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Personnages amenés à réapparaître plusieurs fois :

Voix narratives et distribution des rôles

IV.3 Autres personnages, rôles et paroles :

IV.3.3 Personnages amenés à réapparaître plusieurs fois :

Nous focalisons notre regard ici, sur la parution et les rôles des personnages qui ont une présence permanente dans l’aventure à côté du héros. Personnages que nous désignons secondaires, mais qui contribuent essentiellement au déroulement de l’histoire. Nous n’allons pas suivre forcément l’ordre chronologique de la parution de ces personnages. Commençons d’abord, par le personnage Fabrice.

IV.3.3.1 Fabrice fils du barbier Nûnez :

C’est un personnage qui apparaît pour la première fois dans le chapitre dix-sept du premier livre. Le narrateur l’introduit en disant qu’ « un jeune homme s’arrêta pour me considérer […] deux années ont-elles si fort changé le fils du barbier Nûnez […] votre compatriote et votre compagnon d’école. Nous avons si souvent disputé chez le docteur Godinez » (G.B : 95). Son rôle s’étale jusqu’à la fin de l’aventure. C’est un personnage plus au moins

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principal dans l’aventure, car, c’est grâce à lui que le héros a pu trouver plusieurs postes comme valet ou secrétaire. Dans le premier chapitre du deuxième livre, l’auteur annonce le rôle de ce personnage : «Fabrice mène et fait recevoir Gil Blas chez le licencié Sedillo » (G.B :103). Ce fut la dernière fois que le héros verra le fils du barbier qui s’éclipsa pour un bon moment pour, ensuite, réapparaître après la mort du maître de Gil Blas : « je rencontrai Fabrice, que je n’avais point vu depuis la mort du licencié Sedillo » (G.B, II, III : 119).

Ce personnage apporte toujours l’aide au héros. Le fils du barbier comble toujours le vide et la demande du héros, il le sauve et le conseille puisque il savait servir son ami d’enfance : « et je courus chez le fils du barbier Nûnez » (G.B, II, IV : 126). Ce personnage va disparaître encore une fois, puisque les deux amis décident de prendre deux chemins différents. Le héros regrette cette séparation et continue son aventure. Le narrateur ne parle plus de ce personnage jusqu’au septième livre. Après une longue absence (plus de quarante-trois chapitres de l’aventure), le fils du barbier réapparaît d’une façon différente. Il change de vêtement, de statut et de caractère. La rencontre des amis fut le sujet de description du narrateur en disant : « j’aperçus Fabrice que j’avais laissé à Valladolid […] ce qui m’étonna, c’est qu’il s’entretenait familièrement avec le duc de Medina Sidonia et le marquis de Sainte-Croix, […] il était vêtu aussi proprement qu’un noble cavalier » (G.B, VII, XIII : 71). Un changement radical du personnage qui étonne le héros. Le fait de s’entretenir avec deux personnes très importantes et nobles, d’une façon familière, prouve qu’il est, lui aussi, bien placé. Pour confirmer son incertitude, le héros s’approche de ce personnage et lui adresse la parole. Tout de suite, le personnage reconnaît son ami d’enfance et l’invite chez lui pour faire dissiper son étonnement en disant : « je vais te contenter. Je suis devenu un auteur. Je me suis jeté dans le bel esprit. J’écris en vers et en prose. Je suis au poil et à la plume » (ibid : 72). Avec ces prodigieux propos,

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le héros n’arrivait pas à croire que son ami, le fils du barbier qui était toujours un domestique et un valet, devient du jour au lendemain un célèbre auteur.

Cependant, l’auteur dénonce, à travers ce personnage, les auteurs de son époque. Une critique comique se manifeste avec les gestes et les manières de ce personnage. Lesage se moque, en toute franchise de cette catégorie de personnes dans la bouche de Fabrice. La désignation change en fonction des conditions qui entourent le personnage. Au début de l’aventure, le narrateur le nomme Fabrice ou le fils du barbier Nûnez, pour devenir après le seigneur Fabricio ou le don Fabricio. Une chose est sûre, ce personnage reste l’ami fidèle du héros et leur relation persiste jusqu’à la fin de l’aventure. Ainsi, entre apparition et disparition, ce personnage représente le secours dont le héros a toujours besoin. Nous pouvons résumer le rôle et les désignations de ce personnage durant l’aventure comme suit :

Fabrice, le fils du barbier Nûnez

*L’ecolier de Gordinez. *le valet. * l’auteur. * le secrétaire du héros

L’ami fidèle du héros.

IV.3.3.2 Scipion :

Ce n’est qu’au huitième livre de l’aventure que l’auteur donne naissance à ce personnage. Son rôle initial est un laquais du héros à Madrid. Il est décrit avec ces termes :

« Celui-ci paraissait fort éveillé, plus hardi qu’un page de cour, et avec cela un peu fripon. Il me plut […] il était intriguant […] il me fallait un chien de chasse pour découvrir le gibier, c’est-à dire un drôle qui eût de l’industrie, et fût propre à déterrer et à m’amener des gens […] c’était justement le fort Scipion. Ainsi se nommait mon laquais » (G.B, VIII, VII : 123).

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Il semble pouvoir résumer dans ce passage la psychologie du personnage, des qualités dont le héros cherchait dans son laquais, une personne qui s’adapte selon le besoin de son maître. Quant au portrait physique, il est tout à fait écarté, puisque son maître cherchait en lui le soutien moral. Jusqu’ici, aucun détail sur ses vêtements, son comportement et sa vie privée. Ce personnage restera pratiquement, attaché au héros tout le temps. Sa fidélité et son zèle sont remarquables. Son rôle est très important car il influence l’avenir du héros et gère le déroulement de l’histoire avec ces propos.

Scipion, et comme le héros, souhaitait ramener des personnes qui ont besoin d’une intervention du ministre. Il était un vrai chien de chasse et le valet de la maison qui s’occupait de tout. En échange, le héros le récompensait avec dix pistoles pour chaque affaire. Le premier chapitre du neuvième livre annonce clairement son rôle. Il est à la recherche d’une épouse pour son maître et il joue un rôle important dans la préparation de ce mariage. Très minutieux dans sa recherche puisqu’il voulait lui proposer la fille d’un riche orfèvre et : « que l’héritière dont il s’agit est un parti de cent mille ducats » (G.B : 159). Comme son maître, ce personnage est cupide et cherche le bien matériel avant tout. C’est un excellent séducteur et orateur puisqu’il sait ensorceler ses victimes. Une malice mélangée à l’ironie se manifeste dans son discours. Il accompagne tout le temps son maître et ne le quitte sauf si celui-ci l’envoie en mission : la première fois, quand le héros est en prison et la deuxième fois quand il l’envoie à Madrid chez le duc de Lerme pour lui remettre une lettre.

Ce personnage fait preuve d’une éloquence remarquable devant le duc : « Monseigneur, dit Scipion à son excellence, en lui présentant le paquet dont il était chargé, un de vos plus fidèles serviteurs, qui est couché sur la paille dans un sombre cachot de la tour de Ségovie, vous supplie très humblement de lire cette lettre » (G.B, IX, VIII : 196).

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Pour la troisième fois, ce personnage quitte son maître qui l’a envoyé à la nouvelle Espagne en mission pour en tirer profit. Une absence qui dure longtemps. Ce personnage s’éclipse pour marquer, ensuite, son retour de la nouvelle Espagne. Ainsi, nous pouvons dire que Scipion est un symbole de l’amitié dans une société de trahison, de supercherie, de fourberie et de moquerie. L’ami fidèle de Gil Blas, il consacre son temps et ses efforts au service de son maître. Il est un personnage à double facettes puisqu’il est malin avec les autres et fidèle à son maître. Chose qui se traduit clairement dans son discours qui ne manque pas d’éloquence. Ses comportements sont ceux d’un vrai picaro en quête de fortune et de gloire.

IV.3.3.3 Laure :

C’est le deuxième personnage féminin qui réapparaît plus d’une fois (après la mère de Gil Blas). Il voit le jour dans le troisième livre de l’aventure et, c’est le héros qui le décrit en disant : « je vis sortir une dame, richement habillée, et parfaitement bien faite […] pour me faire voir qu’elle méritait […], elle leva son voile, et offrit à ma vue un visage des plus agréables » (G.B, III, V : 200). Le lexique employé dans la description est mélioratif puisqu’il la nomme (ma beauté, cette créature qui m’a frappé). De son côté, la vieille femme, qui a réuni ce personnage et le héros, emploie aussi un lexique mélioratif très riche pour valoriser Laure (une veuve jeune, de qualité, délicate, etc). Chaque fois qu’elle parle d’elle, elle évoque en lui la curiosité et les émotions.

Au moins, c’est ce que le héros pensait de cette jeune-veuve. Une femme sage, très belle, très riche et qui sait parler parfaitement. Grâce à son style vertueux et à son éloquence inépuisable, ce personnage a su charmer le héros. Or, une telle perfection cache toujours des secrets. La réapparition de Laure va dévoiler son vrai caractère. En une scène comique, le héros découvrira la réalité. Il s’agit d’un personnage picaresque qui est à la recherche de la fortune et de l’argent, en dupant les jeunes bourgeois.

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Toutefois, cette femme sera par la suite, dupée ironiquement par un autre personnage.