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Chapitre 5 : RÉSULTATS

6.3. La perception du contrôle et l’importance accordée aux croyances liées au contrôle

Dans cette étude, la perception du contrôle était la seule variable issue de la TCP d’Ajzen (1991) qui était significativement liée à l’intention comportementale. Sans mettre ce thème en relation avec une mesure liée au comportement, et sans recourir à un cadre théorique, de nombreux auteurs avaient soutenu que la croyance de l’infirmière en ses capacités d’aborder le sujet de la sexualité avec un patient pouvait potentiellement être liée avec ce comportement (Maes et Louis, 2011; Saunamäki et al., 2010; Raymond, 2008; Magnan et Norris, 2008; Magnan et Reynolds, 2006; Magnan et al., 2005; Reynolds et Magnan, 2005; Lashinger et Tresolini, 1999; Waterhouse, 1996). Par ailleurs, puisque la perception du contrôle était significativement liée à l’intention, tous les items s’intéressant à l’importance accordée aux croyances liées au contrôle ont été inclus dans la régression logistique finale. Les croyances dont l’importance était suffisamment grande pour permettre de discriminer les étudiantes ayant une intention forte de celles ayant une intention faible d’adopter le comportement étaient : l’impression que l’étudiante se fait du besoin d’enseignement à propos de la sexualité qu’a le patient (sans lui en avoir préalablement parlé), la qualité de la relation thérapeutique avec le patient et le fait que le patient soit un homme.

La première de ces trois croyances (item 43 du questionnaire principal (Annexe 4)) suggère l’idée d’une perception ou d’une évaluation, par la répondante, des besoins des patients. Le libellé de l’item, lorsque mis en relation avec l’intention, indique que la répondante qui dit se fier à son impression (sans la valider auprès

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du patient) a généralement une intention plus faible d’adopter le comportement. Inversement, chez les répondantes ayant une intention forte, il semblerait que l’impression qu’elle se fait des besoins du patient soit de moindre importance dans sa décision de lui proposer de discuter de sexualité.

Dans la littérature consultée, quatre thèmes apparentés à cette croyance et potentiellement liés à l’intention comportementale étaient présents, et les auteurs qui les ont décrits affirment qu’ils devraient faire l’objet d’interventions. Ces thèmes (ou croyances) sont, pour l’infirmière, que la sexualité est quelque chose d’important dans la vie des patients (Rana et al., 2007; Gott et al., 2004; et Malloy & Herold, 1988), qu’il est légitime, même pour une personne malade, de se préoccuper de sa sexualité (Saunamäki et al., 2010; Couldrick et al., 2009; Magnan et Norris, 2008; Magnan et Reynolds, 2006; Magnan et al., 2005; Reynolds et Magnan, 2005; et Kautz et al., 1990), qu’il existe un lien entre l’épisode de santé / maladie en cours et la sexualité (Saunamäki et al., 2010; Magnan et Norris, 2008; Magnan et Reynolds, 2006; Magnan et al., 2005; Reynolds et Magnan, 2005; Tsai, 2004; Kautz et al., 1990), et que le patient est « asexualisé » (Couldrick et al., 2009). Rappelons qu’aucun de ces auteurs n’a utilisé de cadre théorique, ni fait de lien statistique entre ces croyances et une mesure associée au comportement, afin d’étayer ces informations et de les comprendre globalement. Toutefois, tant la littérature consultée que l’étude en cours suggèrent que la reconnaissance, par la répondante, de la pertinence du fait de proposer au patient (sans se fier à sa perception de ses besoins) d’aborder le thème de la sexualité, serait liée à une intention plus forte d’initier cet enseignement.

La seconde croyance (l’item 44 du questionnaire principal (Annexe 5)) était quant à lui moins soutenu par la littérature antérieure. En effet, seuls Gott et al., (2004), ainsi que Tsai (2004), ont indiqué que l’évaluation (favorable ou non) que fait la répondante de la qualité de la relation thérapeutique qu’elle a avec le patient est un thème potentiellement lié à l’intention comportementale d’initier, auprès de lui, un enseignement à propos de la sexualité. Dans l’étude en cours, on pouvait distinguer les répondantes ayant une intention forte de celles ayant une intention faible par le fait qu’elles prévoyaient initier un enseignement portant sur la sexualité, même dans les cas où la relation thérapeutique avec le patient n’était pas très bonne. En d’autres termes, comme c’était le cas pour la croyance précédente, il semblerait que l’évaluation de la qualité de la relation thérapeutique était de moindre importance chez les répondantes ayant une intention forte.

Quant à la troisième croyance significativement liée à l’intention, il s’agissait de l’item 51 du questionnaire principal, soit l’item portant sur le sexe du patient (dans ce cas-ci, un homme). Dans cette étude, le fait que le patient soit un homme était une barrière suffisamment importante pour les répondantes ayant une intention faible, et permettait de les distinguer de celles ayant une intention forte. Ainsi, l’étude en cours a permis de soutenir la position selon laquelle le fait que le patient soit un homme détermine l’intention comportementale (Maes & Louis, 2011; Gott et al., 2004). Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que le rapport de cote de

55 cet item est le plus important. Or, rappelons qu’il n’a été inclus dans le questionnaire final qu’en raison de sa présence dans la littérature (jugée suffisamment importante), et non en raison des critères suggérés par Ajzen et Fishbein (1980) pour identifier les croyances saillantes modales. Ainsi, le fait que cet item soit significativement lié à l’intention comportementale, et ce, malgré le mécanisme utilisé pour l’inclure dans le questionnaire, suggère de se questionner, tel que proposé par Fishbein et Ajzen (2010), sur les meilleures façons d’identifier les croyances saillantes modales d’un échantillon donné.

En résumé, l’importance des croyances liées au contrôle mesurées dans cette étude étaient de trois ordres : liées aux caractéristiques (réelles ou perçues) du patient (âge, sexe, statut conjugal, comportement non- verbal, besoins d’informations à propos de la sexualité, qualité de la relation thérapeutique répondante- patient), liées au contexte de soins (intimité sur l’unité de soins), et liées à la répondante (connaissances, gêne). Il est intéressant de constater que les trois croyances statistiquement liées à l’intention et devant faire l’objet d’une éventuelle intervention visant à augmenter l’occurrence du comportement étaient toutes liées au patient. En effet, l’impression que la répondante se fait de son besoin, l’évaluation que se fait la répondante de la qualité de la relation thérapeutique qu’elle entretient avec lui, et son sexe, permettaient, dans cette étude, de discriminer les répondantes ayant une intention comportementale forte de celles ayant une intention comportementale faible. Aucune croyance totalement indépendante du patient (ex. : milieu de soins, connaissances, gêne, etc.) n’était liée à l’intention.