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La diversité des facteurs déclencheurs du déterminisme du sexe : de l'environnement à la génétique

Introduction générale

I. Contexte général

4. La diversité des facteurs déclencheurs du déterminisme du sexe : de l'environnement à la génétique



La mise en place de l'anisogamie et du gonochorisme a pour conséquence majeure de faire apparaître un rôle distinct pour chaque sexe. Leur apparition s'est accompagnée de celle de systèmes de déterminisme du sexe, afin de déclencher la différenciation en un individu sexué. Les mécanismes de déterminisme du sexe les plus connus sont ceux des chromosomes sexuels de Drosophila melanogaster ou encore des mammifères, où les mâles ont des chromosomes XY et les femelles XX (Bachtrog et al., 2014). Ce mécanisme de déterminisme du sexe, qui implique des chromosomes sexuels étant considérés comme des éléments stables à l'échelle génomique, est parfois considéré comme normal et généralisable à l'échelle du Vivant. Cependant, ces a priori ne résistent pas à un examen de la répartition des mécanismes de déterminisme du sexe au sein de multiples taxa, plantes comme animaux (Figure 2), puisque le plus souvent, une grande diversité de systèmes de déterminisme du sexe est observée (Figure 2). Cette diversité peut être décomposée en deux catégories distinctes selon la nature du facteur déclencheur du devenir sexuel des individus : le déterminisme environnemental du sexe, et le déterminisme génétique du sexe.

Figure 2 : Diversité des systèmes de déterminisme du sexe identifiés au sein de divers taxa. Cinq clades présentent un unique système de déterminisme du sexe (mammifères, oiseaux, coléoptères, hyménoptères et lépidoptères), tandis que neuf clades présentent une diversité de mécanismes (adapté de Bachtrog et al., 2014).

Le déterminisme environnemental du sexe (ESD, pour Environnmental Sex Determination) est initié par des signaux environnementaux. Ces signaux déclenchent une cascade de mécanismes génétiques et régulent les gènes déterminants pour le sexe male ou le sexe femelle (Crews & Bull, 2009). Il peut dépendre de deux types de facteurs : (i) les caractéristiques physico-chimiques du milieu et (ii) les caractéristiques structurelles d'une population (caractéristiques dites "sociales"). Le premier cas constitue l'exemple le plus connu d'ESD, et se distingue par l'existence d'une période sensible au cours du développement embryonnaire, durant laquelle le devenir sexuel de l'individu sera influencé par un facteur physico-chimique du milieu. Par exemple, chez de nombreuses espèces d'ectothermes, le sexe d'un individu est déterminé par la température au cours du développement embryonnaire (Crain & Guillette, 1998; Valenzuela & Lance, 2004) (Figure 3).

La température va moduler la transcription de l'aromatase, une enzyme responsable de la conversion d'androgènes en œstrogènes chez les espèces à ESD température-dépendant (Wibbels & Crews, 1994; Navarro-Martín et al., 2011). La proportion relative de ces hormones influence le développement de gonades

Figure 3 : Exemples d'espèces au déterminisme environnemental du sexe. Un déterminisme du sexe température-dépendant est constaté chez l'alligator américain (Alligator mississippiensis), la tortue de Floride (Trachemys scripta elegans) et la tortue alligator (Macroclemys temminckii) (adapté de Crain & Guillette, 1998).

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indifférenciées en testicules ou en ovaires. Le déterminisme température-dépendant est particulièrement bien décrit chez les reptiles (Figure 3) tels que les tortues (Pieau, 1971), les alligators (Ferguson & Joanen, 1982), ou encore les lézards (Charnier, 1965), ainsi que chez les poissons (Ospina-Álvarez & Piferrer, 2008). La luminosité/photopériode représente un autre mécanisme de déterminisme du sexe, comme c'est le cas par exemple chez certaines espèces d'Orchidées appartenant aux genres Catasetum ou encore Cycnoches. Dans ces deux exemples les individus se différencient en mâles en présence d’un ensoleillement faible, et à l'inverse en femelles si l’exposition au soleil est plus intense (Charnov & Bull, 1977). Ce mécanisme existe aussi chez certains invertébrés tels que le crustacé Gammarus duebeni (Amphipoda), où les variations de photopériode résultent en des pics de production de mâles ou de femelles au cours de l'année (Bulnheim, 1978). Enfin, une étude récente menée sur la lamproie (Petromyzon marinus) suggère que le sexe de cette espèce serait directement influencé par la vitesse de croissance larvaire des individus (Johnson et al., 2017), cette croissance étant soumise directement à la qualité du milieu.

Dans le cas du déterminisme social du sexe, les facteurs essentiels sont la densité de population ou encore le sex-ratio des individus déjà présents (Haag & Doty, 2005). Chez le ver marin Bonellia viridis (Echiura, Annelida) par exemple, les larves se développent en femelles si la niche qu'elles occupent est vacante, ou en mâles si la larve indifférenciée se dépose sur une femelle déjà présente (Leutert, 1974).

Même si l'ESD est phylogénétiquement très répandu au sein du règne animal (Korpelainen, 1990), la catégorie de mécanismes déterminant le sexe la plus répandue reste le déterminisme génétique du sexe (GSD, pour Genetic Sex Determination). Dans ce cas, c'est un ou des éléments génétiques qui déterminent si l'individu se développe en femelle ou en mâle. Tout comme dans le cas de l'ESD, il existe de multiples modalités de GSD (Figure 2, Bachtrog et al., 2014).

Le plus décrit et le plus connu des GSD est le déterminisme chromosomique du sexe. Chez de nombreux métazoaire, les deux sexes ont une composition chromosomique différente. Le sexe est déterminé par un locus qui est hétérozygote chez un sexe et homozygote chez l’autre (Bull, 1983). Il existe deux types principaux d'hétérogamétie : l'hétérogamétie mâle dans le cas où les mâles

portent deux chromosomes différents ( XY -  XX), caractérisant par exemple D. melanogaster et l'ensemble des mammifères, comme évoqué plus haut (Figure 2), et l'hétérogamétie femelle dans le cas où les femelles portent deux chromosomes différents ( ZZ -  ZW) (Bull, 1983), comme chez l'ensemble des oiseaux ou encore des lépidoptères (Figure 2). D'autres combinaisons existent, allant de l'hétérogamétie femelle de type 00/W0 ou encore ZZ/Z0 observée chez certains amphibiens (Green, 1988) ou certains poissons (Devlin & Nagahama, 2002) à l'hétérogamétie mâle de type XX/X0 (Devlin & Nagahama, 2002). De plus, des systèmes complexes XY et ZW sont aussi possibles, dans le cas de fusions/scissions/translocations entre chromosomes sexuels et autosomes, pouvant mener à des systèmes de type X1X2Y, XY1Y2 ou encore Z1Z2W (voir la revue de Bachtrog et al., 2014). Les deux systèmes d'hétérogamétie peuvent d'ailleurs coexister au sein de la même espèce. C’est le cas par exemple chez la grenouille Rana rugosa, chez qui les chromosomes sexuels impliqués dans les deux systèmes se sont différenciés indépendamment au sein de différentes populations (Nishioka et al., 1993). Enfin, un dernier type d'hétérogamétie existe chez certaines espèces ayant une phase sexuée haploïde, qualifié de système U/V, où les femelles sont porteuses du chromosome U et les mâles porteurs du chromosome V (Ahmed et al., 2014). Dans l'exemple de l'algue brune Ectocarpus sp., le sporophyte diploïde issu de la fécondation est tout d'abord de génotype UV, et le sexe ne sera déterminé que lors de la méiose, qui formera des individus haploïdes femelles U ou mâles V.

D'autres exemples de GSD, moins répandus, existent aussi en plus du déterminisme chromosomique du sexe. C'est le cas par exemple de l'haplo-diploïdie, notamment rencontrée chez l'ensemble des hyménoptères (Grimaldi & Engel, 2005), qui implique la totalité du génome, puisque les mâles se distinguent par un génome haploïde (développement à partir d'une cellule-œuf non fécondée), tandis que les femelles sont diploïdes (développement à partir d'une cellule-œuf fécondée). Il existe aussi des phénomènes d'inactivation (sous forme d'hétérochromatine), voire d'élimination du génome paternel post-fécondation, qui sont particulièrement répandus au sein des cochenilles (Coccoidea, Hemiptera) (Figure 2 ; Nur, 1980). Le système de déterminisme polygénique du sexe consiste quant à lui en de multiples loci/allèles potentiellement localisés sur différents

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chromosomes (Moore & Roberts, 2013) étant impliqués dans le déterminisme du sexe, comme par exemple chez le poisson zèbre (Liew et al., 2012).

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