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Le partenariat, lieu de réalisation des opportunités entrepreneuriales

'HX[ SDUWHQDLUHV MRXHQW XQ U{OH SDUWLFXOLqUHPHQW LPSRUWDQW GDQV O¶pPHUJHQFH GH Kelkoo : un premier client/utilisateur (France Telecom avec son portail Voilà.fr) et les VC (notamment Banexi Ventures). Dans cette section, je précise la contribution de ces partenaires jODFRQVWUXFWLRQGHVRSSRUWXQLWpVHQWUHSUHQHXULDOHVWRXWHQPRQWUDQWTX¶LOV¶DJLWOjG¶XQU{OH qui est resté largement ignoré dans la littérature.

1.3.1.1. Les start-ups, leurs investisseurs et leurs premiers clients

Le fait que les V C Q¶DSSRUWHQWSDVTXHGHVUHVVRXUFHVILQDQFLqUHVDX[VWDUW-ups dans OHVTXHOOHVLOVLQYHVWLVVHQWHWTX¶LOVRQWXQH« valeur ajoutée non financière » (Large et Muegge 2008) a été largement documenté dans la littérature. Par exemple, Baum et Silverman (2004) montrent que les VC ne se contentent pas de choisir les futurs vainqueurs, mais aussi

contribuent à les édifier. Les VC jouent un rôle stratégique (en fournissant des conseils relatifs aux affaires et aux finances), interpersonnel (en tant que mentors et confidents de O¶HQWUHSUHQHXU  HW GH UpVHDX j WUDYHUV OHXUV FRQWDFWV DYHF G¶DXWUHV HQWUHSULVHV HW professionnels) (Sapienza, Manigart et Vermeir 1996). Ils aident aussi les entrepreneurs à lever de nouveaux fonds et à recruter des managers (Gorman et Sahlman 1989). Ils constituent des interlocuteurs auprès de qui les entrepreneurs peuvent tester leurs idées (Macmillan, Kulow et Khoylian 1989).

/D SOXSDUW GHV WUDYDX[ TXL RQW H[DPLQp O¶DSSRUW GHV 9& DX[ HQWUHSULVes dans lesquelles ils investissent se sont intéressés à la période post-LQYHVWLVVHPHQW /¶pWXGHGHFDV présentée ici indique que les VC peuvent apporter une contribution décisive avant même de UpDOLVHUOHXULQYHVWLVVHPHQW&RPPHQRXVO¶DYRQVYX%DQH[LFRnditionne son adhésion à la reconfiguration du business model GH O¶pTXLSH HW GX UpVHDX GH OD IXWXUH HQWUHSULVH 'H OD PXOWLWXGH G¶DSSOLFDWLRQV SRWHQWLHOOHV TXH GpWDLOOH OH business plan présenté par les HQWUHSUHQHXUV %DQH[L QH UHWLHQW TX¶XQH VHXOH : le gXLGH G¶DFKDW VXU LQWHUQHW &HW H[HPSOH montre que les VC peuvent intervenir dans ce qui est censé être O¶DFWLRQODSOXVLQWLPHHWOD SOXVHVVHQWLHOOHGHO¶HQWUHSUHQHXU : la reconnaissance des opportunités.

De manière similaire, des travaux ont montré que les utilisateurs et les clients peuvent apporter diverses ressources aux jeunes entreprises. Fischer et Reuber (2001) regroupent ces ressources en quatre catégories. Premièrement, les clients sont, sans surprise, une source de ressources financières  GX FKLIIUH G¶DIIDLUHV FHUWHV PDLV DXVVL G¶LQYHVWLVVHPHQWVSDUH[HPSOHORUVTX¶XQFOLHQWGHPDQGHOHGpYHORSSHPHQWG¶XQSURGXLWTXL lui est spécifiquement destiné. Deuxièmement, les clients peuvent apporter des informations précieuses (UHODWLYHVSDUH[HPSOHjG¶DXWUHVFOLHQWVRXjO¶DPpOLRUDWLRQGHVSURGXLWV &¶HVWOH cas, notamment, des utilisateurs « leaders » TX¶D FDUDFWpULVpV YRQ +LSSHO (1986)60. Une troisième catégorie regroupe les ressources liées à la communication : les effets de réputation HWODPLVHHQFRQWDFWDYHFGHVRUJDQLVDWLRQVWLHUFHVQRWDPPHQWG¶DXWUHVFOLHQWVSRWHQWLHOV$ travers leurs clients, les start-ups signalent leur qualité ± VLGLIILFLOHjREVHUYHUHQO¶DEVHQFH

60 Von Hippel est un des premiers auteurs à mettre en évidence le rôle des utilisateurs dans le développement de

nouveaux produits. En retraçant la commercialisation du spectromètre de résonance magnétique, von Hippel (1976) montre que cette innovation provient G¶XQXWLOLVDWHXUTXLDYDLWPLVau point cette technique pour ses propres recherches. En étendant soQDQDO\VHjG¶DXWUHVVHFWHXUVYon Hippel (1988) trouve que les utilisateurs VRQWVRXYHQWODVRXUFHG¶LQQRYDWLRQV,OQRPPHFHVXWLOLVDWHXUV« leaders « (« lead users ») et les définit par deux caractéristiques principales : ils rencontrent des besoins qui deviendront communs sur le marché et ils sont

G¶XQKLVWRULTXH± à de nouveaux partenaires potentiels (Stuart, Hoang et Hybels 1999; Reuber et Fischer 2005; Venkataraman et al. 1990). Quatrièmement, les clients peuvent fournir aussi ce que les auteures appellent des ressources « sociales - émotionnelles », en encourageant les entrepreneurs et en soutenant leurs projets.

/¶LPSRUWDQFHGHV« ressources liées à la communication », selon les termes de Fischer et Reuber (2001), est particulièrement visible dans le cas de la collaboration entre les fondateurs de Kelkoo et France TelecRP 3RXU OHV 9& OD SUpVHQFH G¶XQ SUHPLHU FOLHQW GpPRQWUHODTXDOLWpG¶XQHWHFKQRORJLHTXLGXIDLWGHVRQFDUDFWqUHLQQRYDQWQHSHXWrWUHMXJpH à ses performances passées :

« La meilleure façon de vérifier que la technologie marcheF¶HVWG¶DYRLUXQSUHmier client qui lui-PrPH D IDLW WRXW OH WUDYDLO G¶H[SHUWLVH HW GLW : µ-¶DL IDLW OH WRXU GX PRQGH HW M¶DL GHPDQGpELHQHQWHQGXDX[JUDQGHVVRFLpWpVTXLRQWSLJQRQVXUUXHM¶DLULHQWURXYpHWMHVXLV

obligé de passer par une petite société fragile, qui par ailleurs est tenue par un chercheur

EDUEXSRXUUpVRXGUHPRQSUREOqPH'RQFMHSUHQGVXQULVTXHGpPHQWPDLVF¶HVWjFDXVHGe

ODTXDOLWpGHODWHFKQRORJLH¶da, ce filtre là, est un excellent filtre, sauf si évidemment le mec est le beau frère du chercheur, auquel cas on a fait une bêtise. »

Néanmoins, la « validation technologique » TX¶DSSRUWH )UDQFH 7HOHFRP HVW SDUWLHOOH &RPPHQRXVO¶DYRQVYXOHVFRQGLWLRQVGDQVOHVTXHOOHVVHIDLWOHWHVWQHVRQWSDVOHVPrPHV que celles qui seront exigées de la technologie qui sous-tend un site internet visité par des PLOOLRQVG¶XWLOLVDWHXUV3DUDLOOHXUVOHFKLIIUHG¶DIIDLUHVJpQpUpSDUFHSUHPLHUFRQWUDWQ¶HVWSDV FH TXL SHUPHWWUD j O¶HQWUHSULVH GH YLYUH 0DLV O¶LQYHVWLVVHPHQW TXH UpDOLVH 9RLOjIU SRXU OH développemenWG¶XQHDSSOLFDWLRQZHEGH',6&2VLJQLILH : « PRLoDP¶LQWpUHVVHPRLM¶\FURLV je peux faire quelque chose avec ça ». En expérimentant le potentiel de DISCO dans la recherche de petites annonces sur internet, le partenariat entre les entrepreneurs et leur SUHPLHUFOLHQW GRWHODWHFKQRORJLHG¶XQHQRXYHOOHDSSOLFDWLRQ et construit ainsi une nouvelle opportunité.

1.3.1.2. Partenariats et opportunités

/D VHFWLRQ  D PRQWUp TXH OH PRGqOH GH O¶HQWUHSUHQHXULDW IRQGp VXU OD UHFRQQDLVVDQFH G¶RSSRUWXQLWpV UHSRVH VXU O¶K\SRWKqVH G¶XQ pFDUW HQWUH O¶HQWUHSUHQHXU HW VHV partenaires potentiels. Cet écart réside dans la singularité des caractéristiques personnelles de O¶HQWUHSUHQHXUHWGHO¶LQIRUPDWLRQGRQWLOGLVSRVH&RPPHMHO¶DLQRWpGDQVODVHFWLRQ les FDUDFWpULVWLTXHVSHUVRQQHOOHVGHVIRQGDWHXUVGH.HONRRQHVRQWSDVFRQQXHVHWLOQ¶HVWSDV QpFHVVDLUH TX¶HOOHV OH VRLHQW SRXU TX¶XQ FRPSWH-rendu de leurs actions puisse être établi. 4XDQWjO¶LQIRUPDWLRQGRQWLOVGLVSRVHQWjVDYRLUODFRPSRVLWLRQGH',6&2 et ses applications, M¶REVHUYH GDQV OHXU SDUFRXUV GHV WHQWDWLYHV UpFXUUHQWHV GH GLYXOJDWLRQ HW GH SDUWDJH /D OLWWpUDWXUH LQVLVWH VXU OD QpFHVVLWp SRXU O¶HQWUHSUHQHXU GH SUpVHUYHU XQ GLIIpUHQWLHO G¶LQIRUPDWLRQ TXDQW jO¶H[LVWHQFHGHO¶RSSRUWXQLWpFDU FHOle-ci périt si elle est reconnue par G¶DXWUHV/¶KLVWRLUHGH.HONRRVXJJqUHHQUHYDQFKHTXHO¶RSSRUWXQLWpQHSHUGXUHTXHVLHOOH HVW UHFRQQXH SDU G¶DXWUHV Les entrepreneurs déploient des efforts considérables pour convaincre des partenaires potentiels qX¶XQHRSSRUWXQLWpH[LVWH et pour donner forme à cette opportunité. Ils démontrent les applications de DISCO en exposant ses prototypes et en GpFULYDQW OHV EHVRLQV TX¶LO VDWLVIDLW /HV LQIRUPDWLRQV TX¶LOV DFFXPXOHQW « sur le plan technique » et « pratique » circulent dans des articles scientifiques et des présentations à GHV FRQIpUHQFHV GDQV GHV UDSSRUWV G¶DFWLYLWp GDQV GHV GpPRQVWUDWHXUV HW GHV PDTXHWWHV accessibles sur internet, dans les business plans destinés à Bull et aux investisseurs externes.

/¶LQformation qui sous-WHQG O¶RSSRUWXQLWp HQWUHSUHQHXULDOH HVW GRQF GLVWULEXpH 2U FHWWHGLVWULEXWLRQQ¶HVWSDVXQLTXHPHQWOHUpVXOWDWGHVHIIRUWVG¶© évangélisation »61 déployés par les entrepreneurs. /¶LQIRUPDWLRQ VXU OHV DSSOLFDWLRQV GH la technologie, et donc sur les opportunLWpVTX¶HOOH porte, est produite conjointement, dans les rencontres des entrepreneurs avec leurs partenaires. Les « GRPDLQHVG¶DSSOLFDWLRQ » de DISCO sont construits à travers ses « expérimentations » : les services internet et les petites annonces de Voila.fr ; les services documentaires et le démonstrateur qui interroge les catalogues documentaires gérés par le pôle européen universitaire et scientifique de la région grenobloise ; les services professionnels et le dossier patient unifié. Les expérimentations impliquant divers partenaires, F¶HVWGDQVFHVFROODERUDWLRQVTXHOHVRSSRUWXQLWpVVHIRUPHQW

Ces partenariats impliquent des acteurs hétérogènes dont le statut relatif évolue au fur HW j PHVXUH TXH OHV HQWUHSUHQHXUV WHQWHQW G¶LQWpUHVVHU XQ QRPEUH FURLVVDQW G¶DOOLpV 3DU H[HPSOH GH UHODWLRQV TX¶LO IDXW QRXUULU DILQ TXH ',6&2 YLYH %XOO HW )UDQFH 7HOHFRP VH WUDQVIRUPHQW HQ OLHQV TX¶LO IDXW FRXSHU RX GX PRLQV UHFRPSRVHU : Bull ne finance plus le WUDQVIHUWG¶XQHWHFKQRORJLHPDLVLQYHVtit dans une société ; France Telecom ne mène plus un projet de recherche dans lequel de nouveaux agents sont développés, mais achète le droit G¶XWLOLVHUXQHWHFKQRORJLHTX¶XQFRQWUDWGHOLFHQFHGpILQLWFODLUHPHQW0DLVDYDQWTXHOHVU{OHV ne soient clairePHQW GLVWULEXpV OHV DOOLpV TX¶HQU{OHQW OHV HQWUHSUHQHXUV FXPXOHQW VRXYHQW plusieurs emplois : partenaires de recherche, utilisateurs, fournisseurs de ressources. Face à un tel mélange des genres, comment les entrepreneurs pourraient-t-ils démontrer la valeur de leur innovation - HW GRQFUpYpOHUO¶RSSRUWXQLWpTX¶LOV SRXUVXLYHQW - auprès de leurs clients (étape QpFHVVDLUHHWODUJHPHQWUHFRQQXHGDQVODOLWWpUDWXUHHQJHVWLRQHWPDUNHWLQJGHO¶LQQRYDWLRQ  tout en en préservant le secret auprès des fournisseurs de ressources (ingrédient essentiel du succès entrepreneurial selon le modèle fondé sur le coupe opportunité/individu) ?

&RPPHMHO¶DLQRWpGDQVODVHFWLRQODPrPHLQGpWHUPLQDWLRQLQLWLDOHFDUDFWpULVH aussi la distinction entre les opportunités que les entrepreneurs poursuivent et les ressources TX¶LOV PRELOLVHQW SRXU FHOD (Baker et Nelson 2005). Par conséquent, si les partenaires fournissent des ressources, ils contribuent ainsi à former des opportunités. Ces opportunités ne sont ni simplement découvertes (comme des choses qui existeraient là, devant nous), ni SXUHPHQWFUppHV SDUOHVGLVSRVLWLRQVG¶XQVXMHWHQWUHSUHQDQW PDLV« enacted »62 (Orlikowski 2002; Weick 1995) dans la pratique collective des entrepreneurs et de leurs alliés.

&HWWH SURSRVLWLRQ P¶DPqQH j HVTXLVVHU XQH QRXYHOOH DSSURFKH GX SURFHVVXV entrepreneurial. Je suis Shane et Venkataraman (2000) en considérant non seulement O¶LQGLYLGX-entrepreneur, mais aussi la situation dans laquelle il se trouve et à laquelle, comme GLVHQWFHVDXWHXUVLOUpSRQG2UMHQHOLPLWHSDVODGpILQLWLRQGHFHWWHVLWXDWLRQjO¶RSSRUWXQLWp TX¶HOOHFRPSRUWHHWMHQHUHVWUHLQVSDVVDUHODWLRQDYHFO¶HQWUHSUHQHXUjFHOOHHQWUHun stimulus HW OD UpDFWLRQ TX¶LO SURYRTXH 3OXV SUpFLVpPHQW M¶HQYLVDJH O¶H[LVWHQFH G¶XQH RSSRUWXQLWp FRPPHOHUpVXOWDWG¶XQHVLWXDWLRQTXLHQJDJHGHVDFWHXUVKpWpURJqQHVHWXQHLQFHUWLWXGHIRUWH.

62 /DWUDGXFWLRQGHFHWHUPHHQIUDQoDLVQ¶HVWSDVpYLGHQWH'HVYHUEHVFRPPH« réaliser » ou

« performer » pourraient être des substituts, mais imparfaits. Weick (2001, p. 179) utilise aussi des termes proches comme « créer » (« les organisations créent les environnements qui par la suite contraignent leur action ») et « construire » (« [les organisations] construisent les environnements qui V¶LPSRVHQW à elles ».

Pour rendre compte de cette approche, je propose de la notiRQ G¶H[SORUDWLRQ (March 1991) comme descripteur du processus entrepreneurial.