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Chapitre 5 : RÉSULTATS

6.5. Les limites de l’étude

Deux aspects de la méthodologie choisis dans cette étude limitent la portée des résultats obtenus, soit, premièrement, l’utilisation d’une mise en situation et, deuxièmement, la dispensation, par l’étudiant-chercheur, d’une mise à niveau des connaissances.

Expliquons plus en détails ces deux limitations. La première limite importante de cette étude provient de l’utilisation d’une mise en situation. Cette dernière impliquait un homme de 58 ans qui venait de subir un infarctus du myocarde, et auquel l’étudiante en sciences infirmières devait dispenser l’enseignement de départ. Les mesures concernaient l’intention de l’étudiante d’initier, auprès de ce patient précis, un enseignement portant sur la sexualité. L’utilisation d’une mise en situation avait été privilégiée, parce qu’il était raisonnable de croire que trop de caractéristiques du patient (notamment son genre, qui s’est avéré statistiquement significatif, mais également son âge, le contexte de soins, le contexte de santé, etc.) pouvaient influencer l’intention des répondantes. Sans un contexte précis, une trop faible consistance des réponses pour chacune des participantes, et des variabilités trop grandes entre chacune des participantes étaient à prévoir, chacune des répondantes étant alors libre d’imaginer le contexte auquel était liée chaque question. L’élaboration de la mise en situation avait été faite en tentant d’imaginer un contexte de soins le plus plausible possible, et auquel il était raisonnable de croire qu’une majorité d’étudiantes allaient être confrontées soit en stage, soit en début de pratique. Cette mise en situation se devait d’être facilement transposable dans des contextes de soins relativement semblables (ex. : chirurgie ou médecine). Évidemment, il est raisonnable de croire que l’intention d’initier un enseignement portant sur la sexualité, de même que les déterminants de cette intention auraient pu être différents, si la mise en situation avait porté sur un jeune de 19 ans qui consulte pour un dépistage des ITSS. Par contre, cette étude visait à mesurer l’intention comportementale des étudiantes en sciences infirmières d’initier un enseignement à propos de la sexualité dans un contexte le plus général possible, et non dans une pratique spécialisée où il était prévisible que le thème de la sexualité serait abordé de façon plus routinière (ex. : en prévention des ITSS).

C’est donc en pleine connaissance de cause que cette mise en situation avait été élaborée. Malgré tout cela, cette méthode empêche une généralisation catégorique des résultats. Rappelons par ailleurs que les

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croyances qui étaient significativement liées à l’intention étaient toutes en lien avec des caractéristiques du patient, ou, au moins, à l’évaluation qu’en faisaient les répondantes. Conséquemment, il est possible, voire probable, que l’intention des participantes aurait pu être différente s’il s’était agi d’une femme, d’une personne plus jeune ou plus vieille, ou encore d’une personne présentant une autre problématique de santé (ex. : chirurgie abdominale ou gynécologique, mastectomie, mise en place d’une stomie, chimiothérapie, problématique de santé mentale, grossesse / accouchement, etc.). Mais malgré cela, il semblerait que les répondantes qui avaient une intention forte d’initier l’enseignement portant sur la sexualité étaient plutôt celles qui ne tenaient pas compte des caractéristiques du patient. Ainsi, si des études ultérieures comparables (mais avec une mise en situation différente) venaient à confirmer cela, les interventions visant à modifier l’intention ne devraient pas tenir compte des caractéristiques des patients (que celles-ci soient réelles ou perçues), et elle devrait surtout amener les participantes à en faire de même, pour décider d’initier l’enseignement portant sur la sexualité.

La seconde limite de cette étude est d’une nature semblable à la première, et concerne la mise à niveau des connaissances dont ont bénéficié préalablement les répondantes. En effet, tel que discuté dans le chapitre « Méthode », le thème de la sexualité n’est pas abordé de façon formelle dans le cheminement académique des étudiantes en sciences infirmières à l’université où s’est déroulée l’étude. Dans ce contexte, il était prévisible que l’administration d’un questionnaire à ce sujet, sans avoir préalablement formé les étudiantes à aborder le thème de la sexualité avec leurs patients, soit perçue de façon incohérente et inconsistante par les répondantes. En effet, si l’étude avait porté sur un comportement professionnel connu des étudiantes (ex. : le lavage des mains), une mise à niveau des connaissances n’aurait pas été nécessaire. Toutefois, dans le cas qui nous occupe ici, même si les connaissances ne modifient pas nécessairement l’occurrence des comportements (quels qu’ils soient), elles demeurent toutefois un prérequis indispensable.

C’est en prenant cela en considération que l’élaboration d’une mise à niveau des connaissances a été envisagée. Cette formation, dispensée par l’étudiant-chercheur à l’ensemble des personnes inscrites au cours dans lequel s’est déroulée l’étude, était basée sur la même mise en situation qui était utilisée dans l’étude, et portait sur les connaissances théoriques en lien avec la reprise des activités sexuelles après un infarctus du myocarde, ainsi que sur les connaissances relatives aux stratégies à employer pour aborder ce sujet avec le patient fictif. Il ne peut évidemment pas être exclu que cette formation ait eu un rôle à jouer dans l’intention comportementale des étudiantes. Ainsi, même si le plan de cette formation ne portait que sur des connaissances théoriques et sur un modèle pour aborder le thème de la sexualité, il n’était pas possible, pour l’étudiant-chercheur qui dispensait cette formation, d’éviter d’en teinter le contenu de son expérience professionnelle d’infirmier en santé sexuelle, de même que d’éviter les questions des étudiantes qui sortaient de ce cadre. Il demeure toutefois important de rappeler que, malgré tout cela, moins de 20% des répondantes

59 ayant participé à l’étude (et ayant donc suivi la mise à niveau des connaissances) avaient une intention forte ou très forte d’adopter le comportement. Pour ces personnes, de même que pour celles qui avaient une intention plus modérée, voire faible ou très faible, il n’est pas possible d’identifier si des variables incontrôlables (ex. : le style d’apprentissage des étudiantes, le style d’enseignement dispensé par l’étudiant- chercheur, etc.) ont pu jouer un rôle dans l’intention comportementale. Ainsi, il n’est pas impossible que la même recherche, menée auprès d’autres individus tirés de la même population, et menée par un autre chercheur, ait pu dégager des résultats différents.

Mentionnons au passage que le seul fait de prendre une mesure des cognitions associées à ce comportement a pu avoir un effet (positif) sur l’intention comportementale. En effet, ce mere-measurement effect a été documenté chez des personnes présentant un surpoids, en regard du temps consacré à l’activité physique (Godin, Bélanger-Gravel, Amireault, Vohl & Pérusse, 2011). Dans leur étude, ces auteurs ont démontré que le seul fait d’avoir administré un questionnaire portant sur les cognitions (dans ce cas-ci élaboré selon la TCP, donc mesurant toutes les variables mesurées ici, sauf l’identité personnelle et la croyance en l’existence de rôles sociaux) plutôt qu’un questionnaire portant sur la consommation de fruits et légumes avait entrainé, dans le groupe expérimental, une différence significative dans le niveau d’activité physique trois mois après la passation du test. Conséquemment, dans l’étude en cours, il est raisonnable de croire que, sans le mere-

measurement effect, c’est probablement moins de 20% des participantes qui auraient eu une intention forte ou

très forte d’adopter le comportement. Et bien qu’il s’agisse là d’un biais potentiellement non négligeable, celui- ci souligne encore davantage l’importance de s’attarder à comprendre les cognitions impliquées dans l’adoption de comportements professionnels. En effet, si le comportement à l’étude a fait l’objet d’une formation et d’une collecte de données, et que seules 20% des participantes ont eu l’intention d’adopter ce comportement, que pouvons-nous espérer quant à l’adoption de comportement professionnel ne faisant pas l’objet de recherches?