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CHAPITRE 2. DEVELOPPER UN PRODUIT, CONSTRUIRE UN RESEAU

2.1. Du langage au produit, ou la consolidation de réseaux émergents

2.1.1. Les multiples transferts des langages synchrones

2.1.1.3. Des langages synchrones à Rocher Technologies

Voici comment Yann résume sa rencontre avec le langage Rocher :

« /¶LGpHGHFUpHU[Rocher Technologies] HVWQpHHQ-¶DYDLVpWpDSSURFKp « SDUGHV DFWLRQQDLUHVG¶XQHVRFLpWpGHVHUYLFHVLQIRUPDWLTXHVTXLV¶DSSHODLW[Spin-off3]. Elle était en quasi dépôt de bilan, en faillite, et les actionnaires cherchaient un repreneur, un manager

SRXUUHGUHVVHUODVRFLpWp&¶pWDLWXQHGHVSUHPLqUHVVWDUW-XSVGHO¶,15,$TXLDYDLWSDVPDO G¶DFWLYLWpV HW QRWDPPHQW DYDLW FRPPHQFp j V¶LQWpUHVVHU j ODprogrammation de systèmes embarqués sur la base de questions qui étaient posée à [Spin-off3] par deux clients qui étaient Entreprise4 et Entreprise5 pour le programme Rafale et qui avaient dit à [Spin-off3] µRQD

des problèmes pour programmer nos systèmes embarqués, vous êtes un peu spécialistes en simulations et méthodes formelles, on a trouvé des technologies de type académique à

O¶,15,$¶- le langage >5RFKHU@ « Donc je suis tombé en arrêt en 1998 devant cette problématique. »

La solution trouvée consiste à couper Spin-off3 en deux, en essaimant O¶DFWLYLWpOLpHj la progUDPPDWLRQ GH V\VWqPHV HPEDUTXpV &¶HVW DLQVL TX¶HQ QRYHPEUH  HVW IRQGpH Rocher Technologies : « une start-up assez originale [qui a@G¶HPEOpHGHX[FOLHQWVLGHQWLILpV [Entreprise4 et Entreprise5] ». /¶REMHFWLIHVWGH :

« «  commercialiser des outils de conception corrects-par-construction GRQW OH F°XU

consiste en une technologie rigoureuse et non-ambiguë qui permet de gérer des spécifications et de générer automatiquement des implémentations zéro-défaut en logiciel ou HDL79 » ;

« « développer et industrialiser « un environnement graphique de modélisation qui fournit des outils de vérification formelle et de génération automatique de code compact et rapide pour le développement de composants électroniques produits à grande échelle et de systèmes temps-réel embarqués critiques ».

Afin de répondre à cet objectif, la jeune société recours à trois « transferts de technologies » ,O V¶DJLW GH PRELOLVHU GHV « bouts de solutions » technologiques disponibles dans la recherche publique et privée et de les « regrouper « pour faire quelque chose G¶LQGXVWULHOª. Le premier transfert est celui du langage Rocher : dès sa création, la société DFKqWHXQHOLFHQFHGHVRXWLOVTXLDYDLHQWpWpGpYHORSSpVSDUO¶pTXLSe de Labo1.Deux ans plus tard, Michel et une partie de son équipe rejoignent la nouvelle société. Ainsi, en 2001, la jeune pousse a une équipe, un outil et quelques clients. Son outil, basé sur le langage Rocher, est « capable de faire et du logiciel et du matériel ». Ses clients, sans surprise, sont des sociétés comme Entreprise4 (qui dispose de 33 licences et utilise Rocher pour le développement du logiciel de commande de vol du Rafale, par exemple), Entreprise5 (pour le développement de protocoles de commerce électronique), Entreprise8 et une autre société (« E ntreprise9 ») opérant dans le secteur du hardware (pour la conception de processeurs de signal numérique pour téléphones mobiles) 4X¶\ D-t-il de commun entre le logiciel de FRPPDQGHGHYROG¶XQDvion et les circuits que fabrique Entreprise9 ? « Les maths, lHF°XU mathématique », selon Michel. La technologie est « polymorphe » : elle se prête à de PXOWLSOHVXWLOLVDWLRQVWRXWHQUHVWDQWODPrPH7RXWHIRLVO¶K\EULGLWpGH5RFKHUSODFHODVRFLpWp qui le commercialise dans une « situation délicate » :

« On avait un produit qui attaquait à la fois le marché hardware et le marché software. Sur le marché hardwareRQpWDLWWRXWVHXOF¶pWDLWERQ6XUOHmarché software, on était concurrent de [Surcod] : direct, frontal. Sauf que [Surcod] pWDLWGpMjpWDEOL « 'RQFRQDYDLWGHX[IHUV DX IHX «  (W SXLV RQ FRPPHQoDLW j DYRLU GHV GRXWHV VXU QRWUH VWUDWpJLH TXL pWDLW HIIHFWLYHPHQWG¶DOOHUYRLUGHVFOLHQWVHQOHXUGLVDQW : µon a un machin qui sait tout faire. Le client ne croit pas à ça. « (WOjFRXSGHEROODFULVHGHVWHOHFRP « [Entreprise3] part en

79 HDL : hardware description language

morceaux et nous vend [Surcod] SRXUXQHERXFKpHGHSDLQ « 'RQFKRSRQDFKqWHODERvWH

on abandonne complètement [Rocher]-VRIWZDUH « RQIDLW[Rocher] uniquement hardware

et [Surcod] VRIWZDUHDYHFO¶pTXLSHH[LVWDQWHª

Ce deuxième transfert de technologie DOLHXjODILQGHO¶DQQpH,OV¶DJLWG¶XQ WUDQVIHUW SDUWLFXOLHU FDU LO FRQVLVWH HQ O¶DFKDW G¶XQ SURGXLW : Rocher Technologies rachète à EntreSULVH OHV DFWLIV GH 6XUFRG F¶HVW-à-dire sa licence, mais aussi « ses » employés et ses FOLHQWV $ORUV TXH O¶pTXLSH GH 5 ' GH OD MHXQH VRFLpWp VH GHPDQGH « comment unifier tout ça », Surcod devient le produit phare de Rocher Technologies. En 2002, la société compte déjà plus de 200 licences vendues ; des grands comptes, parmi lesquels Entreprise2, ont rejoint la liste de ses clients.

'HX[GRPDLQHVG¶DFWLYLWpVHGpJDJHQWDORUVFODLUHPHQW : celui des logiciels critiques et celui des composants électroniques. Ils ont le point commun suivant : des coûts de vérification très élevésG¶RO¶LPSRUWDQFHG¶RXWLOVGHGpYHORSSHPHQWILDEOHVTXLSHUPHWWHQWGH générer du code qui est correct par construction80. Ce point commun ne parvient toutefois pas à résorber les difIpUHQFHVTXLVpSDUHQWFHVGHX[GRPDLQHVG¶DSSOLFDWLRQHWTXLGpILHQWO¶XQLFLWp de la technologie, en dépit de son « [polymorphisme] » :

« La technologie se sépare en deux, pour de vraies bonnes raisons : parce que les marchés sont différents. On comprend ±RQVDYDLWPDLVOjRQPHWHQ°XYUH- OHIDLWTXHFHQ¶HVWSDVOD WHFKQLTXHTXLGLFWHF¶HVWOHVPDUFKpV«(WSXLVOHVPDUFKpVVHVpSDUHQWHQGHX[HWGRQFRQ

fait une filiale hardware, et une filiale software. »

La filiale hardware ne vivra que quelques années. Ne concernant que quelques clients et restant « relativement confidentielle », cette activité demeure peu visible, surtout aux côtés GH6XUFRGTXLDFFXPXOHGHQRXYHDX[FOLHQWV$XPRPHQWGHO¶pFULWXUHODILOLDOHhardware est fermée et sa technologie est désormais exploitée par une société américaine. Par souci de simplicité, je me focaliserai exclusivement sur Surcod dans ce qui suit.

Enfin, un troisième transfert a lieu en 2006, lorsque Rocher Technologies rachète à Entreprise5 le produit Dessin. Dessin est un outil de développement d'applications graphiques ± une sorte de « super Powerpoint » - que Entreprise5 utilisait en interne, notamment pour la

80 Pour les composants électroniques, « F¶HVWOHFR€WG¶XQG\VIRQFWLRQQHPHQWVXUOHWHUUDLQTXLHVWpYLGHPPHQW

FRQFHSWLRQGXFRFNSLWG¶XQDYLRQ,OV¶DJLWOjG¶XQWUDQVIHUWHQFRUHGLIIpUHQW OHSURGXLWQ¶HVW acFRPSDJQp GDQV VRQ GpSODFHPHQW G¶XQH HQWUHSULVH j O¶DXWUH QL SDU VHV FOLHQWV SXLVTX¶LO Q¶DYDLWG¶DXWUHFOLHQWTXHVRQFRQFHSWHXU QLSDUOHVHPSOR\pVTXL \pWDLHQWOLpV VHXOHPHQW deux personnes sont recrutées par Rocher Technologies).

Yann résume « la démarche intellectuelle » GH OD FRQVWLWXWLRQ GH O¶RIIUH de Rocher Technologies de la manière suivante :

« -¶DLGHVDSSOLFDWLRQVGHVORJLFLHOVFULWLTXHVTX¶RQYDWURXYHUGDQVO¶DpURQDXWLTXHGDQVOHV WUDLQVGDQVO¶DXWRPRELOHGDQVOHQXFOpDLUHGDQVODFhimie - la chimie critique - et pour ça

M¶DLEHVRLQG¶XQHVXLWHG¶RXWLOVSRXUIDLUHGHODORJLTXHSRXUIDLUHGXFDOFXOHWSRXUIDLUHGX

graphique. »

/¶RIIUHHVWSURJUHVVLYHPHQWpWHQGXHGXVHFWHXUGHO¶DpURQDXWLTXHHWGHODGpIHQVHYHUV les domaines ferroviaire, nucléaire et automobile, chaque élargissement déclenchant l¶DSSDULWLRQ GH QRXYHDX[ EHVRLQV 3DU H[HPSOH HQ  5RFKHU 7HFKQRORJLHV Lntroduit la version 6.0 de Surcod, qui permet notamment de combiner la modélisation à base de flots de données (pouU ODTXHOOH &ULVWDO pWDLW DGDSWp  DYHF FHOOH j EDVH G¶pYpQHPHQWV GLVFUHWV SRXU laquelle Rocher était adapté), cette deuxième étant prépondérante dans le secteur de O¶DXWRPRELOHHWGHVWUDQVSRUWV/HVGHX[ODQJDJHVV\QFKURQHVVHWURXYHQWDLQVLHQILQLQWpJrés dans un seul produit. Quant à Rocher Technologies, elle continue encore DXMRXUG¶KXL VHV relations avec la recherche publique, notamment à travers les pôles de compétitivité ou les projets européens. MXQLH G¶XQH « shopping list » de ses clients, elle garde « un radar qui tourne sur ce qui se passe dans la recherche publique », pour dénicher ses « pépites » et pouvoir « piocher » dans ses résultats.