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Perspectives et apport des liens à l’hydrologie urbaine

Le chapitre VI. a montré la capacité des liens à bien reproduire la dynamique et le volume de la pluie localement, et ce chapitre VII. permet de montrer, à travers la spatialisation des pluies à partir du réseau, un potentiel intéressant pour de l’hydrologie urbaine. Cette spatialisation des pluies, à une échelle aussi fine, est difficilement possible à retrouver avec un réseau de pluviographes, et des moyens limités.

Cela donne des perspectives très intéressantes sur la possibilité de faire de l’hydrologie urbaine dans le contexte du Sahel, à partir d’un réseau de liens microondes commerciaux. La dynamique et le volume des pluies étant bien reproduit (chapitre VI.), et la densité linéaire de ce réseau permettant une bonne reproduction spatiale de la pluie (chapitre V.), la modélisation du débit à l’exutoire d’un bassin versant urbain, mais aussi à une échelle encore plus fine, devrait être possible avec une erreur et incertitude limitée. La densité du réseau de liens permet en plus d’avoir de l’information sur l’incertitude, qui peut être utilisée pour une simulation de type ensembliste.

Cette étude rejoint les conclusions d’études menées sous des climats tempérés, sur la possibilité d’utiliser un réseau de lien en entrée d’un modèle hydrologique pour la simulation de débits (Fencl et al. 2013, 2015; Pastorek et al. 2019; Stransky et al. 2018). Pour montrer cela en contexte sahélien, il est maintenant nécessaire d’avoir la possibilité de tester un réseau de

liens, dans une agglomération avec des débits jaugés, et un modèle hydrologique urbain distribué en place et calibré.

Mais en attendant, il est toujours possible d’utiliser le réseau de liens pour des problématiques hydrologiques, à partir de dépassement de seuils de pluies sur des zones très localisées, grâce à l’échantillonnage important de la pluie par le réseau, et des informations pouvant être données avec des barres d’erreurs, à partir des incertitudes connues sur les pluies. Toutefois dans beaucoup d’agglomérations Sahéliennes, les inondations ne sont pas uniquement liées aux pluies in-situ. En effet à Niamey, la cause principale d’inondations est liée aux crues du Niger, dont une partie sont dues à des bassins versants en amont de Niamey (chapitre I.). Ces bassins versants se trouvant hors de portée du réseau que nous avons obtenu à Niamey en 2017, nous ne pouvons pas étudier ces inondations à partir uniquement de ce réseau.

Depuis peu, nous avons obtenu des données en 2019 sur le réseau entier du Niger, nous permettant d’avoir des informations sur les pluies à plus grande échelle. De plus pour des problématiques hydrologiques de grands bassins versants, la densité d’échantillonnage de la pluie nécessaire est moins importante (Arnaud et al. 2011), et pourrait correspondre à la densité du réseau de liens en rural.

Mais une grande partie des bassins versants en amont de Niamey, contribuant au débit des crues rouges du Niger est au Burkina Faso (chapitre I.). Donc même avec les données d’un réseau à l’échelle d’un pays, ça n’est pas suffisant pour avoir une mesure de la pluie à l’échelle d’un bassin versant transfrontalier comme celui du Niger. Il est alors nécessaire d’utiliser un autre moyen de mesure de la pluie en complément ou en addition, qui a une plus grande étendue spatiale, comme la mesure de pluie par satellite.

Les inondations à Niamey sont essentiellement dues aux crues du fleuve Niger (chapitre I.). Et pour de grands bassins versants transfrontaliers peu jaugés, l’utilisation de produits satellitaire, qui permettent une mesure de la pluie spatialisée sur l’ensemble du globe, semble être une solution intéressante (Casse 2015). Les produits satellitaires étudiés dans ce chapitre se basent sur des satellites géostationnaires, et la constellation de satellites défilants provenant de GPM (Global Precipitation Measurement). GPM est un programme mené par les agences spatiales américaines (NASA) et japonaises (JAXA), mais qui comporte aussi des satellites lancés par d’autres agences comme le satellite Megha-Tropique (ISRO/CNES). Les données des produits satellitaires proviennent de (Berges 2019) :

- satellites géostationnaires avec des capteurs infrarouges permettant de mesurer la température de brillance du sommet des nuages, ce qui permet d’estimer statistiquement à une échelle grossière des précipitations, et principalement des zones de pluie

- satellites défilants avec des capteurs microondes passifs, qui détectent donc la rétrodiffusion des microondes, ce qui permet de récolter des informations sur la structure des nuages (cristaux de glace, noyaux de précipitation), et notamment des systèmes de méso-échelle, ce qui permet statistiquement d’estimer des intensités pluvieuses et des zones de pluies

- satellites défilants avec des capteurs microondes actifs, type radar, similaires à ce que l’on peut trouver sur Terre (chapitre III.).

Cette constellation de satellites donne une estimation de la pluie qui peut être corrigée par de la donnée au sol (pluviographes), pour donner des produits finaux. Mais le temps d’obtention de ces données peut être long (de l’ordre de plusieurs mois), et nous nous intéressons alors ici, uniquement aux produits dit temps réel. Ces produits temps réel sont obtenus uniquement à partir de la donnée satellite, avec donc des algorithmes simplifiés (mais restant très complexe), permettant d’acquérir la donnée, quelques heures après sa mesure. Ils

sont a priori moins précis que les produits finaux, mais leur temps d’acquisition plus court, permet de travailler sur des thématiques d’inondations comme celles étudiées dans cette thèse. Quatre produits satellitaires de précipitations se basant sur la constellation GPM sont étudiés plus en détail dans ce chapitre : IMERG (Integrated Multi-satellite Retrievals for GPM) en version 05 et 06, GSMaP (Global Satellite Mapping of Precipitation) et PERSIANN (Precipitation Estimation from Remotely Sensed Information using Artificial Neural Networks). Les différences entre ces produits se basant, dans l’ensemble, sur les mêmes satellites (PERSIANN s’appuient surtout sur les capteurs infrarouge), sont principalement au niveau de l’algorithme. Ces algorithmes permettent à partir des mesures effectuées par les capteurs, d’estimer la localisation des zones pluvieuses, leur étendue, et leur intensité.

La mesure de pluie par satellite est intéressante car elle permet d’avoir un produit spatialisé sur l’ensemble du globe. Mais cet instrument de mesure a aussi ses propres incertitudes et défauts, d’autant plus lorsqu’il est utilisé en quasi temps réel, avec notamment une imprécision importante à une fine échelle spatio-temporelle (Guilloteau 2016). Cette imprécision des produits satellitaires peut être problématique en hydrologie pour des thématiques nécessitant une fine échelle spatio-temporelle, comme par exemple en urbain. On a vu jusque-là dans cette thèse que les réseaux de liens commerciaux ont une bonne capacité à reproduire la variabilité spatio-temporelle de la pluie, à une fine échelle en urbain. Mais on a aussi vu qu’ils ont des limites pour de l’hydrologie de grands bassins versants, du fait de leur extension spatiale se limitant aux zones habitées.

Ces deux méthodes semblent donc avoir des défauts et qualités complémentaires, et il est intéressant de se poser la question sur comment utiliser cette complémentarité apparente. Dans ce chapitre, après une présentation des produits satellitaires étudiés (section 1.), et des données de liens utilisées (section 2.), ces données sont comparées à l’échelle de l’agglomération niaméyenne (section 3.), avant de discuter en perspective de leur utilisation de manière complémentaire (section 4.).

Présentation des produits satellitaires et mesure de la pluie à l’échelle du