Perception des acteurs en environnement sur la variabilité climatique à São Paulo

Les personnes ressources interrogées lors de l’enquête terrain perçoivent, comme premières manifestations de la variabilité climatique à São Paulo, l’effet des îlots de chaleur urbains. Dix répondants confirment la gravité de ce phénomène dans la région métropolitaine. Deux fonctionnaires, soit Júlio Lima et Renaldo Vasquez, rapportent d’ailleurs une étude scientifique démontrant que la différence de température entre le centre de São Paulo, fortement urbanisé et à circulation intense, et la périphérie moins densément peuplée et plus arborisée peut atteindre 10 degrés Celsius (Panizza, 2015). Une recherche réalisée sur le territoire de la municipalité de Guarulhos, au nord-est de celle de São Paulo, démontre aussi que la sensation thermique peut surpasser de 10 degrés Celsius la température enregistrée pendant les journées les plus chaudes de l’année (Pagina 22, 2009).

Les pluies extrêmes et le ruissellement de surface massif qui en découle sont également perçus par huit acteurs en environnement comme étant un problème de variabilité climatique de taille, particulière en raison de l’inadaptation des infrastructures de canalisation et de drainage et de l’occupation irrégulière des berges.

La sècheresse ou l’étiage prolongé semblent perçus par les répondants comme des phénomènes moins fréquents, mais très surprenants pour la région métropolitaine reconnue comme ayant un climat plutôt humide. Six répondants sont d’avis que des périodes d’étiage telles que celle survenue de 2013 à 2015 sont des phénomènes causés par la variabilité climatique qui seront de plus en plus fréquents dans les prochaines décennies et qu’elles sont effectivement menaçantes pour la région métropolitaine.

La brusque alternance entre les conditions climatiques sèches et pluvieuses est aussi soulevée par cinq des acteurs en environnement. Selon eux, cette alternance est observable sur l’échelle temporelle, alors que d’une journée à l’autre, des pluies torrentielles peuvent survenir et causer d’importantes inondations, mais également sur l’échelle géographique, alors que différents secteurs de la métropole peuvent connaitre des conditions météorologiques divergentes.

Finalement, il est possible de constater que la majorité des répondants, soit neuf personnes, attribue en grande partie la variabilité climatique locale à la manière dont le territoire est occupé, bien qu’ils croient en une part d’aggravation par les changements climatiques globaux. Les réponses des répondants présentent l’imperméabilisation des sols et l’occupation urbaine intensive du territoire, dont les plaines inondables, comme facteurs favorisant l’apparition des effets de la variabilité climatique dans le quotidien des citadins. Penha, de la FABHAT, affirme de ce fait que : « Le problème climatique global dans la région métropolitaine est marginal par rapport aux problèmes climatiques locaux, mais pas moins important »107_{. Il demeure que selon Paulo Jacome, la variabilité climatique est un} phénomène qui se configure comme quelque chose de plus clair et notable dans l’esprit des citadins chaque fois que survient un évènement extrême.

5.4.5 Conclusion de chapitre

La Politique de l’État sur les changements climatiques et la Politique municipale des changements climatiques de São Paulo présentent des programmes qui supposent une bonne maîtrise de la gestion du risque lié à la variabilité du climat par le gouvernement. Pourtant, tous les acteurs participant à l’enquête ont déploré la fragile, voire absente, considération de la gestion du risque lié à la variabilité climatique au sein des processus de planification environnementale et hydrique de la région métropolitaine. Les conflits d’intérêts opposant l’économie à l’environnement, la stagnation de l’ingénierie urbaine et la prolifération de l’occupation irrégulière clandestine furent entre autres cités comme des freins à l’adaptation à la variabilité climatique. Les retards de la production de connaissances sur les répercussions de la variabilité climatique à São Paulo, le manque de transversalité des études sur le sujet et

107 _{« O problema climático global na RMSP é marginal em relação aos problemas climáticos locais, porém}

l’important écart entre la production de connaissances par les milieux scientifiques et la considération politique furent également soulevés comme des facteurs expliquant la faiblesse de la gestion du risque. La réticence à l’introduction d’une gestion préventive, s’appliquant à une échelle de temps long, est un problème. Considérer les projections climatiques est primordial à une gestion efficace de l’eau. Bien que les séries historiques puissent révéler des éléments importants pour la planification, l’adaptation aux changements climatiques implique une considération de l’absence de stationnarité des évènements météorologiques. Ainsi, la mise sur pied d’une gestion du risque, impliquant des scénarios climatiques et des outils de prévision des étiages et des crues-éclair et des alertes diffusées à la population lors d’inondations imminentes, est essentielle à la sécurité publique et au développement durable de la métropole (Ouranos, 2015). En cas de pénurie de précipitation, la ville pourrait, entre autres, mieux se préparer à une réduction de la disponibilité en eau et gérer efficacement la distribution aux utilisateurs prioritaires.

La manière dont sont perçus les effets de la variabilité climatique à São Paulo montre que les fonctionnaires et les activistes sont conscients de l’impact de l’occupation du sol sur l’existence et la gravité des évènements climatiques extrême les affectant. Cela porte à croire qu’ils comprennent l’influence que pourraient avoir des actions efficaces de verdissement et de perméabilisation du milieu urbain sur la gestion du risque climatique et, par conséquent, la qualité de vie des citadins.

5.5 La gouvernance environnementale : système de prise de décision et politiques