• Aucun résultat trouvé

Introduction générale

I. Contexte général

4. Différenciation sexuelle

Le seul effecteur connu de la cascade de différenciation sexuelle des isopodes terrestres est l'hormone androgène, qui est responsable du développement en mâle. Cet effecteur est d'ailleurs le dernier de la cascade de différenciation sexuelle (Suzuki, 1999). Il s'agit d'une hormone circulante, principalement sécrétée par la glande androgène (A, Figure 13) qui est située à l'extrémité de chaque utricule des gonades mâles (Martin & Kowallik, 1999; Okuno et al., 1999; Suzuki, 1999). Les isopodes terrestres mâles comptent six glandes androgènes (trois par gonade), qui sont constituées de nombreuses cellules enveloppées dans une gaine conjonctive, et sont localisées dans les filaments suspenseurs des utricules testiculaires (Juchault, 1966).

Les individus naissent sexuellement indifférenciés et se différencient au cours d'une fenêtre temporelle restreinte. En l'absence de l'hormone androgène, un phénotype femelle se développe par défaut (Charniaux-Cotton, 1959). Chez le cloporte commun A. vulgare, la différenciation sexuelle débute à partir de la 4ème mue post-natale (C, Figure 13) (Katakura, 1984; Suzuki & Yamasaki, 1995a; Badawi et al., 2015) tandis qu'elle débute à partir de la 3ème mue chez Cylisticus convexus (C, Figure 13) (Badawi et al., 2015) et dès la 2nde mue chez Helleria brevicornis (Juchault, 1966). Ces quelques exemples illustrent la diversité observée dans la chronologie de la différenciation sexuelle des isopodes terrestres. Cette différenciation sexuelle particulière (différenciation hormone-dépendante des mâles ; existence d'une fenêtre temporelle de différenciation) permet de

manipuler expérimentalement le phénotype sexuel des

possible d'induire le développement de femelles génétiqu phénotypiques fonctionnels (ces individus sont alor

l'injection de glandes androgènes au cours des prem différenciation sexuelle.

Figure 13 : Différenciation

d'Armadillidium versicolor observée à la loupe binoculaire glande est composée d'un ensemble de cellules sécré située à l'extrémité de chaque testicule, incluse d développement morphologique des gonades mâles e (indifférenciée) au stade 8 (différenciation totale correspond au développement des gonades mâles et la développement des gonades femelles. Chaque stade es et al., 1995). C) Chronologie de la différenciation La différenciation est un stade plus précoce chez stades de mues (d'après Badawi et al.,

34

manipuler expérimentalement le phénotype sexuel des individus. En effet, il est ble d'induire le développement de femelles génétiques en mâles phénotypiques fonctionnels (ces individus sont alors qualifiés de "néo

l'injection de glandes androgènes au cours des premières étapes de la différenciation sexuelle.

des gonades d'isopodes terrestres. A) Glande androgène observée à la loupe binoculaire (crédit : T. Becking). Cette glande est composée d'un ensemble de cellules sécrétant l'hormone androgène. Elle est située à l'extrémité de chaque testicule, incluse dans le filament suspenseur. B) Schéma du développement morphologique des gonades mâles et femelles d'A. vulgare, du stade 3 (indifférenciée) au stade 8 (différenciation totale). La partie supérieure du schéma correspond au développement des gonades mâles et la partie inférieure correspond au développement des gonades femelles. Chaque stade est séparé par une mue (d'après Suzuki et al., 1995). C) Chronologie de la différenciation sexuelle d'A. vulgare et de C. convexus La différenciation est un stade plus précoce chez C. convexus et dure le même nombre de stades de mues (d'après Badawi et al., 2015).

individus. En effet, il est ble d'induire le développement de femelles génétiques en mâles s qualifiés de "néo-mâles") par ières étapes de la

A) Glande androgène (crédit : T. Becking). Cette tant l'hormone androgène. Elle est ans le filament suspenseur. B) Schéma du , du stade 3 ). La partie supérieure du schéma partie inférieure correspond au t séparé par une mue (d'après Suzuki C. convexus. et dure le même nombre de

III. Association isopodes terrestres/Wolbachia

1. Présentation et historique de Wolbachia

Une caractéristique importante de nombreuses espèces d'isopodes terrestres est leur association avec la bactérie Wolbachia pipientis, un micro-organisme endosymbiotique strict (c’est-à-dire que le symbiote ne peut vivre que dans les cellules de son hôte). Elle doit son nom au fait qu’elle a été découverte pour la première fois chez le moustique Culex pipiens par Simeon B. Hertig et Marshall Wolbach en 1924 (Hertig & Wolbach, 1924). Il s'agit d'une Alphaprotéobactérie gram-négative appartenant à la famille des Rickettsiales (Hertig, 1936). Elle est connue pour infecter un large spectre d'hôtes (Tableau 1), à tel point qu’elle est considérée comme un des endosymbiotes les plus répandus sur Terre (LePage & Bordenstein, 2013; Makepeace & Gill, 2016), infectant à la fois des nématodes (Taylor et al., 2005) et plus de 40% des arthropodes (Bouchon et al., 2008; Zug & Hammerstein, 2012). Chez ces derniers, Wolbachia est présente chez près de 66% des espèces d'insectes (Hilgenboecker et al., 2008), chez les chélicérates (Duron et al., 2008), et chez les crustacés (Cordaux et al., 2012). En particulier, la présence de cet endosymbiote a été rapportée dans près de 61% des espèces d'isopodes terrestres (Bouchon et al., 2008).

36

Tableau 1 : Classification taxonomique des différents hôtes de Wolbachia (d'après Makepeace & Gill, 2016).

Phylum Sous-phylum Classe Ordre Nom commun

Arthropoda

Hexapoda

Insecta

Archaeognatha archaeognathes Blattodea blattes et termites Coleoptera coléoptères

Diptera mouches

Hemiptera punaises

Hymenoptera guèpes, abeilles et fourmis Lepidoptera mites et papillons

Mantodea mantes

Neuroptera névroptères

Odonata libellules et demoiselles Orthoptera sauterelles et criquets Phthiraptera poux Plecoptera plécoptères Psocoptera psocoptères Siphonaptera puces Strepsiptera strepsiptères Thysanoptera thrips Entognatha Collembola collemboles Crustacea Maxillopoda Pedunculata pousse-pieds Ostracoda Podocopida ostracodes Malacostraca

Isopoda cloportes, poux de mer

Amphipoda puces de mer

Chelicerata

Arachnida

Trombidiformes tétranyques

Sarcoptiformes oribates et sarcoptoïdés Parasitiformes tiques Araneae araignées Pseudoscorpionida pseudoscorpions Scorpiones scorpions Nematoda - Chromadoria

La transmission de

ovocytaire, ce qui signifie qu'elle doit coloniser les cellules pour pouvoir être transmise. Cependant, les phylogé hôtes ne sont pas congruentes, suggérant que des tr Wolbachia se sont produits

Shoemaker et al., 2002) naturellement par ingestio

d'hémolymphe (Juchault & Rigaud, 1995; Heath et al., 1999; Corda Huigens et al., 2004; Le Clec’h et al., 2013a, 2013

de sa présence dans les tissus germinaux, selon l'h

intracellulaire est susceptible d'occuper d'autre tissus de la lignée s Plusieurs études in vivo

nerveux, le système digestif ou encore dans l'hémol

terrestres notamment (Dobson et al., 1999; Dittmer et al., 2014) dispose d'une double membra

vraisemblablement dérivée du réticulum endoplasmiqu son hôte (Figure 14, Martin et al., 1973; Voronin et al., 2004)

Figure 14 : Observation de

transmission. La bactérie (notée W) est ici présente dans le cyto d'une cellule nerveuse

flèches noires indiquent les membranes entourant la bactérie (im de Sicard et al., 2014)

La transmission de Wolbachia s'effectue principalement par voie ce qui signifie qu'elle doit coloniser les cellules de la lignée germinale pour pouvoir être transmise. Cependant, les phylogénies de Wolbachia

hôtes ne sont pas congruentes, suggérant que des transferts horizontaux de se sont produits au cours de l'évolution (Werren et al., 1995; Shoemaker et al., 2002). Ces transferts horizontaux ont pu s'effectuer naturellement par ingestion, par parasitisme ou même encore par contact direc

(Juchault & Rigaud, 1995; Heath et al., 1999; Cordaux et al., 2001; Huigens et al., 2004; Le Clec’h et al., 2013a, 2013b; Ahmed et al., 2015)

de sa présence dans les tissus germinaux, selon l'hôte considéré, cet endosymbiote susceptible d'occuper d'autre tissus de la lignée s

in vivo ont décrit la présence de Wolbachia dans le système nerveux, le système digestif ou encore dans l'hémolymphe d'insectes et d'isopodes (Dobson et al., 1999; Dittmer et al., 2014). Cette bactérie dispose d'une double membrane sans paroi ainsi que d'une troisième membrane vraisemblablement dérivée du réticulum endoplasmique ou d'un autre organite de

Martin et al., 1973; Voronin et al., 2004).

: Observation de Wolbachia en microscopie électronique à La bactérie (notée W) est ici présente dans le cytoplasme d'une cellule nerveuse d'A. vulgare. L'échelle représente 500 nm. Les s indiquent les membranes entourant la bactérie (image tirée de Sicard et al., 2014)

s'effectue principalement par voie de la lignée germinale Wolbachia et de ses ansferts horizontaux de (Werren et al., 1995; . Ces transferts horizontaux ont pu s'effectuer n, par parasitisme ou même encore par contact direct (Juchault & Rigaud, 1995; Heath et al., 1999; Cordaux et al., 2001; b; Ahmed et al., 2015). En plus ôte considéré, cet endosymbiote susceptible d'occuper d'autre tissus de la lignée somatique. dans le système ymphe d'insectes et d'isopodes . Cette bactérie ne sans paroi ainsi que d'une troisième membrane e ou d'un autre organite de

en microscopie électronique à La bactérie (notée W) est ici présente dans le cytoplasme . L'échelle représente 500 nm. Les age tirée

38

Une telle organisation pourrait être un moyen de faciliter la communication entre Wolbachia et la cellule hôte car les facteurs sécrétés à la surface de ces membranes (tant par la bactérie que par son hôte) se situeraient directement à l'interface physique entre les deux acteurs de cette symbiose. La bactérie serait ainsi en mesure de transporter ses facteurs vers le cytoplasme de l'hôte tout en étant en contact avec les nutriments de l'hôte (Serbus et al., 2008). L'ubiquité cellulaire et tissulaire de Wolbachia associée à sa proximité avec le cytoplasme de son hôte pourraient expliquer le fort impact de cette bactérie sur les traits d'histoire de vie de ses hôtes, ainsi que les conséquences phénotypiques qui en découlent.

2. Conséquences de Wolbachia sur le phénotype de ses hôtes

Documents relatifs