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CHAPITRE I : RECENSION D’ÉCRITS

CHAPITRE 3 : ANALYSE DES RÉSULTATS

3.4 Des impacts négatifs

3.4.4 Des impacts sociaux et relationnels

3.4.4.2 Perpétuation des dynamiques familiales dysfonctionnelles

Un des principaux impacts tant en ce qui a trait aux pratiques des femmes que de leur vécu de façon plus large des abus est la perpétuation de dynamiques qu’elles ont elles-mêmes vécu dans leur famille d’origine. Plusieurs ont reproduit un modèle semblable dans leur façon de se traiter elle-même ainsi que leurs enfants et certaines nous parlent de leurs enfants qui ont reproduit à leurs tours certains patterns dysfonctionnels. Les propos de plusieurs d’entre elles illustrent bien comment ces dynamiques se sont perpétrées.

Tout d’abord, Diane, qui a été abusée par son père et abandonnée par sa mère durant l’enfance, confie qu’elle a à son tour abandonné ses enfants lorsqu’elle est devenue mère et entrevoit bien les impacts que son vécu a pu avoir sur eux :

Je suis partie enceinte après de mon plus jeune. /…/ J’ai élevé cet enfant-là toute seule, moi j’étais déjà séparée d’avec mon mari, j’avais abandonné mes deux autres enfants, mais lui je l’ai gardé. /…/ Cela m’a amenée beaucoup de conséquences. Aujourd’hui mon fils est mort, j’ai ma fille de 55 ans, un fils de 45 ans. Ils ont subi les conséquences de maman. Ma fille me dit qu’elle ne m’en veut plus /…/ mon plus jeune il me le dit qu’il m’en veut. Lui je l’ai eu après que je suis partie, lui je l’ai gardé, mais il a eu connaissance de tous mes déboires. Aujourd’hui les femmes, lui, a beaucoup de conséquences. Aujourd’hui je ne peux plus rien faire, à l’âge qu’ils ont /…/ Il faut que je me pardonne ça, je l’ai mon bagage moi aussi.

En lien avec son vécu, Jade semble avoir développé comme stratégie d’adaptation pour gérer l’abandon de sa mère et l’absence de son père durant son adolescence, une dépendance envers la sexualité ainsi qu’envers les garçons. En se dirigeant vers cela, de façon prématurée, cela lui aurait possiblement permis d’éviter de ressentir sa réalité difficile. Se diriger plus tard vers les pratiques sexuelles rémunérées s’avérait la continuité de cette dépendance développée dès l’adolescence. Elle s’est donc dirigée plus tard vers un « métier » où les garçons et la sexualité peuvent toujours occuper tant de place en dedans d’elle.

Elle parle ici de la place que la sexualité prenait en dedans d’elle très tôt dans sa vie, en nous parlant préalablement de sa réalité avec sa mère ainsi que de l’abandon de son père :

À partir du moment où elle a rencontré mon beau-père /…/ elle me laissait pas rentrer dans la maison parce qu’elle fourrait mon beau-père, elle me laissait dehors, chez nous, dans la rue. /…/ Chu devenue de la moindre importance pour elle. /…/ J’ai commencé à « tchatter » sur Internet avec des gars plus vieux, aller les rejoindre au parc, aller « frencher » /…/ J’ai eu une sexualité précoce, je pensais juste à ça. /…/ j’étais vraiment orientée là-dessus. Je pense que 80% de mes pensées à l’école étaient orientées sur le sexe, c’était vraiment intense. /…/ Peut-être que le fait que je n’aille pas de père présent. /…/ C’est peut-être l’explication. Pas mal toute ma famille est bizarre.

Christine, qui a été abandonnée émotionnellement par ses parents comme nous l’avons vu précédemment, a plus tard décidé d’avoir un enfant dans un contexte qui n’était pas facile avec son conjoint du moment. Ses propos témoignent du lien affectif qui ne s’est jamais établi avec son enfant :

Ça va pas bien avec ma famille, je décide de faire un enfant. Je vais m’en faire un, un enfant moi. Finalement j’accouche, pis… euh… j’en voulais pu, un coup de masse dans le front que j’ai reçu moé là, c’est quoi s’t’affaire là, qu’est-ce que j’ai faite là, ça vient de ruiner ma vie là. /…/ Le lien ne s’est jamais fait.

Anne révèle qu’elle a été abusée par son père et nous informe qu’elle a laissé sa fille à son père lorsqu’elle était enfant alors qu’elle allait se livrer à ses pratiques, et donc n’était pas en mesure d’assurer sa protection. Sa fille, qui est à son tour devenue escorte aujourd’hui illustre clairement la perpétration d’un modèle.

Mon fils a déjà été placé. C’était un enfant roi. Il avait des troubles de comportement et beaucoup de colère. /…/ Ma fille a vécu avec moi plus tard et elle est escorte elle aussi. /…/ Je suis devenu parano sur les voisins. Ma fille a fait ça chez nous, ben a vit avec moi. C’est pas facile de l’entendre fourrer dans la pièce d’à côté. Pis quand mon fils y’a appris ce que je faisais, je me suis ramassée en centre de crise. Y m’a traité de salope, de chienne.

Sara nous parle à son tour des impacts de son vécu, à la fois en lien avec les agressions sexuelles et ses pratiques, sur ses enfants :

La femme qui m’a mis au monde m’a toujours rabaissée. /…/ Ma fille qui a 21 ans a déjà été placée chez ma mère. /…/ Pis je le savais pas dans le temps, mais ma mère avait aussi déjà rabaissé ma fille. J’ai maintenant banni ma mère de ma vie. J’essaye de réapprendre des choses à ma fille, je l’ai maganée. (Elle pleure) /…/ Mais j’essaie de donner des bons messages à ma fille maintenant. Ma fille parle comme de la marde à son chum. /…/ Je sais au fond de moi que les gars sont pas toutes de même. (rires) Chaque jour je dis à ma fille d’aimer son chum. /…/ Ça allait loin pour moi la difficulté de me faire toucher. C’était difficile même avec mon gars quand il était bébé de me faire toucher lors de l’allaitement. Pis en vieillissant aussi. J’avais de la misère avec les caresses, à lui donner de l’affection. C’était pire parce que c’était un gars.

Certains extraits ont été cités à une seconde reprise dans cette section pour faire le lien entre le passé familial des femmes et leur vécu avec leur famille actuelle. En ce sens, il était important de les citer à nouveau afin d’avoir une bonne compréhension de la perpétuation de certaines dynamiques familiales.