• Aucun résultat trouvé

L’impact de la Maqâma sur la littérature occidentale :

L’influence littéraire de la Maqâma s’impose clairement sur la littérature espagnole. La Maqâma a une forte relation avec le roman picaresque occidental. Les traits de ressemblance du picaro espagnol et du héros des Maqâmat sont fort présents : la définition donnée au personnage, le portrait du picaro, les objectifs du personnage principal, etc.

26

Les séances furent reprises, aussi, par des poètes juifs dont le plus célèbre est le poète Juda al- Harîzî qui a traduit les Maqâmat d’Al-Harîrî en hébreu sous le titre de « Mahbaroth Ittiel ». Il a écrit, en suite, une collection des maqâmat hébraïques sous le titre de « Tahkemoni ». Comme les maqâmat arabes, c’est un mélange de prose et de poésie avec une satire et une éloquence remarquable. Les auteurs occidentaux musulmans se sont, eux aussi, inspirés de ces maqâmat pour rédiger plusieurs essais, mais ce n’est pas de la même qualité et ni avec la même éloquence.

Un autre point qui s’ajoute, pour renforcer cette influence, est les différentes traductions des Maqâmat d’AL-Hamadhanî et d’Al-Harîrî faites par plusieurs orientalistes, dont nous citons à titre d’exemple :

-Régis Blachère et Pierre Masnou qui ont consacré un ouvrage à la traduction des Maqâmat d’Al-Hamadhanî et une étude sur le genre.

-Régis Blachère qui présente une étude sémantique sur le nom Maqâma dans « Analecta »9.

-Antoine Isaac Sylvestre de Sacy qui a fourni une traduction des Maqâmat d’Al- Harîrî.

- David Samuel Margoliouth, Charles Pellat et Karl Brockelmann, trois auteurs de nations différentes qui ont consacré des articles remarquables à la Maqâma dans l’Encyclopédie de l’Islam.

II Le comique et le rire :

Très important est le caractère comique dans le récit picaresque. Un aspect qui permet au lecteur d’apprécier le récit et de suivre avec impatience l’aventure. Malgré le caractère des évènements, qui sont parfois agressifs, le lecteur éprouve de la pitié et de l’amour pour le picaro. Ce mélange de la naïveté et de la ruse crée l’originalité du roman picaresque dans les différentes littératures (espagnole, française, anglaise, allemande et arabe).

9 -Blachère Régis, 1975, « Analecta », coll « études arabes, médiévales et modernes », Institut français de Damas , P61-67 [en ligne en 2014 : books.openedition.org/ifpo /] consulté le 06-12-2015.

27

Un rire spontané, avec un discours comique déterminé, est la recette du récit picaresque. Mais, avant d’analyser les types du comique dans les deux parties du corpus, il est nécessaire -nous semble-t-il- des passer par les concepts définitoires et historiques du comique, du rire, ainsi que de leurs aspects et de leurs types.

II.1 Le comique :

Chercher à définir le comique est une entreprise très difficile. Psychologues, sociologues, historiens, philosophes et linguistes s’accordent sur la difficulté à définir le comique.

II.1.1 Henri Bergson 1899 et sa théorie :

La recherche contemporaine dans le domaine se base sur les travaux d’Henri Bergson, le philosophe qui, en 1899, écrit trois articles sur le rire dans la revue de Paris qui seront réunis, par la suite, dans son ouvrage « Le rire » en 1901. La théorie d’Henri Bergson représente encore aujourd’hui une référence dans le domaine car sa force réside dans sa vocation généraliste : une théorie qui s’applique à tous les types de comique (de mots, de gestes, de caractères, d’actions). Une réflexion d’Henri Bergson va prendre le statut de loi générale. Il affirme toujours dans « Le rire » que : « le comique est provoqué par du mécanique plaqué sur du vivant » (1999: 29). Ainsi, il s’agit de deux représentations de la vie adaptée socialement et de la vie poussée aux limites, là où, elle est une amplification de ses mécanismes. S’il oppose le comique de mots au comique de gestes et autres formes, il n’en cherche pas le sens général du rire : « le rire repose sur l’exagération et la difformité, sur ne ressemblance mécanique et artificielle de la vie » (Meyer, 2003 :66). Les aspects mécaniques du comique sont là, un peu par tout : dans les paroles d’une personne, dans des situations inattendues, quand une personne ne comprend pas ce qui se passe autour d’elle, dans les caractères des individus. Henri Bergson affirme que : « les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une

28

simple mécanique » (ibid : 23). Le comique est là, il se concrétise à travers le rire: nous rions des personnes qui répètent des gestes ou des paroles, nous rions d’une personne qui tombe malgré elle: « est comique tout arrangement d’actes et d’évènements, qui nous donne, insérés l’une dans l’autre, l’illusion de la vie et la sensation nette d’un agencement mécanique » (ibid: 53). Le roman et la pièce théâtrale développent probablement certaines situations comiques, qui par la suite, peuvent être classées dans des catégories diverses. De ce champ d’analyse, Henri Bergson propose le classement suivant:

-Le diable à ressort: est une confrontation de deux obstinations qui se manifeste à travers la répétition des actions jusqu’à la dissolution d’une. Et pour l’illustrer, il propose comme exemple « Le malade imaginaire » de Molière

-La répétition ou la similitude des situations : il insiste sur l’importance d’un effet de surprise pour déclencher le rire et le plaisir ressenti quand la prévision est réalisée.

-Un troisième point qu’évoque Bergson est le patin à ficelle : lorsqu’un personnage est une marionnette entre les mains d’un autre qui s’en amuse, tandis que le premier personnage se croit intelligent et libre dans ses actions. -La boule de neige: quand les différentes situations s’accrochent à une situation initiale pour ramener les personnages au point de départ.

-La technique du risible: l’inversion des situations.

-Le dernier point est ce que Bergson appelle l’interférence des séries, où la même situation appartient à deux évènements séparés et peut être interprétée de deux façons différentes avec deux sens différents.

Donc, la théorie d’Henri Bergson repose sur « le mécanique plaqué sur du vivant ».

II.1.2 Charles Mauron 1964 et sa théorie :

Psychanalyste et traducteur, sa théorie repose sur le mimesis dans la création littéraire. Son œuvre « Psychocritique de genre comique », 1964, est une analyse des pièces théâtrales de Molière ; où il tisse un lien entre le

29

drame et le comique en étudiant les relations inconscientes dans le roman : « La vraie profondeur de l’art comique doit être recherchée dans l’inconscience fantaisie du triomphe recouvrant un mythe angoissant, c’es-à-dire dans la comédie ou plutôt dans son architecture souterraine » (1985 : 57). En parlant du mythe angoissant, il prend l’exemple du mythe d’Œdipe. Un comique qui nous semble assez ambigüe, car comment un acte tragique entre un fils qui tue son père, épouse sa mère qui se tue par la suite, se crève les yeux et quitte son royaume, peut-il être un fait comique ? Charles Mauron l’explique ainsi :

« la clé du problème se trouve dans le renversement de la culpabilité. Dans la réalité, c’est le fils qui voudrait troubler l’amour des parents. Dans le renversement, le père est dépouillé de ses attributs et dégradé jusqu’à l’état du fils. Le père, dans la comédie, doit donc toujours avoir le dessous ».

(ibid : 59- 60).

II.1.3 Freud 1969et sa théorie :

Toute recherche psychanalytique du langage repose sur les concepts proposés par Sigmund Freud et cela pour analyser, étudier le rire et le comique et pour faire la distinction entre le rire enfantin et le rire comique. « Freud dit que le comique fait faire au spectateur l’épargne d’un investissement ; on mobilisait ses forces pour faire face à un danger, et on s’aperçoit brusquement que cet investissement était inutile ».  (cité par Diatkine. G, 2006 : 529-552). Dans le comique, le langage est en deuxième position. On peut complètement créer un comique, en faisant appel seulement au corps et aux objets matériels, c’est le cas d’ailleurs des films muets. Chaplin a réussi à le faire avec succès en succédant des scènes tragiques et des scènes comiques. Or, il est aussi important de signaler que la théorie freudienne repose sur ce qu’il nomme le « tendancieux » et l’« inoffensifs ». Il relie le premier concept au « mot d’esprit » qui sera repris par la suite dans les travaux de Todorov en 1978 et le deuxième à « l’esprit inoffensif ». Ces deux termes relèvent de la psychanalyse, et nous ne voyons pas l’intérêt de les développer.

30 II.1.4 Jean Fourastié 1983 et sa théorie :

Sa théorie repose sur le concept de «rupture du déterminisme ». Nous pouvons constater deux termes majeurs : le déterminisme et la rupture.

-Déterminisme : le fait de s’habituer, de développer une sorte de schéma représentatif du réel, c’est la capacité de prévoir.

-Rupture : causée par une fausse prévision qui engendre la peur.

II.1.5 Jean Sareil 1984 et sa théorie :

Il considère, lui aussi, tout ce qui fait rire comme comique ; la réflexion développée dans son ouvrage « l’Ecriture comique », se base sur plusieurs thèmes : la désacralisation comme caractéristique du comique : l’acte de dépouiller quelque chose de son caractère sacré. Elle s’attaque à la langue de plusieurs façons. Un autre thème est le caractère négatif du comique, il donne l’exemple du plus affable humoriste qui conte sa vie quotidienne en critiquant son mauvais sort implicitement. La dédramatisation : l’auteur des textes comique essaye de minimiser le drame au maximum.

De même, Jean Emelina 1991 a traité le thème du comique dans plusieurs articles pour montrer la difficulté de saisir une définition du comique, en considérant que, cette difficulté crée le désir du savoir. Comme l’indique le titre de son ouvrage, il s’agit « d’interprétation » du comique10.

10 - pour plus d’informations sur l’auteur et son ouvrage voir : Jean Emelina, Le comique,

essai d’interprétation générale, Paris, Sedes, « présences critiques », 1991, puis 1996. En

31 II.2 Les types de comique :

Henri Bergson parle de différents registres comiques. Nous en distinguons les plus importants dans notre analyse:

II.2.1 Le comique de mots:

Ça concerne le langage et joue sur les mots. Il se manifeste à travers plusieurs procédés comme les répétitions volontaires d'expression. Il peut naître des prononciations déformées ou d’un langage inventé ou parlé d’une façon inhabituelle. C’est le cas, par exemple, des injures que prononce Harpagon à l’égard de son cuisinier qui font rire (L’Avare de Molière).

II.2.2 Le comique de gestes:

Ça concerne les mouvements et les gestes inattendus des personnages comme les chutes et les grimaces. On peut rire des mimiques ou des grimaces d’une personne ou même des gifles. Dans la cinquième scène de l’acte deux de L’Avare de Molière, les mimiques qui rythment l’échange entre Frosine et Harpagon poussent le public à rire (entre un air sévère et un air gai).

II.2.3 Le comique de situations :

Il réside dans les situations paradoxales et fonctionne sur le malentendu, appelé aussi comique des quiproquos. Les coïncidences et les rebondissements font rire. Harpagon découvre que son fils est un grand dépensier et Cléante (le fils) découvre que son père est un usurier (L’Avare de Molière, acte II scène 2).

II.2.4 Le comique de caractères :

Il montre les défauts et les vices humains et exagère dans la description du caractère humain. C’est l’avarice d’Harpagon qui fait rire.

II.2.5 Le comique de mœurs :

32 II.3 Les procédés du comique :

A ce niveau aussi, Henri Bergson précise que le comique est le résultat de trois procédés : la répétition, l’inversion et l’interférence des séries. Des procédés qu’on trouve généralement dans le comique de mots où l’auteur utilise un langage riche et varié. Or cela n’exclue guère les autres types de comique; l’effet de répétition engendre le comique. La rencontre répétée d’une personne le même jour cause un comique. Si les situations s’inversent, cela devient comique, si un serveur prend la place de son maître pour tromper une autre personne ou un prince cède sa place à son valet comme dans les contes de fées racontés aux enfants, cela devient aussi comique. Un troisième procédé est l’interférence des séries, comme le cas des quiproquos où deux situations totalement indépendantes se mélangent, ainsi que le jeu de mots où le sens figuré et littéral sont multiples et opposés. D’ailleurs, l’exemple11 que propose Freud résume correctement ce fait là où le sens littéral pose problème. Un deuxième effet de cette interférence des séries est les différences niées entre les espèces qui provoquent un effet comique. Telle fut l’idée que développe Henri Bergson en parlant du comique de mots. Le fait de traiter un animal comme un être humain engendre le comique, tel est le cas des Fables de La Fontaine, où la différence entre les deux espèces est niée, car ces animaux sont dotés de traits humains.

Après avoir explicité les causes du rire, une définition du rire et un historique des théoriciens, qui ont abordés le sujet dans les différentes disciplines, sont nécessaires.

11 - Sigmund Freud dans son ouvrage « le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient », explique ce problème qui se pose entre le sens figuré et le sens littéral, en donnant l’exemple d’: « un juif rencontre un autre juif et lui demande: «as-tu pris un bain ? », et l’autre lui répond: «Pourquoi, il en manque un ? » » (1988: 110).

33 III Le rire

:

Le comique recouvre l’ensemble des procédés qui visent à susciter le rire. Une relation de cause à effet est, celle qui réunit le rire et le comique : « il ne faut pas se le dissimuler, le critère effectif de toute étude sur le comique est le rire » (Olbrechts-Tyteca. L, 1974: 11).

Le rire est à la fois un fait biologique propre à l’homme et une caractéristique sociale. Plusieurs théoriciens définissent le rire et sa relation avec d’autres phénomènes biologiques et linguistiques, son rôle dans les différentes disciplines. Henri Bergson déclare que, seuls les humains peuvent rire, or, ils ne sont pas les seuls qui provoquent le rire ; la preuve, ajoute- t- il que, l’homme peut rire d’un animal car il a constaté en lui une attitude humaine (un geste qui peut lui rappeler une personne). De ce fait, Bergson propose deux conditions du rire :

-L’insensibilité ou l’indifférence est la première condition du rire. -L’intelligence est exigée comme deuxième condition du rire.

Il ajoute que, le rire est, en réalité, un message à deux signifiés, il doit y avoir une compréhension rapide de ce message (entre celui qui provoque le rire et celui qui le reçoit). Jean Fourastié parle du rire en rapport à la communication, en affirmant que le rire est une réalité biologique que peut être définie comme « un moyen de parler, de penser et de communiquer ». De même, Freud, Eugène Dupreel et Lucie Olbrechts-tyteca parlent d’un caractère social du rire. Le rire est à la fois la perception, le plaisir, le langage et la valeur commune d’un sentiment. Le rire est social, il est là dans les rues, dans les maisons, entre les gens dans leurs regards de sympathie. Il est là même pour persuader ou convaincre une personne.

Cependant, Charles Mauron relie le fait de rire aux phénomènes économiques que peut rencontrer l’homme. Il donne l’exemple de l’épargne difficilement aboutie et rapidement dépensée. Un état psychique se manifeste et pousse l’homme à rire.