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Comme on l’a vu aux points précédents, l’organisation des partenaires phares du système territorial évolue durant la phase de métamorphose de Montreux. On constate une baisse de l’efficacité de la coordination des acteurs. Les autres parties prenantes évoluent également largement durant cette période. Malheureusement, les données nécessaires à une analyse fine du marché de l’emploi sont lacunaires. Il faut par exemple noter ici que les nombreuses demandes pour la main-d’œuvre étrangère saisonnière concernent l’hôtellerie ne sont pendant plusieurs années pas soumises à l’office du travail pour préavis160, et ne sont donc probablement pas comptabilisées statistiquement. Néanmoins, comme pour première phase de la trajectoire où les données statistiques se trouvaient également restreintes, nous sommes en mesure d’interpréter les statistiques disponibles en ce qu’elles révèlent des tendances générales sur le marché de l’emploi.

En premier lieu, la métamorphose ne concerne pas une réorientation de l’emploi primaire ou secondaire vers le tertiaire, mais qu’elle s’opère au sein du secteur tertiaire. Avec le recensement des entreprises qui débute en 1955, on peut apprécier la situation de l’emploi de manière plus précise, dans la mesure où le recensement est effectué sur le lieu de travail. Les chiffres recensent donc les personnes travaillant à Montreux, et non pas les personnes habitant Montreux qui travaillent (pas nécessairement dans ladite commune) comme c’était le cas avec les recensements de la population. De plus, on peut apprécier la situation par branche : En 1965, 29% des personnes occupées par branche à Montreux sont recensées dans la catégorie Industrie, arts et métiers, pour 48% en Suisse, tandis que les transports, postes, hôtellerie, occupent respectivement 33% et 13% de ces populations.

Figure 50. Quotient de localisation des emplois « touristiques » à Montreux (1860-2008). Source : OFS (voir l'annexe I)

160 Rapport de gestion de la commune de Montreux pour l’année 1962, AA Mtx 1962, Archives de Montreux 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 1850 1870 1890 1910 1930 1950 1970 1990 2010

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Figure 51. Répartition des emplois par secteur en Suisse en 2008 Source : Recensement des entreprises 2008: établissements selon année, commune, secteur économique (NOGA 2008), classe de taille et variable

Figure 52. Répartition des emplois par secteur à Montreux en 2008 Source : Recensement des entreprises: établissements selon année, commune, secteur économique (NOGA 2008), classe de taille et variable

Nous pouvons constater en outre, malgré le manque de chiffres, la croissance toujours plus importante de la main d’œuvre étrangère. A de nombreuses reprises à partir de l’après-guerre, on trouve mention du manque de main d’œuvre en particulier pour l’hôtellerie, qui contraint les entreprises à engager de des travailleurs étrangers, « le personnel suisse n’acceptant pas volontiers des emplois subalternes »161. En 1970, une nouvelle législation fédérale pose des difficultés aux employeurs locaux dans le recrutement pendant la saison. Les demandes enregistrées en 1972 comme en 1973 concernent à 70% l’hôtellerie162. En 1972 par ailleurs la situation des saisonniers est stabilisée au niveau fédéral, ce qui contribue à augmenter cette année-là le nombre d’habitants et le nombre d’étrangers dans la commune. Enfin, la Figure 53 présente le nombre de travailleurs frontaliers dans la commune. Le recours à la main d’œuvre étrangère est de plus en plus fréquente, vraisemblablement pas uniquement pour l’hôtellerie ; Montreux devient pour une part attrayante pour ces travailleurs, de la même manière que pour d’autres centres urbains de la région lémanique

161 Rapport de gestion de la commune du Châtelard pour l’année 1948, AA 33/4 Chd, Archives de Montreux

162 Rapports de gestion de la commune de Montreux pour les années 1972 et 1993, AA 1972 et 1973, Archives de Montreux 4% 25% 71% Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire 4% 11% 85% Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire

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et de Suisse. Cet élément montre que les revenus induits par la présence de personnes sur place (via leurs dépenses d’un revenu qu’ils ont généré ailleurs) ne bénéficie pas systématiquement aux travailleurs locaux dans un contexte de forte mobilité des personnes.

Figure 53. Nombre de travailleurs frontaliers à Montreux entre 1992 et 2012. Source: Rapports de gestions de la commune de Montreux pour les années 1992à 2012, Mtx 1992-2012, Archives de Montreux

2.4.1.2. Les activités de séjour: alignements et décrochements face au marché touristique mondial Dans l’après-guerre, l’hôtellerie montreusienne est confrontée à un problème majeur : l’ensemble des infrastructures est vieillissant et ne correspond pas aux standards. Le style architectural est dépassé, les infrastructures doivent être modernisées, notamment les sanitaires, les espaces dédiés à la restauration, et les espaces de détente. Comme on l’a vu avec le Montreux-Palace, ces modifications ne peuvent être effectuées rapidement, dans la mesure où elles nécessitent des moyens importants. La station subit une forte concurrence au niveau du tourisme individuel et doit trouver les moyens d’augmenter le taux de fréquentation. Les entreprises familiales comme les sociétés hôtelières n’étant pas en mesure de procéder à des rénovations générales, les établissements hôteliers vont alors connaître divers destins, allant de la destruction à la reconversion. Sous ce point, nous traitons de l’évolution du parc hôtelier montreusien, de ses transformations dès l’après-guerre, en ce qui concerne les établissements dédiés aux séjours d’agrément et de congrès. Nous montrons en quoi le destin de ces établissements, qu’ils disparaissent ou survivent dans leur fonction primaire, contribuent à la trajectoire de métamorphose de Montreux.

Notons en premier lieu qu’après la guerre quelques établissements ferment leurs portes, et notamment des hôtels situés en altitude (Monnet, 1960). C’est le cas aux Avants avec la destruction de l’Hôtel de Jaman, la fermeture de l’Hôtel des Sports, et la transformation du Grand-Hôtel en école internationale (Lüthi, 2004). Etablissement emblématique de la période florissante du tourisme montreusien de la Belle-Epoque, le Caux-Palace est vendu au Réarmement moral en 1946, pour CHF 1'050'000.- (Mottu, 1996). Les membres de l’organisation pour un renouveau moral163 et spirituel en Europe font là une bonne affaire, bien qu’il soit difficile pour cette association de trouver les fonds nécessaires à cet achat. Le très bas prix sur lequel est conclue l’affaire illustre les opportunités qui se

163 Dès 2001, le Réarmement moral prendra le nom de « Initiatives et changement ». 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 1990 1995 2000 2005 2010 2015

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présentaient à l’époque pour des investisseurs, alors que les banques – en l’occurrence le Crédit Foncier Vaudois – se séparent enfin de leurs actifs immobilisés en raison des crises et de la guerre. Sans en connaître les détails, notons qu’outre le palace, « à Caux, la plupart des établissements publics ont été achetés par le Réamement moral » (Monnet, 1960).

La situation est différente au niveau du lac, et d’autant plus au centre ville, où les autorités interviennent pour empêcher la fermeture de certains établissements. C’est ainsi que le Continental est racheté par la commune de Montreux en 1965, pour 2.4 millions de CHF (GdL, 1965), dans l’idée d’une éventuelle démolition et reconstruction par un repreneur. Cette décision est accompagnée par le rachat de l’hôtel de Glion (pour CHF 350'000.- mobilier compris), en vue de l’élargissement de la route cantonale Montreux-Caux. Cependant, une fois réalisée, les autorités communales imaginent déjà la construction d’un nouvel hôtel sur l’emplacement restant (GdL, 1965). A cette époque, l’Eurotel est alors en construction (point D ci-dessous), et depuis la fin de la guerre la fréquentation des établissements est en hausse. Les perspectives sont enthousiasmantes en raison d’une conjoncture très favorable. Au sortir de la guerre, une réflexion est posée sur les moyens de relance du développement économique. Dans cette réflexion, la production de biens et services présentiels tient une place centrale, car malgré ces faiblesses et son caractère vieilli, l’hôtellerie est bien la seule ressource disponible et mobilisable dans l’heure. En conséquence, l’hôtellerie reste le générateur principal de revenus basiques. Cependant, les solutions trouvées pragmatiquement pour faire face aux contraintes de l’évolution de la demande et des difficultés structurelles ne permettent que difficilement la reproduction de l’ensemble des infrastructures sur le long terme.