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La perspective des ressources et les partenariats des spin-offs académiques

CHAPITRE 3. COMMENT LES PARTENARIATS AVEC DES SPIN-OFFS

3.1. Pourquoi et comment les partenariats stimulent-t-LOVO¶LQQRYDWLRQ ?

3.1.1. Les perspectives des ressources complémentaires et des apprentissages inter-organisationnels

3.1.1.2. La perspective des ressources et les partenariats des spin-offs académiques

les partenariats que nouent les jeunes entreprises aux ressources très limitées que sont les spin-RIIV DFDGpPLTXHV (OOHV VH WURXYHQW GDQV OH FDV W\SLTXH GH O¶LQQRYDWHXU GpFULW SDU Teece (1986) : en possession de « certaines connaissances techniques » S TX¶HOOHVRQW transférées depuis les organismes de recherche publique qui leur ont donné naissance et TX¶HOOHVGRLYHQWFRPELQHUDYHFOHVUHVVRXUFHVFRPSOpPHQWDLUHV UHODWLYHVjODWHFKQRORJLHj la production ou à la distribution) qui permettront de transformer un résultat scientifique en un produit ou un service commercialisable 3UHQRQV O¶H[HPSOH GH 5RFKHU 7HFKQRORJLHV pWXGLp dans le chapitre précédent. Le chemin qui mène des langages synchrones Cristal et Rocher, que deux laboratoires de recherche publique mettent au point, aux outils de développement de logiciels embarqués critiques, que commercialise Rocher Technologies, est long et exigeant. (Q SDUWLFXOLHU LO QpFHVVLWH O¶DFFqV j GHV UHVVRXUFHV FRPSOpPHQWDLUHV FRPPH O¶RXWLO GH WUDoDELOLWp GHV H[LJHQFHV G¶XQ SDUWHQDLUH WHFKQRORJLTXH OD FHUWLILFDWLRQ TXH SURFXUHQW OHV organismes compétents, la légitimité que confère un utilisateur reconnu et les contacts que GpWLHQQHQW OHV GLVWULEXWHXUV j O¶pWUDQJHU &HV EHVRLQV GHVVLQHQW DXWDQW GH SDUWHQDULDWV pWDQW GRQQpTXH5RFKHU7HFKQRORJLHVHQGpSLWGHVIRQGVTX¶HOOHDSXOHYHUDXSUqVG¶LQYHVWLVVHXUV divers, ne peut générer toutes ces ressources en interne. La contrainte de collaboration est G¶DXWDQW SOXV IRUWH SRXU OD VSLQ-off moyenne, bien moins dotée en ressources initiales que O¶H[HPSOHTXHM¶DLFKRLVLLFL

,OQ¶HVWDORUVJXqUHpWRnnant que la quasi-totalité des travaux qui se sont intéressés aux alliances des start-ups technologiques aient pris, pour analyser la nécessité et les contributions de celles-ci, le point de vue de la partie la moins riche en ressources, à savoir la start-up. Se SRVHGRQFODTXHVWLRQGHFHTXHFHVFROODERUDWLRQVSHXYHQWDSSRUWHUjO¶DXWUHSDUWLH : la firme qui dispose des ressources dont la start-up a besoin pour se développer. Quelles sont les ressources auxquelles les partenaires des spin-offs académiques cherchent à accéder par O¶LQWHUPpGLDLUHGHFHVFROODERUDWLRQV"3UHQRQVSRXUH[DPLQHUFHWWHTXHVWLRQODFODVVLILFDWLRQ des ressources adoptée par Mustar et al. (2006) GDQVOHXUpWXGHGHO¶KpWpURJpQpLWpGHVVSLQ- offs académiques. Elle inclut quatre catégories de ressources : technologiques (les produits et WHFKQRORJLHV VSpFLILTXHV GH OD ILUPH  KXPDLQHV OHV DWWULEXWV GH O¶pTXLSH IRQGDWULFH GH

réseau de la firme) et financières (le montant et le type de financement de la firme). Quelles sont les ressources technologiques, humaines, sociales et financières spécifiques que possèdent les spin-offs académiques et dont pourraient bénéficier leurs partenaires ?

Premièrement, les spin-offs sont susceptibles de posséder des technologies de pointe, résultant du travail de recherche qui a été mené au sein des institutions dont elles sont issues. Très innovantes, ces technologies sont généralement rares et imparfaitement imitables ; elles constituent donc des ressources qui peuvent donner lieu à un avantage concurrentiel (Barney 1991). Deuxièmement, les dirigeants et les employés des spin-offs ont souvent un haut niveau de qualification, voire une expérience dans la recherche. De plus, certains membres de O¶pTXLSH IRQGDWULFH RQW JpQpUDOHPHQW SULV SDUW DX[ SUHPLHUV SDV GX GpYHORSSHPHQW GH FHV technologies et possèdent donc des connaissances tacites et un savoir-faire qui peuvent se révéler importants lorsque la technologie initiale doit être adaptée afin de devenir un produit ou un service commercialisable. Troisièmement, les spin-offs maintiennent souvent des liens avec la recherche publique (Mustar 1997). Ces liens peuvent être une source précieuse G¶LQIRUPDWLRQV VXU OHV GHUQLqUHV pYROXWLRQV HW WHQGDQFHV GDQV XQ GRPDLQH VFLHQWLILTXH RX technologique donné. De plus, des effets de réputation peuvent rejaillir sur les partenaires de spin-RIIV RULJLQDLUHV G¶RUJDQLVPHV GH UHFKHUFKH SXEOLTXH SUHVWLJLHX[ 4XDQW DX TXDWULqPH type de ressources, les spin-RIIVVRXIIUHQW JpQpUDOHPHQW G¶XQ « fossé financier » (« financial gap ») que leurs partenaires ne souhaiteraient certainement pas partager. Toutefois, les jeunes pousses ont accès à des financements particuliers, tels que les soutiens publics et le capital- risque, dont leurs partenaires pourraient, indirectement, bénéficier.

&HV FRQVLGpUDWLRQV QRXV SHUPHWWHQW G¶DYDQFHU TXe les collaborations impliquant des spin-offs académiques sont susceptibles de profiter non seulement à ces dernières, mais aussi à leurs partenaires. $ORUVTXHODOLWWpUDWXUHV¶HVWIRFDOLVpHVXUOHVUHVVRXUFHVGRQWOHVVSLQ-offs manquent et auxquelles elles pourraient accéder en coopérant, nous suggérons que ces jeunes entreprises possèdent, du fait notamment de leur origine académique et de leur orientation scientifique, de ressources technologiques, humaines et sociales particulières qui peuvent être G¶XQH JUDQGH YDOHXU SRXU G¶DXWUHV ILUPHV. Rothaermel (2001) O¶D PRQWUp GDQV VRQ pWXGH GX secteur pharmaceutique : les start-ups de biotechnologie profitent certes des ressources bien plus conséquentes dont sont dotés les groupes pharmaceutiques, mais apportent aussi à ces derniers des connaissances technologiques - GLVWULEXpHVjWUDYHUVOHVSURGXLWVTX¶HOOHVFUpHQW

OHVFKHUFKHXUVTX¶HOOHVHPSORLHQWHWOHVLQVtitutions académiques avec lesquelles elles gardent des liens forts ± dont le développement, en interne, nécessiterait des investissements très importants. Dans ce chapitre, nous étendrons cette analyse au-delà de ce secteur particulier, en cherchant à comprendre ce que les spin-offs académiques apportent à leurs partenaires. Mais auparavant, il nous faut revenir sur une autre ligne de recherche qui envisage les alliances non plus seulement comme la réponse ponctuelle à une contrainte de ressources insuffisantes, mais également comme une opportunité de création de nouvelles connaissances.

3.1.1.3. 6¶DOOLHUSRXUDSSUHQGUH : accéder, acquérir et créer des connaissances

Appliquée aux partenariats que nouent les spin-offs académiques, la perspective des ressouUFHV FRPSOpPHQWDLUHV D XQ SRXYRLU H[SOLFDWLI UHGRXWDEOH (OOH VRXIIUH WRXWHIRLV G¶XQ certain biais statique et déterministe, dans la mesure où elle met la focale sur les ressources déjà existantes, dont sont déjà GRWpVOHVSDUWHQDLUHVDYDQWPrPHGHV¶DOOLer. Or, comme nous O¶DYRQV YX GDQV OD SUHPLqUH SDUWLH GH FHWWH WKqVH O¶LGHQWLWp HW OD FRPSOpPHQWDULWp GHV ressources que les spin-offs et leurs partenaires possèdent et combinent peuvent être fortement DIIHFWpHV SDU OHV UHODWLRQV TX¶LOV pWDEOLVVHQW ,O VHmble donc nécessaire de compléter la perspective basée sur les ressources par une perspective alternative : celle qui voit dans les DOOLDQFHVXQHVRXUFHG¶DSSUHQWLVVDJHVLQWHU-organisationnels. Selon les travaux qui relèvent de cette perspective, les alliances inter-firmes (en dyade ou en réseau) peuvent permettre non VHXOHPHQWG¶DFFpGHUjGHVFRQQDLVVDQFHVPDLVDXVVLG¶HQDFTXpULUHWG¶HQFUpHUGHQRXYHOOHV.

Hamel (1991) met en avant la distinction entre le simple accès à des connaissances et leur acquisition, ou internalisation :

³While skills discrepancies have been recognized as a motivator for international collaboration («), the crucial distinction between acquiring such skills in the sense of gaining access to them-by taking out a license, utilizing a subassembly supplied by a partner, or relying on a partner's employees for some critical operation-and actually internalizing a partner's skills has seldom been clearly drawn. «  For the partners, an alliance may be not only a means for trading access to each other's skills-what might be termed quasiinternalization, but also a

mechanism for actually acquiring a partner's skills-de facto internalization´(Hamel 1991, p. 84)

(QG¶DXWUHVWHUPHVOHVSDUWHQDULDWVSHXYHQWêtre un moyen non seuOHPHQWG¶accéder à OD UHVVRXUFH SDUWLFXOLqUH TXH VRQW OHV FRQQDLVVDQFHV GH O¶DXWUH FRPPH OH VXJJqUH OD SHUVSHFWLYHGHVUHVVRXUFHV PDLVDXVVLG¶acquérirRXG¶« internaliser », ces connaissances99. 0rPH VL FHUWDLQV DXWHXUV RQW VXJJpUp TXH O¶DYDQWDJH SULQFLSDO GH O¶DOOLDQFH FRPPH IRUPH RUJDQLVDWLRQQHOOH LQWHUPpGLDLUH HQWUH O¶LQWpJUDWLRQ KLpUDUFKLTXH HW OH PDUFKp HVW UpDOLVp ORUVTX¶LOV¶DJLWG¶DFFpGHUjGHVFRQQDLVVDQFHVVDQVQpFHVVDLUHPHQWOHVLQWHUQDOLVHU (Grant et Baden-Fuller 2004), les travaux empiriques concluent à la coexistence de ces deux configurations alternatives. Ils ont montré qXH OHV DOOLDQFHV SHXYHQW rWUH O¶RFFDVLRQ G¶XQ WUDQVIHUWGHFRQQDLVVDQFHVG¶XQHSDUWLHYHUVO¶DXWUHDXVVLELHQTXHGHODPLVHHQ°XYUHG¶XQH spécialisation complémentaire, conduisant respectivement à la convergence ou à la divergence des compétences des parWHQDLUHV TX¶HOOHV LPSOLTXHQW (Mowery, Oxley et Silverman 1996; Nakamura, Shaver et Yeung 1996).

-XVTX¶LFL OD SHUVSHFWLYH GHV DSSUHQWLVVDJHV VRXIIUH GX PrPH ELDLV VWDWLTXH HW déterministe que nous avons reproché à la théorie des alliances basée sur les ressources : en V¶DOOLDQWXQHILUPHDFFqGHDX[- ou acquiert les - connaissances de son partenaire TX¶HOOHVH FRQWHQWH GH OHV XWLOLVHU FRPPH XQH ERvWH QRLUH RX TX¶HOOH FKHUFKH j VH OHV DSSURSULHU FHV connaissances sont déjà là. Le partenariat ne modifieUDLWDORUVHQULHQOHVHQWLWpVTX¶LOPRELOLVH (parmi lesquelles, les connaissances codifiées et tacites des partenaires) ; il ne jouerait que sur leurs localisation et propriété organisationnelles. Cette observation introduit un deuxième niveau de distinction quant aux apprentissages que permettent les collaborations inter-firmes : « [entre] le mouvement de technologies, connaissances ou pratiques de gestion existantes dans un cadre organisationnel pour lequel un tel transfert représente un input de nouvelles connaissances [et] la création de nouvelles connaissances, ou du moins la transformation substantielle de connaissances existantes, au sein de la collaboration » (Child 2001, p. 659). Dans le premier cas, la firme apprend de son partenaire ; dans le deuxième cas, elle apprend avec son partenaire. Cette dernière configuration (apprendre avec, et non seulement

99 L¶DFFRUGGHODSDUWLHTXLMRXHOHU{OHGH« professeur « Q¶pWDQWSDVtoujours indispensable, cette configuration

peut donner lieu à des tensions concurrentielles qui ont été examinées dans la littérature (Hamel 1991; Khanna, Gulati et Nohria 1998; Kale et Singh 2000; Larsson et al. 1998).

de) a notamment été étudiée au niveau du réseau inter-organisationnel, où la multiplicité des liens empêche la distinction entre « professeurs » et « étudiants » (Lane et Lubatkin 1998), HQWUHXQHSDUWLHTXLGRQQHHWXQHDXWUHTXLUHoRLW/¶DUWLFOHGH3RZHOO.RSXWHW6PLWK-Doerr (1996) est emblématique de cette approche. Il montre que, dans certains secteurs, ce sont les réseaux, et non les organisations individuelles, qui constituent le « lieu de O¶LQQRYDWLRQ » (« locus of innovation »). Reconnaissant la pertinence de la perspective des ressources complémentaires (qualifiée de « stratégique ª OHVDXWHXUVMXJHQWWRXWHIRLVTX¶XQH DSSURFKH TXL HQYLVDJH O¶DSSUHQWLVVDJH FRPPH XQ SURFHVVXV GH FRQVWUXFWLRQ HW GH SUDWLTXH sociales (Brown et Duguid 1991) FRQYLHQW PLHX[ SRXU UHQGUH FRPSWH GH O¶LQQRYDWLRQ GDQV des secteurs, comme celui des biotechnologies, dans lesquels les savoirs sont sophistiqués et GLVSHUVpV /j O¶LQQRYDWLRQ VH SURGXLW GDQV OHV « UpVHDX[ G¶DSSUHQWLVVDJH » que composent les relations inter-organisationnelles :

« 3OXW{WTXHG¶XWLOLVHUOHXUVUHODWLRQVH[WHUQHVFRPPHXQPpFDQLVPHWHPSRUDLUHSHUPHWWDQWGH VXSSOpHU j GHV FDSDFLWpV TX¶HOOHV Q¶RQW SDV HQFRUH PDvWULVpHV OHV ILUPHV XWLOLVHQW OHXUV collaborations pour étendre toutes leurs compétences. » (Powell, Koput et Smith-Doerr 1996, p. 143)

Les auteurs revendiquent, pour leur analyse, une application plus générale aux domaines dans lesquels les « sources du savoir sont disparates et les pistes de développement technologique non encore tracées » (p. 143) ± condition que les partenariats avec les spin-offs académiques semblent bien remplir.

3.1.2. /¶LPSDFWGHVDOOLDQFHVLQWHU-ILUPHVVXUO¶LQQRYDWLRQ

Quoique relevant de perspectives différentes, les travaux présentés dans la section 3.1.1 concourent à la même conclusion : les collaborations inter-ILUPHVVWLPXOHQWO¶LQQRYDWLRQ car elles permettent aux partenaires de générer de nouvelles connaissances (Powell, Koput et Smith-Doerr 1996)G¶DFTXpULURXG¶DFFpGHUjGHVFRQQDLVVDQFHVH[LVWDQWHV- mais possédées SDU G¶DXWUHV - (Grant et Baden-Fuller 2004) et de transformer ces connaissances en de nouveaux produits et services commercialisables en les combinant avec des actifs complémentaires (Teece 1986). Les études empiriques qui ont mis la relation entre alliances

HWLQQRYDWLRQjO¶pSUHXYHGHO¶DQDO\VHVWDWLVWLTXHWHQGHQWjFRQILUPHUVRQVLJQH OHVDOOLDQFHV RQW XQ LPSDFW SRVLWLI VXU O¶LQQRYDWLRQ  Ht son sens (ce sont les alliances qui influencent O¶LQQRYDWLRQHWQRQO¶LQYHUVH 1008QHSDUWLHGHFHVpWXGHVV¶HVWLQWpUHVVpHDX[FROODERUDWLRQV inter-organisationnelles (en dyade ou en réseau) des jeunes entreprises technologiques. Les auteurs procèdent généralement de la manière suivante : ils mettent en relation une certaine PHVXUH GH O¶LQQRYDWLRQ OH SOXV VRXYHQW OH QRPEUH GH EUHYHWV HW GH QRXYHDX[ SURGXLWV HQ GpYHORSSHPHQWRXLQWURGXLWVVXUOHPDUFKp G¶XQHGHVHQWUHSULVHVSDUWHQDLUHV OHSOXVVRXYHQW, la start-XS DYHFOHQRPEUHWRWDOG¶DOOLDQFHVGHFHWWHHQWUHSULVH. Je présente ces études (section 3.1.2.1) et les complète par quelques autres travaux qui mettent en lumière des effets différents ± intermédiaires ou intangibles, et donc plus difficiles à saisir ± que sont susceptibles de produire les collaborations inter-organisationnelles (sections 3.1.2.2 et 3.1.2.3).