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Perception des professionnels de santé par rapport aux CAP de la population et à l’accès

PARTIE II VULNERABILITÉ DES ESPACES HUMANISÉS FACE AU RISQUE

5.7. Perception des professionnels de santé par rapport aux CAP de la population et à l’accès

Pour déterminer la perception des professionnels de santé par rapport à la peste, mais également par rapport aux pratiques des populations des sites d’études, une étude qualitative basée sur des entretiens groupés ou focus group (F.G) et/ou entretiens individuels ont été menés en parallèle avec les enquêtes CAP. Les résultats de ces F.G ont été classés en deux catégories : 1) le point de vue des professionnels de santé travaillant à Ambositra et Tsiroanomandidy (zones où la peste est endémique) 2) les perceptions des professionnels de santé du district de Mahajanga I (zone du littoral, urbain, hors foyer pesteux). L'étude a été

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menée à partir d'entretiens individuels et d’un entretien collectif auprès de professionnels de la santé tout âge, sexe et fonction confondus. Deux formations sanitaires de types CSB (Centres de soins de base) par district ont été choisies aléatoirement parmi les communes tirées au sort à investiguer dans le cadre des enquêtes CAP individuels. Les entretiens individuels ou collectifs ont été effectués selon la disponibilité du personnel. Un canevas d’entretien préétabli (cf. Annexes) a été utilisé pour les deux types d’entretiens. Le canevas comportait trois grands volets : un volet connaissances des professionnels de santé sur la peste, un volet sur la perception des attitudes des habitants des localités administrées par les professionnels de santé, en cas de peste et un volet sur la perception des professionnels de santé sur les pratiques des populations en cas de peste. Les groupes de discussion et les entretiens individuels ont été menés en langue malagasy, enregistrés sur un dictaphone, après consentement des participants, puis transcrits et enfin traduits en langue française.

Cliché 13. CSB au milieu d’un vaste terrain à plusieurs lieux des villages alentour, CR d’Anosy, district de Tsiroanomandidy (Réal : S. R, juillet 2017)

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Cliché 14. Malade transporté d’urgence en brouette au CSB, CR Vatambe, district d’Ambositra (Réal : S. R, juin 2017)

5.7.1. Perceptions des professionnels de santé des deux districts des HTC : Des interventions dans la lutte contre la peste influençant les connaissances des populations par rapport à la peste

Trois entretiens individuels et un entretien collectif, avec un total de 10 participants ont été menés au sein des formations sanitaires CSB des deux districts des HTC. Deux CSB du district d’Ambositra ont été investigués avec 8 participants : deux médecins, une infirmière, trois sages-femmes, une stagiaire paramédicale et un aide-soignant. Deux entretiens individuels ont été effectués dans deux CSB du district de Tsiroanomandidy avec deux médecins y participant. La durée moyenne d’un entretien (individuel ou collectif) est de 34 minutes. La plupart des participants aux entretiens ont pu identifier deux formes de peste, la peste bubonique et la forme pulmonaire. La forme septicémique de la peste n’a pas été souvent citée et ses symptômes n’ont pas été bien clairs pour les professionnels de santé. La malpropreté, le manque d’hygiène, les puces et le rat ont été identifiés par les participants comme étant les sources de la peste. La transmission par voie aérienne de la peste pulmonaire a également été mentionnée par l’ensemble des répondants. Le caractère contagieux et le fait que la peste soit une maladie mortelle en l’absence de traitements dans de brefs délais ont été également cités par l’ensemble des participants. Voici des extraits des entretiens sur la

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perception des professionnels de santé sur les connaissances par rapport à la peste des populations habitant dans les localités qu’ils administrent :

«Les gens d’ici connaissent déjà [la peste] parce que beaucoup de sensibilisations ont déjà été effectuées». Cette affirmation rejoint les résultats des analyses multivariées montrant que les populations habitant dans des communes où des cas de peste se sont avérés sont plus susceptibles d’avoir un niveau CAP moyen ou bon dans les districts d’Ambositra et de Tsiroanomandidy. Ces résultats pourraient être expliqués par le fait que la présence quasi permanente du risque pesteux dans ces districts contraint les autorités sanitaires locales à se prémunir par la formation des agents de santé communautaire (AC= Agent communautaire, COSAN= Comité santé) à avoir une connaissance élevée des symptômes de la peste ainsi que du parcours à adopter en cas de suspicion de peste chez les populations des localités des deux districts. La proximité directe des AC avec les populations a pour conséquence une meilleure connaissance de la maladie chez les populations des districts endémiques de la peste.

« (…), les agents communautaires de santé (COSAN ou les AC), sont déjà plutôt expérimentés dès qu’il s’agit de la peste ! (…) leur connaissance sur les symptômes est déjà plutôt bonne.»

« Étant dans une zone pesteuse, nous avons adopté une stratégie pour que la prise en charge soit plus rapide »

« Dès qu’ils suspectent la peste, ils vont tout de suite à l’hôpital ! »

La peur de mourir et de tomber malade à cause de la peste chez les populations des zones endémiques est aussi perçue chez les médecins ou professionnels de santé des deux districts.

« (…) les gens en ont peur ! Ils ont peur de la peste parce qu’ils ont su depuis toujours que c’est une maladie redoutable (…) »

La connaissance des symptômes ou des mesures à prendre, ainsi que le parcours de recours aux soins peut alors avoir une conséquence sur les pratiques des populations des deux districts. Ce qui peut entrainer une diminution des retards dans la prise en charge des malades, mais également réduire le risque de mortalité dû à la peste dans les régions endémiques.

« En fait nous sommes dans un foyer ! Les gens savent déjà que dans tel cas il s’agit de la peste (…) ’il n’y a plus vraiment de personnes qui vont chez le dadarabe [guérisseurs], dès que les gens remarquent quelque chose de suspect, ils disent: c’est la peste, docteur. ».

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5.7.2. Perception de la peste chez les professionnels de santé dans un district hors foyer endémique : le cas de Mahajanga I

Deux FG avec 9 participants ont été effectués dans 2 F.S type CSB II du district de Mahajanga I, regroupant 6 professionnels de santé pour la première structure sanitaire et 3 professionnels pour la deuxième. La durée moyenne des deux F.G effectués dans le district de Mahajanga I était de 36 minutes. La population de Mahajanga I a déjà entendu parler de la peste, selon un répondant, mais leurs connaissances par rapport à la maladie ne sont pas exhaustives, surtout par rapport aux modalités de transmission de la maladie. La responsabilité du rat dans sa transmission est connue, selon lui.

«(…) Certains connaissent la peste et il y en a qui ne la connaissent pas [ils connaissent la peste, mais c’est peut-être le mode de transmission de la peste qu’ils peuvent ne pas savoir], mais le fait que la peste soit liée au les rats est peut-être ce qu’ils savent (…) »

Pour un autre répondant la population ne sait pas ce qu’est la peste, parce qu’étant une zone hors foyer pesteux, aucun cas de peste n’a été déclaré à Mahajanga I.

« (…) La peste, pour la population, ça n’a jamais existé ! Personne ne sait ce que c’est, parce que ce n’est pas fréquent ici (..) »

Vu que Mahajanga I n’est pas une zone foyer de peste, la plupart des populations se réfèrent aux rumeurs ou aux médias quand il s’agit de la peste, selon un autre répondant.

« Moi, je n’ai pas encore entendu parler de cas avérés ici, mais souvent la manière par laquelle les gens s’informent c’est à partir des rumeurs concernant la lutte contre la peste menée par l’État. C’est de cette manière qu’ils en entendent parler ».

Le fait que la peste peut causer la mort est source de peur par rapport à la maladie chez les populations habitant à Mahajanga I selon un professionnel de santé.

« Ils ont peur car la peste peut causer la mort.».

5.8. Deux contextes épidémiologiques et géographiques différents, deux expressions