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2.3.1. Le rôle du service public audiovisuel en Suisse

Notre corpus est essentiellement basé sur la production journalistique du service public suisse. Il convient donc de rappeler son rôle et son fonctionnement. Par définition, un service public « regroupe d’une manière générale toutes les activités ayant pour but d’être au service de la société. Il vise la satisfaction de certains besoins de la collectivité nationale dans une perspective d’intérêt général » (Badillo, 2016, p.

11). En somme, sa fonction est donc à la fois utilitaire et sociale. En Suisse, il existe un service public audio-visuel : la SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision).

Il s’agit d’une association à but non lucratif, divisées en quatre sociétés régionales, qui correspondent aux quatre régions linguistiques du pays (allemand, français, italien et romanche). Elle est contrôlée par la Confédération, puisque son activité est régie par la Constitution Fédérale, la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) ainsi que sur la concession, accordée par la Confédération. De plus, elle est soumise à la surveillance de l’office fédéral de la communication pour l’aspect administratif et financier3.

3 Informations à retrouver sur le site internet de RTS, onglet « qu’est-ce que la RTS » : https://www.rts.ch/entreprise/a-propos/8969475-qu-est-ce-que-la-rts-.html

La commission fédérale des médias (COFEM) donne la définition suivante du service public :

« La radiodiffusion publique se base sur un mandat de prestations (concession), qui répond aux objectifs étatiques et sociaux de la Suisse. Elle doit informer, divertir, contribuer à la formation et au développement culturel ainsi qu’à la cohésion du pays. Elle remplit des fonctions de sensibilisation et d’intégration qui lui sont attribuées par le biais de contributions dans les domaines de l’information, de la culture, du divertissement et de la formation. Le programme doit présenter une diversité éditoriale suffisante et s’adresser à tous les habitants du pays, dans toutes les régions linguistiques. Le respect de ce mandat et soumis au contrôle social.

(Commission fédérale des médias, 2015, p.4). »

Deux points nous paraissent particulièrement importants au regard des analyses qui vont suivre. Il s’agit tout d’abord du premier devoir cité : celui de l’information. Dans un contexte comme celui d’une menace d’attentat, la SSR se doit donc d’informer la population sur l’évolution des événements. Le deuxième point fondamental est celui concernant la présentation d’une « diversité éditoriale suffisante ». La mission du service public est donc entre autres de veiller à varier les sujets et les points de vue.

La RTS définit elle-même son rôle de la manière suivante :

« Les médias de la SSR ont une mission d’information, de divertissement et d’éducation. Les émissions répondent aux attentes de la majorité comme des minorités. Qualité, pertinence et diversité caractérisent les chaînes de la SSR, qui se démarquent ainsi des chaînes privées ou étrangères. »4

Dans leur ouvrage, Badillo et Bourgeois notent encore que :

« La SSR diffuse beaucoup de programmes d’informations et est perçue par les utilisateurs comme un média de qualité, en particulier en ce qui concerne le professionnalisme informatif. Les chaînes de télévisions privées suisses sont davantage orientées vers le local-régional. » (Badillo et Bourgeois, 2016, p.45).

2.3.2. Le journalisme local

Afin d’examiner notre quatrième hypothèse, nous nous pencherons également sur du contenu journalistique produit par des médias locaux (Léman Bleu et la Tribune de Genève). Les journaliste appelés « localiers » sont caractérisés par une visibilité sociale dans une communauté fondée sur des liens de proximité (Pélissier, 2002).

Gerbeau explique que « le premier devoir du journaliste de presse locale est d’informer, de dire à ses lecteurs ce qui se passe, d’abord autour de lui ensuite en France et dans le monde ». (Gerbeau, 1996).

La presse locale a une très longue histoire derrière elle. La Tribune de Genève que nous étudierons au cours de ce travail a été fondée au siècle dernier, en 1879, sans jamais cesser d’exister. Nombreux de ces médias sont ancrés depuis des années dans la culture d’une région, ce qui leur confère un statut particulier. Nielsen souligne que

Ainsi qu’à l’onglet « qu’est-ce qu’un média de service public ? » : https://www.rts.ch/entreprise/notre-role/9051773-qu-est-ce-qu-un-media-de-service-public-.html

4 Informations à retrouver sur le site internet de RTS, onglet « Qu’est-ce que la RTS » : https://www.rts.ch/entreprise/a-propos/8969475-qu-est-ce-que-la-rts-.html

pendant plus d’un siècle, les journaux locaux étaient pris pour acquis. Des petits villages au grandes villes, chacun pouvait avoir accès à un média faisant partie intégrale de la vie de la communauté. (Nielsen, 2015). Dans la société, deux visions contradictoires du journalisme local ont tendance à circuler. Pour certains, ce sont des médias souvent superficiels et très influencés par les publicitaires locaux. Mais pour d’autre, c’est aussi quelque chose d’extrêmement important. Leur rôle est en effet de donner des informations sur les affaires publiques locales, d’être une sorte de forum pour lancer des discussions et de relier les communautés ensembles (Ibid.). Nielsen souligne que finalement, la réalité du journalisme local se situe peut-être entre les deux :

« It is because it is important and imperfect that we (…) should try to understand local journalism, how it operates, what its consequences are, and where it is heading. The first thing to recognise is that local journalism, like journalism more generally, is changing today as part of a wider structural transformation of our media environment, driven in large part by the rise of digital media. » (Ibid.).

Il est vrai que ces dernières années, la révolution numérique et la crise de la presse écrite ont frappé les journaux de plein fouet. Les médias locaux ayant souvent un budget relativement restreint, peu de forces peuvent être injectées dans la transition digitale (bien que les budgets d’acquisition de matériel relatif à la transition numérique soient lourd pour les autres types de médias également). En Suisse, les exemples sont nombreux. Sur la Riviera par exemple, le journal Le Régional, distribué gratuitement chaque semaine, n’a presque aucune présence sur les réseaux sociaux. D’autres titres en revanche, comme Le Matin.ch, ont éliminé le papier en se tournant vers des modèles web first.

De nombreux experts s’accordent à dire que l’avenir du journalisme local est incertain.

Sa production coûte cher. Le business model sur lequel ces médias sont généralement basés subit un fort déclin des investissements publicitaires. Dans de nombreux journaux locaux, les nouvelles offres digitales n’arrivent pas à combler les pertes au niveau du print (Nielsen, 2015). Les chaînes de radios et de télévisions locales ont en revanche généralement un peu moins de peine à s’en sortir :

« While broadcasting has so far weathered the digital transition better as business, both radio and television are more often organised regionaly than locally, and in any case they typically make at best limited investments on local journalism. » (Op. cit : 3).

Nielsen souligne également que de manière générale dans le monde, les médias services publics ont moins de problèmes financiers. Ils produisent revanche plutôt des nouvelles régionales que locales (Nielsen, 2015) et ne pourraient donc pas se substituer aux médias locaux. En Suisse, certaines chaînes de télévision locales bénéficient d’une partie de la redevance du service public. C’est notamment le cas de Léman Bleu que nous étudierons au cours de ce travail. La presse suisse, en revanche, ne bénéficie d’aucune subvention de la Confédération. En nous penchant sur les productions de la RTS, de Léman Bleu et de La Tribune de Genève, nous étudierons ainsi trois médias bien ancrés dans le paysage médiatique suisse, mais chacun pourvu d’un modèle d’affaire et de sources de financement différentes. Notre analyse comparative devra donc se faire à la lumière de ces considérations économiques, politiques et structurelles.

3. Corpus