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1.3.2. Entrepreneuriat et exploration

1.3.3.1. Cadrage et débordement

Une transaction marchande, comme celle que le business plan Liberty Market propose DX[9&jTXLLOV¶DGUHsse, nécessite ce que Callon (1998) appelle un « cadrage » :

« Si des calculs doivent être réalisés et menés à bout, les agents et les biens impliqués dans ces calculs doivent être détachés et cadrés. En bref, une frontière claire et précise doit être tracée entre les relations que les agents vont prendre en compte et qui serviront dans leurs calculs et celles qui seront rejetées hors du calcul tel quel. » (Callon 1998, p. 16) /¶RSpUDWLRQGHFDGUDJH définit des agents et des biens qui sont identifiables et distincts, FDU GpWDFKpV OHV XQV GHV DXWUHV (OOH Q¶HVW WRXWHIRLV MDPDLV FRPSOqWH FDU WRXW FDGUH HVW QpFHVVDLUHPHQWVRXPLVDXGpERUGHPHQW3DUH[HPSOHF¶HVWHQFDGUDQWVHVGURLWVGHSURSULpWp SDUOHPR\HQG¶XQEUHYHW TX¶XQHVRFLpWpSKDUPDceutique divulgue ses résultats qui peuvent alors être utilisés par ses concurrents sans que ceux-FLDLHQWFRQWULEXpjO¶HIIRUWGHUHFKHUFKH : des débordements (ou des externalités, dans le langage des économistes) sont ainsi générés. Cette incomplétude essentielle du cadrage tient à son caractère matériel OHFDGUDJHQ¶HVWSDV seulement une opération intellectuelle ou symbolique ; il nécessite un équipement dont la FDSDFLWp PrPH GH FDGUHU WLHQW j OD PXOWLSOLFLWp GHV OLHQV TX¶LO HQWUHWLHQ DX-delà du cadre66.

La dynamique entre cadrage et débordement peut être résumée ainsi : contrairement à FH TX¶LPSOLTXH OD WKpRULH pFRQRPLTXH Oes débordements sont la norme  RU O¶pFKDQJH marchand nécessite un cadrage, qui passe par le détachement des agents qui échangent et des biens échangés ; ce cadrage est coûteux et ne peut être qu'imparfait FDU LO V¶DSSXLH VXU GHV intermédiaires matériels dont la capacité à cadrer réside dans la circulation, qui est source de GpERUGHPHQW -H PH SURSRVH GH PRQWUHU j WUDYHUV O¶H[HPSOH de Kelkoo, que la dynamique

66 3RXULOOXVWUHUFHSRLQW&DOORQGRQQHO¶H[HPSOHG¶XQFRQWUDWGHUHFKHUFKHHQWUHXQFHQWUHde recherche

DFDGpPLTXHHWXQHHQWUHSULVH/¶REMHFWLIGXFRQWUDWHVWGHFDGUHUO¶LQWHUDFWLRQG¶XQHPDQLqUHDXVVLSHXDPELJXs TXHSRVVLEOH/DUpXVVLWHGHFHFDGUDJHWLHQWjO¶H[LVWHQFHG¶XQFRQWH[WHLQVWLWXWLRQQHO WULEXQDX[GURLWVGH propriétés etc.) maiVDXVVLjFHOOHG¶XQHVpULHG¶pOpPHQWVTXHOHWH[WHGX contrat introduit : concepts, matériaux, VXEVWDQFHVGLVSRVLWLIVG¶H[SpULPHQWDWLRQVFKHUFKHXUV&KDFXQGHFHVpOpPHQWVjODIRLVFRQWULEXHDXFDGUDJHHW constitue un canal de débordement possible : par les interactions des chercheurs avec leurs collègues, par la circulation des concepts scientifiques, par la standardisation des instruments, matériaux et substances. Ces éléments « cadrent les interactions et représentent des ouvertures vers des réseaux plus larges, auxquels ils donnent accès « (Callon 1998, p. 254), en permettant ainsi de capitaliser ce qui est ailleurs.

entre cadrage et débordement permet de rendre compte des itérations qui caractérisent le SURFHVVXVH[SORUDWRLUHGDQVOHTXHOV¶HQJDJHQWOHVHQWUHSUHQHXUV.

Au point de départ, la situation dans laquelle se trouvent les entrepreneurs déborde, GDQV OD PHVXUH R HOOH HVW FDUDFWpULVpH SDU XQH PXOWLSOLFLWp G¶DSSOLFDWLRQV SRVVLEOHV PDLV LQFHUWDLQHVGHODWHFKQRORJLHTX¶LOVFKHUFKHQWjFRPPHUFLDOLVHU/HVH[SpULPHQWDWLRQVTX¶LOV ont réalisées afin de démontrer la viabilité de DISCO ont généré des applications aussi GLYHUVHVTXHOHVVHUYLFHVSURIHVVLRQQHOVGRFXPHQWDLUHVHWLQWHUQHWjGHVWLQDWLRQG¶XWLOLVDWHXUV DXVVL KpWpURJqQHV TX¶XQ K{SLWDO XQ FHQWUH UpJLRQDO XQLYHUVLWDLUH RX XQ LQWHUQDXWH /HXUV premiers business plans (Kalidata et Médiation) tentent de faire tenir ensemble toutes ces applications :

« IOpWDLWEHDXFHSODQEXVLQHVVSDUFHTX¶LOpWDLWWUqVFRPSOHW, si vous voulez. Il y avait toutes

OHVDOWHUQDWLYHVFHQ¶pWDLWSDVXQSODQEXVLQHVVGpILQLWLIF¶pWDLWXQSODQEXViness pour montrer

OHSRWHQWLHO « SRXUTXHOHV investisseurs [puissent] voir les différentes possibilités. »

Cette situation de débordement est problématique : en multipliant les applications, OHV HQWUHSUHQHXUV Q¶DUULYHQW SDV j HQU{OHU GHV LQYHVWLVVHXUV $X[ yeux des VC, ce business plan est un plan « technoïde », un plan à tout faire :

« µ9oilà, ma techno sait faire ça, donc je vais adresser ces marchés là. [Mais] un plan, F¶HVW TXDQGPrPHGHGHPDQGHUjGHVFOLHQWVFHTX¶LOVRQWFRPPHEHVRLQs, et là où ça leur fait mal, et de voir quelle genre de solutions on peut leur apporter. »

La rencontre des entrepreneurs avec France Telecom opère un premier cadrage. ',6&2SHUPHWG¶DFFpGHUjGHVGRQQpHVGRQWODQDWXUHOHPRGHGHVWRFNDJHHWODORFDOLVDWLRQ sont hétérogènes. France Telecom construit un portail dont une des fonctionnalités appelle la SUpVHQFH G¶XQ PRWHXU GH UHFKHUFKH FDSDEOH GH SDUFRXULU OHV SHWLWHV DQQRQFHV GLVSRQLEOHV DXSUqVG¶RUJDQLVPHVG¶HPSORLHWGHPDUFKDQGVHWLQWHUPpGLDLUHVLPPRELOLHUVHWDXWRPobiles. /¶DVVRFLDWLRQVHSUpSDUH/DWUDQVDFWLRQHVWUHQGXHSRVVLEOHSDUOHdétachement de DISCO de ODPXOWLSOLFLWpGHOLHQVTXLO¶DWWDFKHQWjG¶DXWUHVVRXUFHVGHGRQQpHVHWjG¶DXWUHVXWLOLVDWHXUV potentiels. Un contrat de licence matérialise ce cadrage et définit DISCO, devenu objet de transaction, de la manière suivante :

« un exemplaire du logiciel Médiateur V1.0 ; cent exemplaires du logiciel Adaptateur http V1.0. ; une interface utilisateur accessible sur Internet et permettant de consulter les petites annonces ».

Or, pour que le cadrage ainsi opéré tienne, de nouvelles associations, notamment avec des investisseurs, doivent être réalisées. Les entrepreneurs continuent donc leur travail G¶H[SORUDWLRQHQIDLVDQWFLUFXOHUOHXUbusiness plan au gré des rencontres avec des VC. Or, au lieu de renforcer le cadrage de DISCO (devenu moteur-de-recherche-de-petites-annonces- vendu-à-des-opérateurs-de-services-G¶LQIRUPDWLRQ-sur-internet), ces rencontres conduisent à de nouveaux débordements. Du business plan présenté par les entrepreneurs, Banexi 9HQWXUHVHW,QQRYDFRPQHUHWLHQQHQWTX¶XQHWRXWHSHWLWHSDUWLHODSRVVLELOLWpGH',6&2GH devenir un site internet de comparaison de prix qui aurait des internautes comme utilisateurs et attirerait ainsi des marchands virtuels et des annonceurs. Afin de cadrer ce débordement, les entrepreneurs devront tisser de nouveaux liens (notamment à travers la transformation de DISCO en un site internet capable de fournir un service régulier à des millions de visiteurs) et en coupeU G¶DXWUHV (ceux avec les applications de DISCO dans le domaine des services professionnels et documentaires ; avec ses premiers financeurs et clients ; avec le chercheur qui a orchestré son transfert).

Ces opérations de cadrage et de débordement se matérialisent dans et sont rendues possibles par un outil particulier : le business plan-¶DLH[DPLQpFHGLVSRVLWLIGDQVXQDUWLFOH coécrit avec Marie Eyquem-Renault (Doganova et Eyquem-Renault 2009) HW M¶\ UHYLHQGUDL dans le dernier chapitre de cette thèse, mais je souhaiterais rappeler ici la manière dont opère le business plan dans la dynamique de cadrage/débordement. En forçant les entrepreneurs à présenter en quelques pages leur projet, le business plan nécessite de délimiter des entités prises en compte. Il requiert cependant une traduction de la valeur de la technologie innovante TX¶HVW ',6&2 HQ GHV WHUPHV FRPSUpKHQVLEOHV SDU OHV QRQ-spécialistes que sont les investisseurs. Pour démontrer la validité et le potentiel de leur technologie, les entrepreneurs recourent alors jO¶pYRFDWLRQGHVHVPXOWLSOHVDSSOLFDWLRQVYpULILpHVSDUOHVH[SpULPHQWDWLRQV passées. Afin de devenir circulable, le business plan opère ainsi un cadrage (délimiter les entités prises en compte) tout en semant les graines du débordement (multiplier les DSSOLFDWLRQVSRXUGpPRQWUHUODYDOHXUG¶XQHWHFKQRORJLH 6DFLUFXODWLRQSHXWDORUVSURGXLUHFH

débordement dont il contient la possibilité, comme cela arrive lors de la rencontre entre les entrepreneurs et les VC de Banexi.