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A. Validité externe

4. La perception de la limitation et/ou arrêt des thérapeutiques

La gestion de thérapeutiques, telles que l’hydratation et les antibiotiques surtout, semble tout de même poser quelques difficultés.

a) La place de l’hydratation

Selon la loi « Claeys - Leonetti » (2), la nutrition et l’hydratation artificielles sont considérées comme traitements, de ce fait susceptibles d’être arrêtées ou non entreprises (par exemple en cas de refus exprimé par le patient, ou en présence de symptômes pouvant être aggravés par celles-ci).

Si les médecins généralistes, de façon assez unanime, n’envisagent pas de mettre en place une nutrition artificielle qu’ils jugent « invasive » et disproportionnée en fin de vie, ils ne se positionnent pas de la même manière au sujet de l’hydratation.

Nous pouvons tout à fait comprendre leur attitude, d’autant que la question de l’impact d’une l’hydratation artificielle sur la qualité et la durée de vie en situation palliative terminale fait l’objet d’un débat qui est loin d’être tranché sur le plan médico-scientifique.

D’une part, la « perfusion » renvoie une image de « non abandon », elle est donc très fortement chargée de valeur symbolique. D’autre part, aucun travail de recherche dans le domaine des soins palliatifs, n’a permis, à ce jour, d’obtenir des données suffisamment solides pour suggérer voire même recommander la prescription (ou l’arrêt) d’une hydratation en fin de vie.

b) La place des antibiotiques

La mise en route d’une antibiothérapie en cas d’infection (ou de suspicion) bactérienne est également source de question pour les médecins généralistes. Nombreux sont ceux qui déclarent instaurer une antibiothérapie pour soulager l’inconfort généré par la fièvre, alors que d’autres n’y en voient pas d’intérêt.

Béziaud (46) s’est intéressé à cette problématique et conclut que les bénéfices des traitements antibiotiques ne sont pas évidents en phase terminale d’une maladie, exception faite pour les infections urinaires symptomatiques. En fait, les antibiothérapies probabilistes soulèvent des questions à la fois économiques et écologiques en termes de développement de résistances bactériennes.

5. La juste place des médecins généralistes dans la fin de vie a) Une coordination du parcours de soins par le médecin généraliste

La réforme de l’Assurance maladie de 2004 (3) a placé le médecin comme chef d’orchestre et coordonnateur du parcours de soin dans le système de santé en France.

Nous avons déjà parlé du rôle central du médecin généraliste auprès de son patient, de sa légitimité, de sa relation de proximité et de confiance. Néanmoins, le médecin généraliste ne peut pas gérer seul la fin de vie à domicile. Il s’entoure d’infirmiers libéraux, des SSIAD, des SAAD et des réseaux de soins palliatifs. Il coordonne l’équipe de professionnels de santé prenant en charge le patient dans un rôle de pivot, et ses collaborateurs peuvent l’aider à repérer les situations complexes et à anticiper les stratégies thérapeutiques futures.

La coordination des soins se définit « comme une action conjointe des professionnels de santé́ et des structures de soins en vue d’organiser la meilleure prise en charge des patients en situation complexe, en termes d’orientation dans le système, de programmation des étapes diagnostiques et thérapeutiques et d’organisation du suivi. Elle a pour objectif de faire bénéficier au patient de « la bonne réponse (médicale, médico-sociale, sociale), au bon endroit, au bon moment » (47)

La coordination, un métier à part entière ? L’HAS a rédigé un référentiel du métier de coordonnateur de soins.

b) Repérer les situations de fin de vie nécessitant des soins palliatifs

Les omnipraticiens de notre enquête sont peu nombreux à avoir initié une délibération collégiale. Ceux qui ont répondu par la négative l’ont justifié par le fait qu’ils ne la connaissaient ou n’en avaient pas eu l’occasion. Et les seuls qui ont eu cette expérience ne l’ont fait qu’une seule fois sur une carrière en moyenne de 20 ans : c’est peu. Un des médecins, parmi les plus jeunes, qui est d’ailleurs celui qui a mis en œuvre le plus de procédures collégiales, nous a confié que la difficulté à reconnaitre une situation palliative liée à une proximité particulière temporelle et spatiale pouvait expliquer cette utilisation limitée.

En 2013, 60% des situations de fin de vie soit 311 000 personnes, aurait nécessité un accompagnement dans le cadre du soin palliatif. Selon le rapport de l’IGAS, quatre ans plus tard, 75% des patients pouvant bénéficier d’un suivi et d’une prise en charge palliative et/ou de fin de vie à domicile n’a pas pu y avoir accès. (48)(49)

c) Consultation du médecin généraliste lors de décisions de LAT en milieu hospitalier

L’Ordre des médecins recommande de recueillir l’avis du médecin généraliste traitant habituel du patient lors d’une décision collégiale quelle qu’en soit la nature. Or, dans notre étude, seul un médecin sur quatre des médecins dit avoir été contacté au moins 1 fois alors que les médecins traitants ont déjà rappelé leur importance dans la décision auprès de leur patient. (50)

Ce résultat confirme des travaux antérieurs (51) (52) lors de décisions de LAT en milieu hospitalier Une étude quantitative de L’Hermite en 2013 (51) montre que seulement 35 % des médecins traitant sont informés par un médecin « senior » hospitalier et que, dans le 61% des cas, la décision de LAT est déjà prise.

Nicourt en 2014 (52) retrouve des chiffres similaires à notre travail, près d’un médecin généraliste sur quatre a été informé (28%) ou consulté (17%) lors de décisions de LAT par les hospitaliers et il s’agit par ailleurs plus d’un simple sollicitation (83%) que d’une réelle consultation.

Au vu des résultats de notre étude et des éléments utiles que les médecins généralistes peuvent apporter au processus décisionnel de LAT ainsi que leur demande de compréhension, nous pouvons affirmer que ce lien est à encourager. Il est évident que le médecin généraliste connait le patient dans sa globalité et ses dimensions, psychologique, familiale, socio-professionnelle et éthique, il est donc une aide très précieuse à la prise de décisions complexes.

Sur le plan pratique, lorsqu’il participe à la réflexion collégiale il peut mieux comprendre et être en phase avec le projet de soins ce qui lui permettra de délivrer à son patient et son entourage d’éventuelles explications demandées.

Par ailleurs, les généralistes interrogés ont exprimé une préférence pour une sollicitation interactive immatérielle telle que le téléphone ou la visioconférence lorsqu’il s’agit de patients qu’ils connaissent et qu’ils suivent au long cours depuis de nombreuses années.

6. Les manques de temps et de disponibilité a) Le temps, la principale difficulté

b) La problématique de la démographie médicale actuelle et future des médecins généralistes

Le nombre et la complexité des situations de fin de vie vont se majorer. Comment continuer répondre à ce nouvel enjeu quand la démographie médicale des médecins connaît de grands changements : féminisation, vieillissement et diminution du nombre de médecins (53) ? Ceci représente un débat qui a déjà fait l’objet d’une interrogation politique autour des mesures visant à renforcer la médicalisation du domicile, bien que limitée aux EHPAD. (29) (54)

Plusieurs occasions de rencontres pour discuter de nouvelles stratégies d’extension de l’offre de soins palliatifs à domicile sont aussi bien à l’agenda du gouvernement qu’à celui de ses partenaires (ONFVSP) et référents régionaux et locaux : la politique ne semble pas sous-estimer l’impact socio- économique et l’enjeu de santé publique de la fin de vie en France.

c) La valorisation et indemnisation des professionnels de santé

La coordination des soins de patients en fin de vie est chronophage. Il semble cohérent de valoriser financièrement ce temps utilisé et nécessaire à la coordination des différents professionnels de santé pilotée par le médecin généraliste.

7. Lutter contre l’isolement des professionnels de santé a) Maison de santé pluridisciplinaire

Nous l’avons vu la procédure collégiale repose sur une délibération collective du médecin référent en charge du patient et de l’équipe de soins et sur l’avis motivé d’un médecin consultant. Contrairement à ce qui se passe en milieu hospitalier, les professionnels de santé de ville interviennent au domicile du patient à des différents moments de la journée selon leur emploi du temps respectif. Ainsi, organiser une réunion pluridisciplinaire nécessite un effort d’organisation considérable.

Deux médecins généralistes de notre échantillon exercent au sein d’une maison de santé pluri professionnelle (plusieurs médecins généralistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes).

La création de nouvelles « maisons de santé pluridisciplinaires » (55) en tenant compte des besoins territoriaux peut être une piste pour favoriser la démarche collégiale en milieu non hospitalier.

b) Soutien psychologique des professionnels de santé

D’après les travaux de Guédon (56) et Picquendar (57) en 2016, le « burn-out » touche entre 22 et 67,3% des médecins.

Au cours de notre enquête, un certain nombre de médecins généralistes a évoqué les charges émotionnelles et psychologiques indissociables aux situations de fin de vie. 80% d’entre eux a exprimé la conviction qu’une attitude collégiale dans les situations complexes de fin de vie est un facteur protecteur du « burn-out » car cela permet de partager le poids de la décision et de trouver la « bonne » stratégie thérapeutique pour le patient.

A ce sujet, il est intéressant de signaler qu’un Diplôme Inter Universitaire « Soigner les Soignants » (58) a été créé en 2015 à l’initiative du professeur Galam à la Faculté de Médecine de Paris Diderot. En Haute-Normandie, en 2018, 4 médecins généralistes ont suivi cette formation, d’après ces confrères il sera possible de mettre en place une consultation de médecine générale à destination des professionnels de santé en difficulté.

c) Identifier les structures ressources

En préconisant la mise en place d’une décision de LAT ou la SPCMD dans le cadre d’une prise en charge palliative, il est indispensable que les médecins généralistes puissent se reposer et disposer de structures et de personnes « ressources ».

Pour faciliter la mise en réseau des professionnels de santé, la SFAP a mis en ligne, sur son site internet, un annuaire national de structures de soins palliatifs et des associations de bénévoles,

http://www.sfap.org/annuaire.

d) Permanence téléphonique en soins palliatifs

Une étude réalisée en 2011 en France montre qu’une très grande majorité (87,6% des MG interrogés) aimerait disposer d’une permanence téléphonique avec un numéro unique, disponible 24 h/24 et une facilité d’accès à des médecins formés aux soins palliatifs.(59)

8. Partager l’information et permettre une traçabilité des décisions

Dans notre étude, de nombreux médecins ont insisté sur la « rupture entre la ville et l’hôpital » pendant les 20 dernières années.

Ils ont surtout évoqué les délais excessivement longs pour obtenir les comptes rendus d’hospitalisation de leurs patients, ce qui a engendré un sentiment d’échec voire d’exclusion dans

a) Un dossier médical informatisé unique et sécurisé

En 2018 à l’heure du « tout numérique », il n’existe pas encore de dossier patient commun informatisé, sécurisé et accessible à tous les professionnels de santé intervenant auprès du patient. Un tel support permettrait de tracer et de partager en même temps des données sensibles telles que les synthèses des « procédures collégiales » portant sur des LAT ou des SPCMD (tout comme pour les Directives Anticipées et la Personne de Confiance).

A défaut, nous disposons de quelques plateformes de messagerie sécurisée (APYCRIPT©, MS Santé© etc.) pour mettre en communication directe les praticiens hospitaliers et les médecins libéraux : un développement ultérieur de cette modalité de partage de données pourrait être une alternative.

b) Fiche de liaison de type « Urgence PALLIA »

Il s’agit d’une fiche (60) élaborée par le médecin traitant éventuellement en lien avec le médecin de l’EMSP ou du réseau, par le médecin coordonnateur de l’HAD ou de l’EHPAD en lien avec le médecin traitant.

Elle est transmise au centre 15 par mail sécurisé (selon les régions) et mise à jour en cas d’évolution importante de la maladie ; Elle permet à l’urgentiste de connaître la situation et de respecter au mieux les souhaits du patient et de son entourage.

Si le médecin traitant s’absente, il appelle le médecin de garde ou le service d’urgence ou l’astreinte médicale du réseau ou de l’HAD pour les prévenir.

9. La sédation

Une étude rétrospective de Pincemin en 2014 (61) montre que le décès au domicile est conditionné à 3 facteurs : le souhait exprimé par le patient de mourir à domicile, la possibilité de bénéficier de soins infirmiers à domicile et le fait de présenter une altération majeure de l’état général au début de la prise en charge.

La plupart des médecins interviewés dans notre enquête n’est pas contre le principe de la réalisation d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’aux décès à domicile mais sous de nombreuses conditions :

- Que le maintien à domicile soit possible ;

- Que la volonté de mourir à domicile ait été établie ;

- Que les aidants soient disponibles et favorables (seul 33% des proches accepterait que la mort survienne à domicile (49)) ;

A partir des réponses des médecins généralistes de notre échantillon, nous avons tenté de rédiger un outil pour guider au cheminement lorsqu’une SPCMD est envisagée au domicile (Annexe 3)

10. Garantir le droit aux soins palliatifs au domicile

La distribution de l’offre de soins palliatifs demeure encore très hétérogène au niveau national, aussi bien à domicile qu’en institution. A titre d’exemple en 2013, 60% des situations de fin de vie soit 311 000 personnes, aurait nécessité d’un accompagnement dans le cadre du soin palliatif (49). Selon le rapport de l’IGAS, quatre ans plus tard, 75% des patients pouvant bénéficier d’un suivi et d’une prise en charge palliative et/ou de fin de vie à domicile n’a pu y avoir accès.

a) L’EMSP

L’activité de l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs est essentiellement intra hospitalière : seul 7% des EMSP intervient auprès des patients et des professionnels à domicile. Le scénario est sans doute plus encourageant dans les EHPAD dans le cadre de la signature d’une convention.

Le maintien à domicile en fin de vie repose sur d’autres ressources : les réseaux de soins palliatifs, l’HAD et les SSIAD/ infirmiers libéraux. L’enjeu principal de l’organisation du travail de ces professionnels de santé est représenté principalement par la continuité de soins.

b) Les infirmiers libéraux

Les infirmiers libéraux n’ont pas d’obligation de permanence de soins 24/24h et 7/7j, tout comme les SAAD et SSIAD. En présence d’une situation complexe, nécessitant de supports médico techniques lourds, elles sont parfois confrontées à un manque de formation, à des contraintes financières et à une demande de présence et de soins qui dépassent leurs moyens.

c) L’HAD

Les HAD assurent une astreinte infirmière opérationnelle 24/24h et 7jours sur 7, leur dotation en moyens étant similaire à celle d’une hospitalisation avec hébergement. Il est pourtant fait constat d’un taux de recours assez faible aux HAD en situation palliative en fin de vie, aussi bien à domicile (12,8%) qu’en EHPAD(8%)(49)(48) alors que la prévalence des décès dans les 24/48h qui suivent une admission à l’hôpital chez des patients relevant de soins palliatifs est de 30%.(43)

d) Une collaboration HAD - infirmiers libéraux

Une collaboration sous l’égide d’une convention de partenariat, pouvant s’établir selon les spécificités de chaque territoire de santé, entre HAD - infirmiers libéraux et médecins généralistes permettrait de palier à ces difficultés.

e) Les réseaux de soins en soins palliatifs

Les réseaux de soins palliatifs n’ont pas vocation à réaliser des soins, ce sont des structures de coordination. Leur mission est de guider et conseiller les patients, leur entourage et les équipes médico soignantes afin de permettre le maintien à domicile aussi longtemps que possible. La plupart d’entre eux ont mis en place une astreinte téléphonique 24h sur 24.

Les médecins généralistes interviewés se disent globalement satisfaits de la collaboration avec les professionnels de santé des réseaux, leur rôle d’aide et de conseil est fort apprécié.

Ces avis sont assez représentatifs d’une réalité de prise en charge palliative non complexe, où la dimension du soin et de l’accompagnement l’emporte sur les moyens médicotechniques. Lorsque l’évolution du patient nécessite d’un plateau technique plus important, l’intervention d’autres équipes (HAD) est exclusive.

f) Maintien des intervenants au cours des prises en charge

Pour une meilleure continuité des soins, il est opportun pour les patients et leur entourage de privilégier le maintien d’interlocuteurs connus, tout comme pour les médecins généralistes. La clé pour la réussite d’un accompagnement ainsi que d’une prise en soins optimale en soins palliatifs à domicile sont la cohésion et la communication. Il est difficile d’imaginer que plusieurs structures ayant des caractéristiques différentes s’appuyant sur des intervenants multiples puissent favoriser une coordination fluide et compréhensible pour le patient et ses proches.

g) Les EMTSP, un exemple à suivre

L’une des solutions possibles, permettant à la fois de simplifier et de mieux identifier le parcours de soins du patient en soins palliatifs, est de créer une filière unique et spécifique, à dimension hospitalo-territoriale (GHT). La réalité des Équipes Mobiles et Territoriales de Soins Palliatifs (EMTSP), déjà existante dans certaines régions, peut être un exemple à suivre et développer.

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