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1.1 La performance : une notion multidimensionnelle, contingente et

paradoxale

La généralisation de la notion de performance à de nombreux domaines a engendré un phénomène contradictoire. Alors que ce terme jouit d’une diffusion de plus en plus large (pratiquement personne ne s’oppose au principe de faire preuve de performance, voire d’être plus performant), l’utilisation qui en est faite devient parfois abusive par manque d’une définition claire et précise. [TEI 02] qualifie d’ailleurs la performance de « mot-éponge » qui embrasse des significations diverses en fonction de son contexte d’utilisation et dont le seul point commun semble être la difficulté à en exprimer une définition.

Ainsi, les très nombreuses définitions de la performance proposées [BES 99], [BOU 95], [JAC 96], [CHA 92], [MAC 91], [QUI 83] résultent de la diversité des approches et des modèles définis pour tenter de cerner le concept de la performance. Elles associent la performance à l'efficacité, à l'efficience, à la pertinence, à l'effectivité [CHA 05b], [SIC 99], [ZAR 99], [LEB 98], [KAL 88] et à la relation valeur/coût [LOR 97a].

L’aspect multidimensionnel de la performance tient principalement à la coexistence d’une panoplie de modèles reflétant diverses approches analytiques, parmi lesquelles la recherche d’un consensus semble impossible pour différentes raisons [DEL 01] :

- les différents domaines de recherche mettent l’accent sur des processus et des attributs différents, ce qui entraîne une variété de critères de performance ;

- l’ensemble du domaine de la performance est inconnu ;

- les meilleurs critères d’évaluation sont déterminés subjectivement.

Ainsi, la performance peut être stratégique, managériale, organisationnelle, technique, économique, commerciale, financière ou sociétale [ZAR 99], [LEB 98], [KAL 88].

Par ailleurs, on observe également que la performance est contingente : n’importe quel modèle peut être utilisé (selon les préférences des acteurs, du contexte et des objectifs poursuivis) et tous les modèles peuvent être utilisés à des moments différents [CHA 05b].

Selon le même auteur, l'appréciation de la performance d'une organisation au travers de plusieurs modèles peut produire des résultats différents et les éléments qui la déterminent peuvent varier de manière contradictoire à travers ces modèles. Pour être efficace, une organisation peut donc posséder des caractéristiques contradictoires, voire même antagonistes. En conséquence, et paradoxalement, tous les modèles doivent être utilisés simultanément.

On trouvera en annexe 1 une présentation plus détaillée des différents aspects généraux liés au concept de performance (notions, approches et modèles, pilotage de la performance, indicateurs et tableaux de bord) et en annexe 2 une description des problématiques de pilotage, de cohérence, d’agrégation et de révision de la performance, ainsi qu’une définition de la notion d’indicateurs. Dans le cadre de nos travaux de recherche, nous nous intéressons plus particulièrement à la performance hospitalière.

1.2 La performance hospitalière : une préoccupation croissante

La performance des établissements de soins et de santé est une préoccupation partagée aux niveaux européen et international [WHO 08], [KRO 07]. En France, l'ANAP (Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux) créée le 23 octobre 2009 dans le cadre de la loi HPST, est chargée de l’appui à l’efficience hospitalière. Dans cette perspective, la Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS) a

présenté en juin 2010 Hospi Diag 1, outil mis au point par l’ANAP. Il est destiné à être mis à disposition de l’ensemble des acteurs de la santé, qu’ils soient nationaux (administrations centrales, HAS (Haute Autorité de Santé), …), régionaux (ARS, Agence Régionale de Santé) ou locaux (établissements de santé). Il a pour objectif d’explorer la performance d’un établissement de santé selon cinq composantes : activité, qualité des soins, organisation, ressources humaines et financières.

Cependant, les efforts à fournir pour améliorer la gestion des hôpitaux, et donc leur performance, restent importants, tant au niveau local qu’au niveau national. Dans ce cadre, le rapport d'information de la Mission d’Evaluation et de Contrôle des lois de financement de la Sécurité Sociale (MECSS) [MAL 10] préconise un meilleur pilotage stratégique global, avec la mise en place d’un plan annuel d’efficience, et une clarification des missions des multiples structures chargées de l’audit et de l’accompagnement des hôpitaux.

1.3 La performance hospitalière : définitions

La performance hospitalière, comme la notion de performance elle-même, est un concept difficile à cerner. Comme nous l'avons mentionné précédemment, [DEP 98], la nature même de la prestation hospitalière qu’il qualifie de « prestation de service, dépendante du travail des producteurs de soins eux-mêmes et de la contribution des malades » pose problème. Par ailleurs, la variété des définitions et caractérisations proposées [MIN 07], [CHA 05c], [GMS 05b], [WHO 03a], [DRE 01], [GUI 99] témoigne également de cette difficulté. A titre d'exemple, nous pouvons citer [MIN 07] :

- La performance doit être considérée dans une approche globale. Elle recouvre simultanément l’efficacité socio-économique (la prestation de soins répond-elle aux besoins de santé ? est-elle fournie en respectant le standard de qualité attendu ?), l’efficience (la réalisation du service se fait-elle au moindre coût ?) et la qualité de service (accessibilité des soins, délais d’attente, …) ;

- Une relation étroite existe entre qualité et organisation des établissements : optimiser l’organisation permet des réductions de coûts. Efficacité économique et efficacité médicale et sanitaire sont ainsi complémentaires l’une de l’autre ;

- La performance hospitalière se mesure à plusieurs niveaux :

- au niveau d’un établissement de santé, devant répondre à une partie des besoins de santé du territoire qu’il dessert ;

- au niveau d’un territoire de santé, défini dans les SROS, ou d’une région : c’est à ce niveau que l’on vise une offre de soins complète ;

1 http://www.sante-sports.gouv.fr/presentation-de-l-outil-hospi-diag-interet-et-enjeux-d-un-tableau-de-bord-de-la-performance.html.

- au niveau national (niveau de définition de la politique de santé et d’allocation des moyens, respect de l’ONDAM : Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie).

En résumé, la performance et l’efficience hospitalières passent donc par l’optimisation de la qualité, des coûts et de l’organisation.

1.4 Les dimensions de la performance hospitalière

Outre le fait qu’elle est difficile à définir, la performance hospitalière peut également être considérée selon différentes approches. Ainsi, [TEI 02] distingue trois dimensions essentielles de la performance hospitalière qui conditionnent la performance de l'hôpital et justifient son activité :

- la dimension verticale : elle fait référence à la capacité des établissements de soins à s'inscrire dans les orientations du système de santé et à converger vers les objectifs globaux de la société ;

- la dimension latérale : elle désigne la capacité de l'hôpital à répondre aux besoins des malades s'adressant à lui, mais aussi aux attentes des salariés, des financeurs du système, et des citoyens d'une manière générale ;

- la dimension horizontale : elle désigne la capacité de l'hôpital à combiner son activité avec les autres entités du système de soins pour assurer la qualité de la prise en charge dans ses dimensions, technique (i.e., le juste équipement), médicale (i.e., le juste acte), de soins (i.e., les justes compétences), organisationnelles (i.e., le juste délai, le juste temps, la juste information), social (i.e., le juste lieu) et psychologique (i.e., la juste attention et la juste communication).

[CLA 04] met quant à lui en évidence la cohabitation de trois visions interdépendantes de la performance hospitalière:

- une vision externe, fondée sur des indicateurs de santé publique et s'appuyant sur des indicateurs sanitaires synthétiques et statistiques, avec les dangers que peut comporter leur mauvaise interprétation ;

- une vision médicale, mesure de l'efficacité des résultats par rapport à des référents médicaux et visant à minimiser le risque clinique ;

- une vision administrative où l'objectif est l'efficience de l'ensemble des activités de l'hôpital.

Par ailleurs, la performance hospitalière peut également être considérée comme la performance managériale centrée sur le facteur humain et sa valeur ajoutée [FHF 06] et assurant le maintien d'une dynamique équilibrée entre les quatre aspects suivants [ESC 01] :

les buts de l'organisation, l'adaptation des ressources à l'environnement, la production incluant la gestion de la qualité et des services associés et le maintien des valeurs.

Enfin, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Europe, dans le cadre du projet PATH (The Performance Assessment Tool for Quality Improvement in Hospital) [CHA 05c] rejoint ces différents points de vue et définit six dimensions clés de la performance hospitalière : efficacité clinique (Clinical effectiveness), efficience (Efficiency), responsabilité envers les ressources humaines (Staff orientation), responsabilité envers la population locale (Responsive governance), sécurité (Safety), approche centrée sur le patient (Patient centeredness).