs aussi retrouvé dans l'exemple du néo-chromosome Y de Drosophila miranda (Steinemann & Steinemann, 1992; Bachtrog, 2003, 2013). Dans cet exemple, tandis que le taux de répétitions du génome est d'environ 5%, il est en revanche estimé à près de 50% au sein de la région spécifique au chromosome Y (Steinemann & Steinemann, 1992; Bachtrog, 2003, 2013), dont l'âge est estimé à 1 Ma (Bachtrog & Charlesworth, 2002). Le même pattern d'accumulation d'éléments répétés est également observé au sein du chromosome Y de la papaye : le chromosome Y est âgé de moins de 10 Ma, mais il est composé de près de 80% de séquences répétées (alors que le génome n'en compte en moyenne que 52%) (Wang et al., 2012). Ces différents exemples, tout comme le chromosome Y d'A. nasatum, sont en accord avec des travaux théoriques indiquant que l'accumulation d'éléments répétés au niveau de la région Y-spécifique est un mécanisme particulièrement précoce impliqué dans la dégénérescence du chromosome Y (Charlesworth et al., 2005; Bachtrog, 2013).

2. Perspectives concernant la caractérisation de nouvelles séquences Y-spécifiques

Au delà des caractéristiques intrinsèques du génome d'A. nasatum (et notamment la proportion élevée d'éléments répétés), la composition même des régions spécifiques à l'hétérochromosome les rend difficiles à détecter (Tomaszkiewicz et al., 2017). Une meilleure caractérisation des séquences Y-spécifiques d'A. nasatum pourrait permettre d'identifier des gènes candidats du



déterminisme du sexe chez A. nasatum. A ce titre, l'analyse des 73 contigs/scaffolds candidats Y-spécifiques encore non-testés, issus du génome assemblé avec DBG2OLC, constitue une première piste prometteuse pour une meilleure compréhension de la structure génomique du chromosome Y. Ainsi, parmi ces contigs/scaffolds, 18 gènes ont été annotés (répartis dans 11 des 73 séquences) dont 8 gènes ayant une fonction inconnue. L'analyse de ces candidats offre ainsi de nouvelles perspectives pour la découverte de gènes potentiellement impliqués dans le déterminisme du sexe.

Afin d'affiner notre recherche de séquences liées au chromosome Y, une première solution serait de masquer les répétitions du génome et de reconduire ensuite les approches CQ et YGS. L'élimination des séquences répétées pourrait permettre des analyses moins biaisées (et notamment CQ qui semble fortement influencé par les séquences répétées) au détriment de la continuité de l'assemblage (Hall et al., 2013). Il pourrait s'agir d'une alternative pertinente pour la caractérisation du chromosome Y, et plus spécialement dans le cas de chromosomes sexuels homomorphes disposant probablement d'une zone non-recombinante propre au Y de petite taille. Cependant, l'élimination des séquences répétées risque de fragmenter virtuellement le génome, pouvant biaiser l'alignement des reads Illumina sur le génome dépourvu de répétitions.

Une autre approche basée sur la détection de polymorphismes nucléotidiques entre les mâles et les femelles peut aussi constituer une stratégie alternative pour la recherche de séquences spécifiques aux hétérochromosomes. Cette approche de génomique des populations, basée sur la densité de SNPs (Single Nuclotide Polymorphism) entre deux chromosomes sexuels faiblement différenciés, peut permettre de détecter des différences nucléotidiques fines entre les régions spécifiques à l'hétérochromosome même si elles présentent de fortes homologies avec le chromosome X (ou Z) (Tomaszkiewicz et al., 2017). Cette méthode a déjà été éprouvée avec succès sur le néo-chromosome Y de l'espèce d'épinoche japonaise Gasterosteus nipponicus (Yoshida et al., 2017), qui s'est formé suite à une fusion entre un chromosome Y ancestral et un autosome au cours des 2 derniers millions d'années (Kitano et al., 2009; Natri et al., 2013). Elle a aussi été utilisée pour la caractérisation d'un ensemble de gènes condensés se



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comportant tel un hétérochromosome chez le bruant à gorge blanche Zonotrichia albicolis (Tuttle et al., 2016). Cependant, une telle approche nécessite le plus souvent le séquençage d'un grand nombre d'individus ce qui peut rendre la production des données très onéreuse (Gautier, 2014), en particulier pour des espèces dont le génome est très grand, comme c'est le cas d'A. nasatum.

Une méthode alternative, basée uniquement sur l'utilisation de données issues de séquençage d'ARN, permet l'identification de gènes appartenant à l'hétérochromosome. Tout d'abord mise au point à partir de données issues d'individus fortement apparentés (et donc présentant une faible variabilité génétique, Muyle et al., 2012), cette approche est basée sur la détection de SNPs entre les gènes issus du chromosome Y (ou W) et ceux issus du chromosome X (ou Z) (Muyle et al., 2016). Plusieurs centaines de gènes spécifiques à l'hétérochromosome ont ainsi été identifiés par cette approche chez des espèces pour lesquelles des génomes séquencés n'étaient pas disponibles tels que chez la plante Silene latifolia (Muyle et al., 2016), ou encore récemment la plante Mercurialis annua (Ridout et al., 2017). Ce pipeline, nommé SEX-DETector, est d'ailleurs plus adapté aux espèces ayant des chromosomes sexuels faiblement différenciés. Cette méthode implique le séquençage d'individus d'une même famille sur plusieurs générations afin d'étudier le patron de ségrégation des allèles, et d'en déduire les gènes potentiellement liés au sexe (en plus de permettre une estimation du niveau d'expression de ces gènes dans les conditions expérimentales) (Muyle et al., 2016). Une telle approche constituerait un véritable atout pour la recherche de gènes impliqués dans la cascade de déterminisme du sexe, notamment grâce à l'utilisation de données de séquençage d'ARN issues d'individus en cours de différenciation sexuelle. Cette approche implique que le chromosome sexuel doit disposer de suffisamment de régions exprimées pour être détectées. Plus important encore, il apparaît aussi nécessaire de séquencer les individus lorsque les gènes liés au sexe sont exprimés.

L'usage de telles approches de détection de séquences liés au sexe basées sur les SNPs chez A. nasatum nécessiteraient de générer de nouvelles données de séquençage à haut débit. Cependant, à plus court terme, les dernières analyses YGS et CQ, réalisées sur le génome de référence d'A. nasatum, ont identifié 73



nouveaux contigs/scaffolds candidats. Des tests PCR seront réalisés prochainement, mais cette opportunité laisse déjà présager une meilleure caractérisation à venir des séquences spécifiques au chromosome Y d'A. nasatum. Une meilleure caractérisation des séquences propres au chromosome Y chez A. nasatum et au chromosome W chez A. vulgare (Chebbi et al., en préparation) permettrait de mieux comprendre l'histoire évolutive de ces chromosomes sexuels, et notamment de décrire la transition de système d'hétérogamétie observée entre A. nasatum et A. vulgare. La comparaison des séquences Y-spécifiques (A. nasatum) et W-spécifiques (A. vulgare) entre les deux génomes pourra indiquer si ces séquences sont situées dans des régions génomiques homologues, et donc si la transition de système d'hétérogamétie entre ces deux espèces est homologue (car ces séquences sont situées sur le même chromosome) ou non (Sarre et al., 2011). Dans cette perspective, une première analyse a été réalisée en recherchant les 6 loci Y-spécifiques identifiés chez A. nasatum dans le génome d'A. vulgare par BLASTn entre les séquences des amplicons de PCR des loci Y-spécifiques et l'ensemble du génome d'A. vulgare (Tableau 22).

Tableau 22 : Caractéristiques des séquences porteuses des loci Y-spécifiques d'A. nasatum identifiées chez A. vulgare. Le pourcentage d'identité indiqué correspond au % d'identité entre l'amplicon PCR des marqueurs Y-spécifiques identifiés chez A. nasatum et la séquence correspondante identifiée dans le génome d'A. vulgare.

Marqueurs Y-spécifiques (A.

nasatum)

Séquences correspondantes identifiées chez A. vulgare

Identifiant Identifiant % d'indentité % de répétition s % de

GC Score d'YGS Score de CQ

scf7180001668770 Contig28598 89% 54.58 27.84 1.3% 1.06 Contig46097 85% 58.06 34.54 24.1% 0.81 scf7180001797263 Contig27594 86% 64.94 28.84 4.2% 1.06 scf7180001685477 aucun - - - - - scf7180001705172 Contig40169 91% 65.81 27.64 2.6% 0.99 scf7180001703882 Contig31602 89% 85.74 29.06 3.9% 0.9 scf7180001550276 aucun - - - - -

Quatre des 6 loci Y-spécifiques d'A. nasatum sont présents dans le génome d'A. vulgare, dont 3 en copie unique et 1 dupliqué (Tableau 10). Les séquences identifiées chez A. vulgare présentent des scores d'YGS et de CQ autosomaux, ce qui semble indiquer que les loci Y-spécifiques d'A. nasatum ne correspondent pas



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à une région W-spécifique ou Z-spécifique (les régions Z-spécifiques ont normalement un score de CQ proche de 2, Figure 32) lorsqu'ils sont présents chez A. vulgare. Bien que ces résultats soient préliminaires, ils pourraient être en accord avec une transition hétérogamétique non-homologue entre les deux espèces, selon la définition de Sarre et al. (2011). En effet, des chromosomes sexuels non-homologues peuvent évoluer suite à : (i) la duplication du locus déterminant le sexe et à sa transposition sur un autosome, comme décrit chez le poisson médaka (Tanaka et al., 2007) ou (ii) l'apparition d'un nouveau gène déterminant le sexe indépendamment des chromosomes sexuels préexistants (Sarre et al., 2011), comme dans le cas des reptiles Ctenophorus fordi et Pogona vitticeps (Ezaz et al., 2009). En revanche, si les séquences identifiées chez A. vulgare sont situées dans des régions pseudo-autosomales, alors la transition de système d'hétérogamétie entre A. nasatum et A. vulgare serait une transition homologue (Sarre et al., 2011). Quoi qu'il en soit, l'approche génomique utilisée dans les cas d'A. nasatum et d'A. vulgare constitue une première piste pour caractériser la transition de systèmes d'hétérogamétie entre ces deux espèces, et elle pourrait être complétée par des approches de peintures chromosomiques par hybridation in situ en fluorescence (Shetty et al., 1999).



II. Relations entre A. nasatum et sa souche de Wolbachia

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