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Contexte des inondations urbaines au Sahel, exemples de deux agglomérations à l’hydrologie différente : Niamey et Ouagadougou

Dans la section 1., a été montré la hausse de la vulnérabilité dans la région depuis 1950, par une augmentation de la population et de sa densité, et une artificialisation des sols au Sahel. La section 2., a montré que l’aléa pluvieux a été variable au cours du dernier siècle, mais que les pluies de la région ont naturellement tendance à être très intense à cause de leur structure (SCM), et que cela tend à augmenter depuis quelques années et peut encore augmenter dans le futur. Ces différents facteurs engendrent une augmentation du risque d’inondations qui sont déjà élevés dans la région, et couplés à d’autres risques environnementaux (figure I.11).

Di Baldassarre et al. (2010) et Tarhule (2005) ont montré une augmentation des dégâts liés aux inondations depuis de nombreuses années, et Ouagadougou et Niamey, plus étudiés dans cette thèse, ne font pas exception. En introduction ont été mentionnés les dégâts importants des inondations de septembre 2009 dans la région, qui ont été particulièrement virulentes à Ouagadougou le 1er septembre. Elles ont engendré dans l’agglomération burkinabé plus de 150000 sinistrés, des problèmes de santé liés à la propagation de maladies infectieuses (choléra, paludisme, …), des problèmes d’eau potable, une insécurité alimentaire, et une perte d’infrastructures (OCHA 2009). Le Niger est aussi fortement touché par les inondations, et Tarhule (2005) a dénombré en s’appuyant sur des journaux parus entre 1970 et 2000, 5580 maisons détruites, 27289 sans-abris et plus de 4 millions de dollars de dommages dans 47 villes au Sahel nigérien.

Figure I.12 : Illustration du niveau de risque de sécheresse (à gauche) et d’inondations (à droite) au Burkina Faso (GFDRR 2011). Source des données : UNEP’s Global Risk Data Platform, Columbia University Center for Hazards and Risk Research (CHRR), and Columbia University Center forInternational Earth Science Information Network (CIESIN)

L’augmentation du risque d’inondation dans la région est liée à plusieurs facteurs dont ceux décrits dans la section 1. et 2. qui impactent Niamey et Ouagadougou de façons différentes, car ces deux agglomérations ont deux contextes hydrologiques bien distincts. En effet Ouagadougou a été touché par une augmentation des inondations urbaines depuis plusieurs années, causées par la non-infiltration de pluies torrentielles in-situ (ruissellement hortonien). Cette augmentation des inondations est due à l’augmentation des occurrences de précipitations intenses (section 2.b.), car l’agglomération a été inondée dans des secteurs déjà urbanisés depuis longtemps, qui n’avaient pas été particulièrement inondés en provoquant de tels dégâts par le passé (Descroix et al. 2015).

Pour Niamey qui contrairement à Ouagadougou est coupé de part en part par un cours d’eau (figure I.12.), l’augmentation des risques d’inondations est liée principalement à l’augmentation des débits du fleuve Niger. Les débits de crue à Niamey sont issus de deux crues qui se superposent et qui se suivent : la crue rouge et la crue noire ou guinéenne. La crue rouge est due aux contributions locales des pluies lors de la saison humide, et principalement de celles sur les bassins versants du Gorouol, du Dargol et de la Sirba (Casse 2015). Par la suite cette crue est renforcée par les eaux de la crue noire, provenant aussi des pluies de la saison humide, mais ayant eu lieu sur la région guinéenne, et donc mettant plusieurs mois à arriver à Niamey (Casse 2015). Les deux crues sont guidées par des dynamiques différentes avec (Descroix et al. 2015) :

Figure I.13 : Carte schématique du bassin du Niger moyen et de ses affluents en amont de Niamey : le Gorouol, le Dargol et la Sirba (Descroix et al. 2015)

- un écoulement pour la crue noire lié aux caractéristiques de la zone soudano-guinéenne, dont le ruissellement est guidé principalement par la saturation des sols lors des précipitations,

- et un écoulement de la crue rouge lié aux caractéristiques de la zone sahélienne, dont le ruissellement est principalement hortonien, c’est à dire guidé par la non infiltration des pluies, dont l’intensité est supérieure au taux d’infiltration du sol. On a donc dans la zone soudano-guinéenne une baisse des débits plus fortes que la baisse des précipitations, car les sols n’ont pas perdu en leur capacité de rétention en eau. Cela a engendré la variation du régime hydrologique du fleuve au cours du temps, avec les débits maximaux qui sont liés à la crue noire, qui ont suivi les cumuls annuels de précipitation décrits dans la section 2.b. On a donc sur la période 1953-2012 des débits maximaux sur la période 1950-1970, puis une diminution sur la période 1970-1990, avant de réaugmenter sur la période 1990-2010.

On voit sur la figure I.13. que contrairement à la crue noire, la crue rouge ne diminue pas, avec des débits similaires du Niger à Niamey en aout-septembre sur l’ensemble des décennies, mêmes lors des décennies de sécheresses. Cela s’est même accentué sur la décennie 2003-2012, avec une crue rouge, dépassant les débits sur la même période, de la décennie la plus humide (1953-1962), donnant un hydrogramme moyen qui devient bi-modal net (Casse 2015).

Cette stagnation, voire augmentation des débits durant la crue rouge est liée à l’augmentation du ruissellement au Sahel, lié à l’artificialisation des sols (section 1.), et à la

contraction de la couverture végétale (Descroix et al. 2015). En effet, pour les bassins versants en amont de Niamey, qui sont la source de la crue rouge, les coefficients d’écoulement ont été multipliés par deux voire trois de 1950 à 2010 (figure I.14.).

Les inondations liées à la crue rouge, sont d’autant plus problématique car causées par des pluies régionales, et donc avec un temps de réponse des débits beaucoup plus court (1-2 jours), que les inondations causées par la crue noire (plusieurs mois). Il est donc nécessaire de bien mesurer les pluies au niveau des petits bassins versants (moins de 45 000km²) du Gorouol, du Dargol et de la Sirba, pour prévenir ces inondations. La crue rouge étant concomitante aux pluies sur la zone urbaine de Niamey, les inondations fluviales et pluviales peuvent alors s’additionner, engendrant des risques importants aux abords du fleuve.

À Ouagadougou et Niamey, dans des contextes hydrologiques différents, la littérature actuelle observe une augmentation du ruissellement et des dégâts engendrés par les inondations pluviales et fluviales au Sahel, causées majoritairement par les systèmes convectifs de méso-échelle. Dans le futur, avec l’augmentation de l’aléa pluvieux et de la vulnérabilité, ces dégâts vont continuer à augmenter, surtout pour les populations les plus précaires, s’installant parfois dans des zones inondables.