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Le paysage et l’identité montreusienne

Durant la première phase de la trajectoire de Montreux, les séjours individuels d’agrément étaient prépondérants : l’attractivité de la station tenait aux pratiques touristiques possibles dans la station (chemins de fer d’altitude, cures, divertissements, etc.) et surtout dans la combinaison de ces dernières, le tout dans un environnement paysager qui avait en premier lieu permis au territoire de générer des revenus basiques (grâce à sa dimension signifiante). La phase de métamorphose est marquée par la mobilisation de la connaissance signifiante qu’est le paysage comme valeur ajoutée à d’autres desseins. L’argument de vente principal pour les congrès reste le paysage, qui donne un relief signifiant aux attributs fonctionnels que sont la capacité d’hébergement, les salles de réunion, l’accessibilité, etc. Au-delà des pratiques, le cadre dans lequel elles prennent place tient son importance ; c’est ce qui fait la valeur ajoutée de Montreux par rapport à la concurrence : une clientèle intéressée par les seules fonctions urbaines – c’est-à-dire les propriétés fonctionnelles – n’opère pas le même type de choix en termes de rationalité. Cette clientèle elle veut faire, mais aussi être dans un lieu signifiant agréable à vivre.

Comme on le voit avec le résultat d’une enquête datant de 1950 (Figure 60) – qui illustre par ailleurs l’intention des acteurs du système de production à cerner les intérêts des touristes –, divertissements et culture se combinent aux aspects « sociabilitaires » et paysagers. Comme la propagande, les dimensions signifiantes du paysage sont un moyen d’influencer le capital de manière endogène, et demandent peu d’investissement en comparaison d’une stratégie de focalisation sur les « pratiques » au sens fonctionnel, mais nécessitent une gestion sur le long terme. La situation

193 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour les années 1991 et 1993, Mtx 1991 et 1993, Archives de Montreux

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paysagère est de fait une propriété territoriale exclusive. Et, dans cette dynamique, associée au paysage, la question de « l’authenticité » est fondamentale.

Dans ce sens, la dynamique de connaissances durant cette période tient de fait dans la modernité des infrastructures d’agrément dites « standard » (salles de bains, salles de conférences, télécommunications), dans l’exclusivité des pratiques proposées du moins au début de la période (aviation, spectacles, concerts), ainsi que dans « l’authenticité » du lieu. Ce aspect-ci des dynamiques de connaissances est particulièrement complexe, car cette « authenticité » consiste en une construction sociale, mobilisant diverses dimensions du patrimoine local, combinaison à dimensions multiples selon la manière dont elle est ensuite interprétée – expérimentée – par les touristes. La question de l’authenticité concerne ainsi le tourisme en ce qu’elle est valorisée d’une certaine manière par les différentes clientèles, grâce aux Montreusiens mais aussi pour ces derniers d’un point de vue identitaire. Le caractère multidimensionnel de l’identité (marketing) de la station se trouve ainsi dans les supports et événements destinés aux touristes, mais également dans les discours des acteurs locaux destinés aux montreusiens. On prend ici l’exemple des discours tenus et actions menées à l’occasion du centième anniversaire du tourisme montreusien, relaté dans la presse à diverses reprises (Argenton, 1950; Burnand, 1950a; J. Ecuyer, 1950a ; Ecuyer, 1950b), ainsi que dans un numéro spécial du Journal de Montreux194. Cet exemple se situe historiquement à un tournant dans la trajectoire de Montreux, mais on retrouve cette dualité dans la plupart des récits montreusiens tout au long de la période, par exemple Bettex (1913); Rambert (1877 [1989]). La métamorphose au regard de ce critère se donne à voir en ce qu’il ne sert plus uniquement des activités de séjour d’agrément, mais d’autres moyens de générer du revenu basique.

Le centenaire du tourisme montreusien est un événement intéressant d’une part par son envergure (il comporte une exposition au casino, un grand cortège, de multiples fêtes tout au long de l’été), mais aussi parce qu’il est l’occasion pour les acteurs du système territorial d’émettre un discours sur leur propre territoire, c’est-à-dire de constituer un récit qui les concerne de manière collective. Or, contrairement à des jubilés locaux traditionnels, les actions et discours sont également prononcés à l’intention des touristes, parce que Montreux est une station touristique. Cette dualité se retrouve d’ailleurs en premier lieu entre le titre de la publication spéciale du journal de Montreux (« 1850-1950. Cent ans de vie montreusienne ») et le contenu de la publication (reportages, commentaires et hommages) qui insistent non seulement sur la dimension touristique de l’identité montreusienne, mais sur « l’authenticité » traditionnelle de Montreux, c’est-à-dire ses personnages historiques et ses dimensions rurales antérieures à 1850. A l’attention des touristes, et dans le même temps des Montreusiens, les rédacteurs locaux affirment ainsi une identité duale, une « vie montreusienne » qui remonte à 1850, mais aussi une existence plus historique encore. Comme on le constate dans le poème qui suit, la ville-station est personnifiée, louée dans son identité binaire et priée de garder cet équilibre :

194 1850-1950. Cent ans de vie montreusienne. Numéro spécial du « Journal de Montreux » du 15 juillet 1950, Montreux.

Figure 60. Illustration parue dans le numéro spécial du Journal de

Montreux, le 15 juillet

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« A toi Montreux, étoile du tourisme

Plus s’allonge le nombre de tes années et plus s’accroissent ta grandeur, ta grâce et ta beauté.

Os de nos os, chair de notre chair, tes racines plongent au plus profond de nos traditions.

Nous sommes fiers de toi.

Puisses-tu, dans l’éclat croissant de ton règne, ne jamais renier tes origines. »195

En une du numéro spécial, le conseiller d’Etat Edmond Jaquet196 rend hommage à la centenaire et détaille le « miracle montreusien », qui, à l’image du « miracle suisse » [touristique] tient dans le « courage » et l’esprit « d’initiative » des Montreusiens, mais aussi dans la « coexistence harmonieuse de ceux qui restèrent fidèles à une terre ingrate aux côtés de ceux qui se vouèrent à des destinées plus internationale », en d’autres termes une « interpénétration de la ville et de la campagne ». Aux origines du tourisme à Montreux, le tourisme apparait donc rétrospectivement aux acteurs comme une modernité, un renouveau, par rapport aux modes de vie et de subsistance ancestraux. Il consiste également en une dualité, puisqu’il incarne la modernité mais aussi une tradition, puisque qu’il est question du centenaire de cette activité. Ainsi dans ces discours – et dans les mises en scène de l’histoire montreusienne, dans l’exposition mais aussi à l’occasion du cortège – ce sont ces différentes facettes de « l’authenticité » qui sont mobilisées, que l’on dénomme ici authenticité rurale et authenticité touristique.

En premier lieu, l’authenticité rurale consiste en la combinaison des représentations de la production paysanne et agricole (y compris la viticulture, et de manière plus anecdotique la culture des noix), ainsi que de la pratique du patois, « trésor culturel ». Est concerné également par cette catégorie le paysage montreusien. Comme on l’a noté plus haut à différentes reprises, c’est le regard qu’ont porté les premiers visiteurs à ce paysage qui a permis la génération d’un revenu basique, une valeur d’échange basée sur une connaissance signifiante. Cette dynamique a eu lieu à l’époque dans tout l’arc alpin, à commencer par les premiers hauts lieux du tourisme, comme Chamonix ou Grindelwald (ou les « glacières » n’étaient plus perçues comme des dangers potentiels mais des sources d’expériences étourdissantes, et donc de revenu). A Montreux le paysage se distingue non par la prédominance d’un élément naturel exceptionnel (comme un glacier), mais par la combinaison des diverses dimensions de l’authenticité rurale. Le lac et les montagnes à l’horizon (de l’autre côté du lac) y tiennent une certaine importance197, mais sont harmonieusement complétées par le climat (doux), les montagnes en contrefort (les belvédères, les sommets, les cascades, les champs de narcisses), la paysannerie de montagne (les chalets), la viticulture, la pêche, et l’attachement des montreusiens – malgré l’urbanisation – à l’esprit des « cellules villageoises primitives »198. Dans ce sens, les journalistes soulignent ces héritages locaux, démarche qui du point de vue des dynamiques

195 1850-1950. Cent ans de vie montreusienne. Numéro spécial du « Journal de Montreux » du 15 juillet 1950, Montreux.

196 Montreusien, ancien conseiller communal (1926-1931), municipal (1931-1945) et syndic du Châtelard (1942-1945), débuté libéral au Grand Conseil vaudois (1931-1945) et conseiller d’Etat (1945-1958, Justice et police, instruction publique) (Kleisl, 2007)

197 « Au fond du cœur, il [le touriste arrivé de nuit à Montreux, qui se rend au matin à la fenêtre de sa chambre] a ressenti comme un choc. Car à l’éblouissement du soleil miroitant sur le lac a succédé la vision de quelque chose d’indéfinissable, de trop grand pour être décrit. Cette sorte d’immense fresque, faite de ciel, de rochers, d’eau, de verdure dépasse ses capacités d’enregistrement visuel. » (Chavannaz, 1950)

198 « […] C’est à ce phénomène original que Montreux doit d’avoir gardé un esprit bien à elle en dépit de son activité essentiellement internationale. Et c’est là ce qui fait l’un de ses charmes. » (Burnand, 1950b)

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de connaissances consiste à les mobiliser pour en faire une ressource touristique. Un équilibre se construit entre Montreux l’ancestrale et Montreux la station, de sorte que considérer Montreux comme une cité « artificielle » est une « erreur » (Ecuyer, 1950b). En dépit des touristes donc, les acteurs soulignent la vivacité de l’authenticité rurale montreusienne, cependant que le tourisme a lui-même contribué à la vivacité de cette authenticité ; elles sont indissociables.

En ce qui concerne l’authenticité touristique, elle est revendiquée comme une tradition montreusienne, parfois au même titre que l’authenticité rurale. Des « traditions typiquement du terroir » (Michel, 1950) (la Noble Abbaye des Echarpes blanches, les chœurs, les groupes de musiciens, le marché, les foires aux bestiaux) s’accompagnent de traditions « plus récentes », notamment la Fête des narcisses, événement créé

pour les étrangers devenu une fête populaire. Est comprise en tant que tradition récente également le statut de Montreux « ville de congrès ». L’authenticité touristique se marie ainsi de fait avec l’authenticité rurale, d’une part parce que ces « traditions » ne datent pas de la même époque (avant et après l’apparition du tourisme), et d’autre part parce que c’est le tourisme qui a révélé – et maintenu – les dimensions de l’authenticité rurale. La tradition vigneronne n’est que plus « authentique » par exemple lorsqu’elle est évoquée au travers de la Vigneronne de Montreux peinte par Courbet. Le

paysage pittoresque l’est d’autant plus car c’est celui qui a permis l’essor de la « littérature pittoresque » par Rousseau. Il en va de même des personnages historiques montreusiens dont l’existence date d’avant le XIXème siècle, qui parce qu’ils ont été interprétés par les différents touristes, développent eux-mêmes une double histoire, une double identité. Ainsi par exemple le cas de François Bonivard, dont on présente aux lecteurs du journal la « vraie » (Michel, 1950) identité, tout en soulignant que c’est bien Byron et le caractère romantique de son personnage qui le fait exister en tant que figure « authentique ». Cet exemple montre la complexité des connaissances des acteurs du système territorial : les locaux sont invités à savoir distinguer le vrai Bonivard, celui de « l’histoire » (un patriote genevois de bonne famille199, devenu « la terreur du pays de Savoie », enfermé dans un « cachot de luxe » après avoir occupé pendant deux années la chambre voisine de celle du gouverneur, et qui mourut dans l’anonymat à Genève après de multiples et rocambolesques tribulations conjugales), du faux, celui de la « légende », c’est-à-dire celui de Byron (« malheureux martyr de sa religion, luttant pour le Dieu de sa foi, prêt à subir la mort, plutôt que de renier ses croyances », et enchaîné à une colonne dans un cachot lugubre). Cependant, la connaissance ne s’arrête pas à la distinction du vrai et du faux, mais concerne le savoir-faire de la mise en scène du faux en tant que vrai, et de la conscience du fait que le vrai n’existe d’une certaine manière que par le faux : légende et histoire se confondent, car c’est bien dans les représentations qui permettent le vécu expérientiel du lieu que se crée la valeur. « L’authenticité » doit être donc comprise ici comme

199 Le récit « historique » des faits n’empêche pas ici l’auteur de procéder à ce que l’on peut interpréter comme une « authentification » du caractère romantique du « vrai » Bonivard : « On peut facilement se l’imaginer comme un joyeux compagnon, la plume au chapeau, l’épée au côté, toujours prêt à se joindre à un coup de main contre les gens de Savoie. » (Michel, 1950).

Figure 61. The Prisoner of Chillon par Eugène Delacroix. Source : www.art-wallpaper.com

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une reconstruction sociale en tout temps, confondant des éléments historiques avérés, des modes de vie ancestraux devenus traditions, tout comme le territoire géographique devenu paysage. De la même manière que les faits « historiques » et « légendaires » se confondent, l’analyse ne rend pas compte d’un binôme hermétique que serait « l’identité authentique » d’un lieu et sa construction marketing, car c’est de cette convergence-même que dépend la valeur expérientielle commune, des habitants comme des touristes, et conséquemment la valeur économique qui en résulte. Dans 100 ans de vie montreusienne, c’est de cette combinaison de connaissances et de mise en scène dont il est question, autrement dit d’une forme de vie économique dont ont revendique le caractère innovant à l’époque, et désormais « traditionnel ». C’est une caractéristique socio-économique particulière de Montreux pour l’époque, car le contexte historique dans lequel prend place cette dynamique complexe est alors catégorisé de manière différente, binaire. Par exemple, évoquer « l’industrie » en tant que secteur appelle de toutes autres représentations que celles qui se donnent à voir à Montreux. Non seulement le tourisme n’est pas considéré comme une « industrie », mais il imprègne de ses dimensions « authentiques » les activités économiques qui sont considérées comme industrielles. Les propos de Jean Ecuyer (1950a) illustrent clairement cet état d’esprit :

« […] Fait qui mérite d’être signalé à qui ne connaît pas bien Montreux : les industries qui y existent ne portent en rien préjudice à l’agrément et à la beauté de notre région. A Montreux, pas de grandes cheminées crachant une fumée noire et nauséabonde ; pas d’ateliers dont le bruit pourrait gêner le voisinage ; pas de bâtiment industriel aux façades noircies ou entouré d’amas de ferraille ou de matières premières. L’industrie locale200 « respecte » le tourisme. Elle est « muette », et discrète. Et ceux qui, actuellement encore, cherchent à faire venir chez nous de nouvelles industries, pour consolider le fond de l’économie locale, tiennent compte de ces exigences. […] »

« L’exigence » dont parle ci-dessus Jean Ecuyer est en somme le profil du système territorial ; à dominante présentielle plutôt qu’à dominante productive industrielle classique. La vocation « industrielle » de Montreux, au sens commun du terme à cette époque, est de fait contrariée par la morphologie du territoire, qui laisse peu de place à l’installation de « grandes cheminées crachant une fumée noire et nauséabonde ». Au-delà des représentations qui nous apparaissent comme caricaturales, les acteurs du système territorial définissent la stratégie de croissance de Montreux au sortir de la guerre par défaut d’autres possibilités, qui réussissent à de nombreuses communes suisses201. En outre « reste la perspective d’attirer des résidents, ce qui devrait être étudié avec soin, étant donnée la forte attraction que peut exercer sur les résidents étrangers le régime fiscal de faveur qui leur est accordé chez nous. »202 On verra au point 2.4.2.4 que cette stratégie de développement résidentiel va finir par être clairement mise en œuvre. Les réflexions allant dans ce sens avaient cependant déjà et lieu durant les années 1960.

200 Les « industries » dont il est question sont en 1950 : une fabrique de chocolat, un atelier de cartonnage, une fabrique d’argenterie, plusieurs imprimeries, une fabrique de produits chimiques et pharmaceutiques, et moult ateliers de mécanique de précision, entreprises artisanales, entreprises de construction.

201 Il faut également noter un coup dur pour « l’industrie » locale en 1951, avec le licenciement de quarante personnes dans l’industrie chocolatière. Ainsi le tourisme, et plus précisément les congrès, apparaissent comme la seule solution significative pour l’avenir économique de la ville de Montreux. (Rapport de gestion de la commune du Châtelard pour l’année 1951, AA 33/4 Chd 1951, Archives de Montreux).

202PV de la séance de la commission plénière pour la modernisation de l’équipement touristique montreusien du 8 avril 1963, Cercle S1/1-2 Fondation pour l’équipement touristique de Montreux 1948-1960, Archives de Montreux.

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Formellement, à partir des années 1970 la défense de l’héritage industriel de Montreux se dessine, notamment via la création en 1972 de l’Association pour la protection des sites montreusiens. Ce mouvement est particulièrement concerné par le sort du Marché couvert, qui se joue entre 1964 et 1982 (König, 1992). Construit en 1891 grâce à Henri Nestlé203, il avait suscité des critiques dès 1896. 36 projets de rénovation se sont succédés depuis sa construction, et il échappe à la démolition en 1960. La question est alors de rendre cet espace plus

productif, c’est-à-dire de déplacer le marché (agriculteurs, horticulteurs et commerçants) le long du lac pour laisser la place à une structure « moderne ». Mais les habitants refusent par référendum sa démolition, soutenant ici les professionnels pré-cités. Bien qu’il soit dans un état de quasi délabrement, le bâtiment reste alors en place, et 15 nouveaux projets se succèdent jusqu’en 1982. C’est durant ce laps de temps que la valeur patrimoniale du bâtiment fait surface, notamment grâce aux interventions de Messieurs Gilles Barbey et Jacques Gubler. Professeurs

à l’EPFL, ils sont ceux qui viennent ancrer cette nouvelle dimension de la connaissance, créant le débat notamment au travers de leurs publications (dans des revues d’architecture). Ce questionnement est repris par la presse locale (citée par König (1992)), L’Est vaudois s’interrogeant : « Le Marché Couvert monument historique ?». Le changement de regard sur ce bâtiment s’observe notamment via les nouvelles adhésions à l’association de 1972, dont celles de certains qui se prononçaient pour la démolition du Marché couvert en 1960. Les membres de l’association pour sa sauvegarde s’inspirent également d’autres expériences, notamment celles du Pavillon Baltard. Un voyage à Nogent-sur-Marne est organisé à cet effet en 1982.

En 1977, une autre association est créée, « Sauvez Montreux », par l’activiste Franz Weber. Il s’agit alors de sauver non seulement le Marché couvert, mais aussi les villas Dubochet, l’hôtel Continental, ainsi que la propriété « La Pelouse » (Debraine, 1993). A l’époque, le destin du Continental est encore dans les mains de la commune, et en passe d’être vendu. Weber s’implique pour éviter la démolition du bâtiment, qui a tout de même lieu en 1982204. A partir de 1978, la commune est en revanche favorable à la restauration du Marché couvert, qui finit par être restauré en 1988. Entre-temps, la population locale a également eu le temps de s’attacher au bâtiment, notamment à l’occasion du spectacle « Lo scex que plliau ». L’histoire raconte le « rocher qui pleure », une légende locale205 qui constituait un motif d’excursion pour les touristes durant la Belle-Epoque. Du point de vue des connaissances, on constate à travers cet événement que c’est l’ensemble de la population montreusienne qui ancre des dimensions patrimoniales révélées par l’industrie touristique. On peut y voir la concrétisation de l’encastrement de l’identité touristique locale dans la population, c’est-à-dire ses dimensions symboliques qui ne sont pas exclusivement destinées à la génération de revenus

203 Le mécène verse en effet CHF 80'000.- pour cette construction (son coût total sera de CHF 86'000.-), et envisageait même à l’époque la création dans la structure d’une salle de conférence (König, 1992).

204 A noter également l’engagement de Claude Nobs contre la destruction de l’hôtel de Londres, qui sera finalement remplacé par un locatif (Entretien M. Ferla).

205 La légende raconte l’amour impossible de la jeune Joliette et d’Albert, fils du baron Grimoald. Ce dernier, les surprenant au Scex, jure que son fils n’épousera la pauvre paysanne que si le rocher se met à pleurer : ce qui arriva et permis la noce. Une fresque racontant la légende a été peinte sur la façade du restaurant de Chaulin par Alexandre Guhl en 1929.

Figure 62. Le Marché couvert. Source: www.montreuxriviera.com

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basiques, mais également locaux. Fonctionnellement parlant, la rénovation va également dans le sens de cette dualité, avec la réalisation d’un parking, qui sert autant les externes que les locaux.