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3- Des représentations de l’insertion sociale

3.2 Conception de l’avenir de la société

3.2.2 La perception de la société régionale

Tout au long de notre démarche, nous avons tenté de situer notre questionnement dans le contexte régional. À l’origine, nous voulions saisir les différents facteurs pouvant influencer le processus d’insertion sociale des jeunes, nous voulions notamment vérifier si le milieu d’origine influençait les trajectoires des individus. Nous nous attardions principalement aux distinctions entre les milieux ruraux et urbains de manière à saisir le jeu des relations sociales qui s’y développait. Les témoignages des informateurs nous ont obligés à nous pencher sur leur perception de la société régionale.

Plusieurs informateurs ont vanté la qualité des rapports interpersonnels que l’on retrouve en Abitibi-Témiscamingue. Ils ont souligné la facilité d’établir des relations sociales de même que la proximité, la chaleur et le support mutuel qui

caractérisent les liens interpersonnels. Ainsi, pour plusieurs de nos informateurs, il semble qu’il soit plus facile de s’insérer socialement dans une petite région comme l’Abitibi-Témiscamingue plutôt que dans un grand centre comme Québec ou Montréal par exemple. Sur le plan professionnel, les jeunes que nous avons rencontrés expliquaient qu’ils bénéficiaient peut-être d’une plus faible concurrence sur le marché du travail en raison de la taille de la population. Les petits milieux, qu’il s’agisse de milieux ruraux ou de petites villes, semblent favoriser davantage le développement du réseautage que les villes de moyenne taille. Deux informateurs confirment cette idée généralement admise par la majorité des jeunes que nous avons rencontrés.

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Q : Pour t'aider à obtenir un emploi, est-ce que tu pourrais compter sur quelqu'un de ton entourage?

R : (…)Peut-être dans l'Abitibi-Ouest, il y a une couple de personnes que je connais qui travaillent au développement. Peut-être que je pourrais avoir une chance d'appliquer sur le poste avant qu'il soit vraiment ouvert. Faire comme la plupart des postes, d'avoir la " job " avant qu'il l'ouvre. Après ça, ils l'affichent.

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Q : Que signifie pour toi réussir dans la vie?

R : D'être heureux dans ce qu'on fait. Aimer ce qu'on fait, d'être bien là- dedans. Que ce soit valorisant pour nous autres au niveau de l'emploi. Moi, je dis que j'ai réussi dans ma vie parce que j'ai un emploi que j'aime. C'est avoir un bon cercle d'amis. Le fait de m'être intégré au Témiscamingue facilement, ça aussi, je peux dire que ça fait partie du fait que j'ai réussi dans la vie là. J'aurais pu ne pas connaître personne puis rester dans mon coin, ne pas m'impliquer nulle part. C'est à tous les niveaux.

Le territoire de la municipalité régionale de comté du témiscamingue, où l’on retrouve majoritairement des petits milieux, apparaît comme une région qui facilite l’insertion sociale des jeunes. Même si certains rappelaient qu’il y avait souvent

moins d’offres d’emploi, il demeure que la qualité des relations développées dans les milieux compensent largement pour le faible support organisationnel qu’on y retrouve. Aussi, il semble que les adultes soient interpellés plus naturellement pour favoriser l’insertion sociale et l’intégration professionnelle. Cependant, il faut reconnaître que la trajectoire des jeunes qui vivent des difficultés d’insertion sociale dans ces petits milieux pose de sérieux problèmes, qui sont aggravés par le faible nombre de passerelles vouées à l’insertion sociale ou à l’intégration professionnelle.

Pour expliquer la perception positive de la société régionale, plusieurs jeunes ont souligné la proximité des lieux et des instances de décision. Une étudiante de 24- 25 ans présente l’essentiel de cette perception.

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Q : Est-ce que tu penses que c'est aux jeunes à faire leur place dans la société?

R : On a notre bout à faire, mais l'autre génération avant nous a à nous aider à nous faire une place. Ça ne fait pas bien, bien longtemps qu'il y a des jeunes dans les conseils d'administration. Si tu regardais voilà cinq ans (dans un organisme), c'était la même "clique". Si tu faisais partie de la "clique", tu pouvais avoir des prêts plus facilement. Maintenant, ce n'est plus comme ça. Il y en a des jeunes sur le C.A., il y en a partout qui commencent à s'infiltrer et ça paraît. Ils amènent d'autres points de vue. Une gang de bonhommes de 50 ans ne peuvent pas décider pour ce qu'on veut. Un organisme qui a beaucoup de jeunes qui travaillent dedans et que toutes les décisions sont prises par des gens de 50 ans, à un moment donné, ça ne se rejoint pas. Il y a des points de vue différents. On n'a pas la maturité qu'ils ont acquise, mais si on veut l'acquérir, il faut aller se "péter le nez". Ils peuvent limiter les dégâts. Ils ont une grosse part à faire là-dedans. Il y en a qui pensent : " Aie! Ils vont amener des nouvelles idées puis ça va faire de la discussion. " Il y en a toujours un qui mène le bal et les autres suivent, puis ça fait des années que c'est comme ça. Mais s'il arrive deux jeunes dans la gang puis qu'ils veulent changer des affaires, et ils s'obstinent, il va falloir argumenter. Des fois,

ils ont l'impression que ça va donner plus de troubles que d'autres choses. Mais quand on sera rendu à leur âge, ils vont débarquer et on va arriver sans d'expérience du tout là-dedans. On ne fera pas mieux. S'il y a de quoi, on va faire pire. Si on commence dans la vingtaine puis on acquiert de l'expérience, quand on va arriver à 40 ans et qu'il va se présenter un problème où il faut prendre une décision, on va avoir vécu des choses puis on va avoir vu les impacts de d'autres décisions. Tandis que si tu arrives à 50 ans, tu rentres sur un conseil puis tu prends une décision, si tu n'as jamais eu à voir les conséquences de ça, tu ne peux pas élaborer toutes les conséquences. On a notre bout à faire, mais eux aussi, ils ont un gros bout à faire.

La confiance et l’ouverture témoignée à l’égard des jeunes semblent déboucher sur le sentiment de participer au développement régional. Ces adultes qui, non seulement favorisent les relations intergénérationnelles, mais qui font aussi une place aux jeunes et qui sont disposés à leur servir de modèles, influencent certainement la perception de la société régionale. La proximité des instances décisionnelles que l’on retrouve en Abitibi-Témiscamingue permet-elle à certains jeunes de participer à la construction de l’avenir de la région. Toutefois, il ne faut pas croire que le portrait soit totalement rose, nous avons tout de même rencontré des informateurs qui connaissaient des problèmes d’insertion.

De façon à rendre compte précisément des perceptions de la société régionale, nous présentons ici les témoignages des jeunes décrivant les avantages et les inconvénients de vivre dans les cinq territoires de MRC qui composent l’Abitibi- Témiscamingue.

Tableau 15 : Les perceptions de la société régionale