• Aucun résultat trouvé

Les activités présentielles classiques

B. Développement de l’excursionnisme et de la consommation locale de biens et services

2.4.1. Les activités présentielles classiques

Durant la première partie de sa phase de métamorphose, le système territorial tel qu’il se présente alors, soit avec un profil concret (infrastructure) et symbolique (représentations de ce système, notamment via les médias) propre au séjour d’agrément va d’abord bénéficier d’une excellente conjoncture. Dans les communes on parle en 1964123 par exemple d’activité « intense » dans les domaines touristique, commercial, industriel et de la construction124. Cette année-là reste par ailleurs exceptionnelle en raison de l’organisation de l’exposition nationale de Lausanne, qui coïncide avec l’ouverture du tunnel routier du Saint-Bernard. Le nombre d’arrivées augmente de manière significative (en raison également du raccourcissement du temps de séjour, voir infra), mais la reprise s’illustre surtout par l’augmentation des nuitées, qui passent de 553'505 en 1946 à 802'139 en 1964125. En 1962, la fusion des communes de Planches et du Châtelard marque un tournant non seulement au niveau politique, mais également au niveau financier, avec la fin des problèmes d’endettement survenus dans les années 1930 (voir point 3.1.B.). De manière générale, la commune

123 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour l’année 1964, AA Mtx 1964, Archives de Montreux

124 En 1964, l’office du travail a contrôlé le chômage de 26 personnes.

95

bénéficie d’une croissance des revenus des impôts durant les années 1960, alors que la proportion de ces derniers reste importante dans le total des recettes communales (pour la nouvelle commune, 75% en 1962, 80% en 1963)126. Avec la fusion, les subventions à l’OT se trouvent unifiées, et comptabilisées de manière limpide. Au total, en 1962 les dépenses touristiques de la commune se montent à CHF 220'706.40.-. En 1969, elles sont de CHF 339'451.25.-.

Comme le note Tissot (2012, p. 35), la crise des années 1970 est une crise structurelle et conjoncturelle, « une rupture fondamentale non seulement dans la substance économique des sociétés, mais aussi dans la dimension idéologique qui la supporte ». Cette substance à Montreux va se métamorphoser au niveau des connaissances comme au niveau monétaire. Contrairement au tourisme suisse dans son ensemble, Montreux ne pourra que difficilement maintenir ses taux de fréquentation en comptant sur la clientèle suisse et la para-hôtellerie. De plus les « Trente nerveuses » (Tissot, 2012) vont se traduire dans les chiffres (Figure 40) par d’importantes différences selon les années, contrairement aux Trente glorieuses durant lesquelles la tendance allait systématiquement à la hausse. Par exemple, une récession conjoncturelle se fait sentir en 1974-76127, brutalement en 1974 avec une baisse des nuitées de 19,5% par rapport à l’année précédente, et de 4,25% en 1975. En 1977128, une reprise se dessine, avec une augmentation des arrivées et des nuitées (+8.82%), les recettes des impôts sur les personnes morales sont en augmentation, hausse soutenue également par l’arrivée de nouvelles entreprises. Mais en 1978 les chiffres du tourisme sont à nouveau à la baisse, avec -9.63% des nuitées.

Le système territorial subit également les conséquences des événements internationaux à la fin de la période, en 2001-2002 mais aussi en 1991, lorsqu’en raison de la Guerre du Golfe par exemple plusieurs congrès sont annulés (-34.5% de clientèle américaine), ou en 1992 en raison de la guerre en ex-Yougoslavie129. La production de biens et services présentiels de séjour subit donc certains effets exogènes ponctuels, accompagnés toujours par la force du franc. La chute du nombre de nuitées au niveau suisse durant la première partie des années 1990 (300'000 de moins par rapport à 1994 sur le premier trimestre, soit -15%) est d’ailleurs interprétée comme une introduction de la TVA, ce qui va mener les hôteliers à obtenir une baisse de cette taxe (Zendali, 1995).

126 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour les années 1962 et 1963, AA Mtx 1962-1963, Archives de Montreux.

127 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour les années 1974, 1975 et 1976, AA Mtx 1974 - 1976, Archives de Montreux.

128 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour l1977, AA Mtx 1977, Archives de Montreux

129 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour les années 1991 et 1992, AA Mtx 1991-92, Archives de Montreux

96

Figure 40. Nombre d’arrivées hôtelières à Montreux dès 1900. Source: OFS, Office du Tourisme, Guides Baedeker

Figure 41. Nombre d’hôtels recensés à Montreux dès 1934. Source: Statistique hôtelière, OFS

A partir de 1970, le nombre d’hôtels baisse à Montreux (Figure 41) : des pensions, des petits hôtels de famille surtout, mais aussi de plus importants établissements, ferment. L’une des tendances entamées durant la phase de transition et qui se confirme est la baisse des durées moyennes des séjours. De plusieurs semaines, on passe à quelques jours seulement : à Montreux en moyenne 6.2 jours en 1947, 4 jours en 1950, elle remonte légèrement durant les années 1960 (avec un maximum atteint de 4.6 jours, en 1966), puis baisse à nouveau, avec 3.6 jours en 1973 et 2.8 jours en 1992)130. L’été s’affirme d’autre part comme la saison principale. Certains hôteliers se concentrent sur le marché estival, fermant leur établissement pendant l’hiver, solution radicale pour limiter les frais d’exploitation131. Une autre tendance importante tient dans l’évolution de la provenance des touristes. La clientèle britannique a tendance à diminuer, l’américaine à augmenter, mais c’est surtout la clientèle suisse qui est devenue importante (Figures 42 et 43), contrairement à la situation

130 Statistique hôtelière, OFS

131 Une solution encore plus radicale existe, comme à l’hôtel Continental, où les moyens matériels de production sont délocalisés temporairement : la propriétaire fait transporter les meubles de l’hôtel, en automne, dans un autre établissement dont elle est propriétaire et qui ouvre lui uniquement en hiver, en l’occurrence le Prätschli à Arosa. (Entretien M. Jaussi)

0 50'000 100'000 150'000 200'000 250'000 1900 1920 1940 1960 1980 2000 0 20 40 60 80 100 120 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

97

qui prévalait durant la dynamique de relais132. Enfin, l’enquête par échantillon effectuée par le Centre International de Glion (CIG) en 1982 (Glion, 1982) montre que la clientèle n’est alors pas une clientèle populaire, et que les plus de 46 ans sont surreprésentés (68.8%) (Figures 44 et 45).

Figure 42. Provenance des touristes à Montreux et Veytaux en 1968. Source : Le tourisme en Suisse 1970, Bureau fédéral de statistique, Berne 1971, Statistiques de la Suisse /461ème fascicule

Figure 43. Provenance des touristes à Montreux en 1992. Source : e tourisme en Suisse. Rétrospective de l'année 1993, Office fédéral de la statistique, Berne 1994, Statistiques de la Suisse/461ème fascicule

132 16% de clientèle suisse en 1896, soit la moitié (Rapport du cercle de Montreux 1899, Statistique industrielle et commerciale, Archives de Montreux, S3)

27% 12% 16% 4% 19% 5% 4% 1% 7% 5% SuisseAllemagne France Italie GB, Irlande Belgique Pays-Bas Scandinavie USA Autres pays 33% 14% 8% 3% 9% 3% 3% 12% 15% SuisseAllemagne France Italie GB Pays-Bas Belgique USA Autres pays

98

Figure 44. Répartition de la clientèle hôtelière à Montreux, par catégories socio-professionnelles, en 1982. Source : Glion (1982)

Figure 45. L’âge des touristes en hôtellerie à Montreux. Source : Glion (1982)

29% 22% 17% 9% 3% 3% 17% Retraités et rentiers Cadres moyens et supérieurs Professions libérales Ouvriers et employés Commerçants et artisans Etudiants et apprentis

Autres et sans profession (dont les épouses et maîtresses de maison)

35% 33.80% 27% 4.20% Plus de 65 ans 46 - 65 ans 26 - 45 ans 25 ans et moins

99

2.4.1.1. Complexité et fongibilité des flux en cohérence avec le contexte

A partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les acteurs du système de production touristique à Montreux se coordonnent : c’est la concrétisation d’une dynamique engendrée durant l’entre-deux-guerres. Deux organisations principales sont créées à cet effet dans l’immédiat après-guerre : l’Office du tourisme (OT) en 1946 et la Fondation pour la modernisation de l’équipement touristique de la ville de Montreux en 1948. La Société des Hôteliers de Montreux et environs (SHM) collabore avec ces deux entités, de même que les hôteliers eux-mêmes à titre individuel. Les intérêts convergent résolument, si bien que l’on trouve les mêmes responsables à la tête des sociétés. La culture germanique, représentée auparavant principalement dans l’hôtellerie, prend également pied dans cette nouvelle organisation coordonnée autour de l’OT; la langue courante entre les acteurs est d’ailleurs l’allemand133. Ces étroites collaborations vont aboutir à de véritables partenariats public-privés : c’est au travers de ces négociations que des solutions aux problèmes pratiques que pose le nouveau contexte touristique mondial vont être trouvées. Ce sont ainsi les dynamiques monétaire et de connaissances qui vont être concernées dans le fonctionnement de ces organisations : l’ancrage de connaissances signifiantes implique l’adaptation des diverses dimensions du système territorial, avec des moyens financiers limités.