Ce philosophe pense que communiquer, c’est pour un locuteur avoir l’intention d’informer un destinataire. En informant, on a l’intention de changer son comportement, son ensemble d’informations comme le dit Austin : « c’est atteindre l’effet perlocutoire ». Mais on veut que le destinataire voit l’intention avec
laquelle l’information a été transmise, par exemple : « fermez la porte », il doit savoir que c’est un ordre (impératif) donc c’est l’acte « illocutoire ». « Il décompose l’intention en 3 sous intentions : (a)produire un effet, une réponse chez le destinataire, (b) cette intention (a) doit être reconnue par le destinataire et enfin la satisfaction de l’intention (a) dépend de sa reconnaissance »58.
Selon Grice (1968), « un locuteur L par l’énonciation de x à l’intention de produire un effet sur un récepteur R grâce à la reconnaissance de cette intention. C’est cette intention unique que nous désignons sous le terme d’intention communicative »59.
Mais il faut distinguer le sens littéral d’une phrase et le sens communiqué par un acte d’énonciation de cette phrase. Communiquer c’est manifester une certaine intention de communication, cette intention n’est pas nécessairement de transmettre le sens littéral de la phrase.
Selon le modèle inférence de la communication : communiquer ce n’est pas seulement décoder, c’est inférer les intentions communicationnelles d’un locuteur la base de ses productions linguistiques comme les sous-entendus, les métaphores et l’ironie.
Selon le linguiste philosophe américain, il faut qu’il y ait une coopération entre le locuteur et l’interprétant. La coopération se situe à d’autres niveaux : le choix et l’utilisation d’une langue appropriée, articuler bien et claire, respecter les règles linguistiques et produire d’une façon pertinente. Déduire le sens
58 -Pierre Livet (1994), « La communauté virtuelle, action et communication ». Edition de l'éclat 30250, Combas. P.46. 59 - http://www-lium.univ-lemans.fr/~lemeunie/these/node51.html Consulté le 02 janvier 2007.
CHAPITRE 1 : ORIENTATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
Contact des langues dans le message publicitaire radiophonique maghrébin : étude comparative entre la chaîne 3
( en Algérie) et Medi 1 ( au Maroc) . Page 33
non littéral du sens littéral demande un effort de la part des deux sujets, ceci renvoie aux inférences qui relèvent du non-dit.
La reconnaissance de l’intention du locuteur de la part de l’auditeur ainsi que le problème de l’implicite s’imposent dans un dialogue. Il a aussi évoqué le principe de coopération entre les interlocuteurs er comment ils doivent s’entendre sur un minimum : l’objet de la discussion comme l’exemple qu’il a donné sur un 1er locuteur qui parle de tempête et que l’autre locuteur lui dit au revoir.
Grice a mis en place quatre maximes conversationnelles auxquelles les interlocuteurs seraient tenus de se conformer et qui sont les suivantes60 :
-QUANTITE : Il faut que l’énoncé contienne autant d’informations qu’il est requis ou ne contienne pas plus d’informations qu’il n’est requis.
-QUALITE : La contribution ou la participation à la discussion ou au dialogue doit être véridique, c’est-à- dire qu’il ne faut pas affirmer ce qu’on croit faux ou ne pas affirmer ce pour quoi on manque de preuves.
-RELATION : préciser sur quoi on parle ou sur quoi on veut parler (à propos de…..)
-MODALITE : il faut être clair lors de la contribution, autrement dit, il faut éviter de s’exprimer de manière obscure et ambiguë.
Selon Grice, certaines conversations ne respectent pas toutes ou certaines maximes car il nous arrive de mentir, de lancer un discours long, de ne pas en dire assez, être hors sujet de la discussion ou d’avancer des choses sans preuves.
Nous avons enregistré des messages publicitaires radiophoniques dans lesquels l’auditeur reconnaît l’intention du locuteur ainsi que certaines maximes inapplicables. Voici des exemples sur des messages publicitaires algériens et marocains :
60 - Christian BAYLON et Paul FABRE, (1990), « Initiation à la linguistique : cours et applications corrigés ».Edition
CHAPITRE 1 : ORIENTATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
Contact des langues dans le message publicitaire radiophonique maghrébin : étude comparative entre la chaîne 3
( en Algérie) et Medi 1 ( au Maroc) . Page 34
Message publicitaire Commentaire
Chaîne 3 La maxime de quantité est transgressée 1) « Si vous achetez un nouveau téléphone
portable, vous devez y placer une puce, si vous achetez
la puce, vous devez recharger votre crédit pour téléphoner mais si vous achetez le pack
Nedjma, tout est dans la boite ; Nedjma vous propose de supers prix et avec six mois
de crédit gratuit ».
Transgression dans la maxime de qualité
2) « Du 14 mai au 14 juin, participez
au grand jeu
concours MMS de Djezzy. Envoyez vos photos par MMS au 888 et vous serez peut-être l’un
des 100 gagnants qui recevront des
caméras, des imprimantes couleurs et des mobiles multimédias. »
2) « Profitez du passage de la caravane Nedjma du 24 Août pour participer à la Tombola et gagnez 3 superbes voitures, mm !
Caméras numériques et mobiles vous attendent ! Alors venez fêter l’été avec la caravane Nedjma ».
Nous pouvons dire que ce message publicitaire est long, car le locuteur (l’annonceur publicitaire) fait recours
à plusieurs arguments et qui sont à notre avis inutiles pour demander ou convaincre l’auditeur (l’interlocuteur)
d’acheter tout simplement « le pack Nedjma ». Dire l’essentiel de l’information sans prendre un axe
indirect.
-L’annonceur de ces deux publicités Fait croire à son interlocuteur (auditeur) qu’il sera l’un des gagnants de l’un dessupers cadeaux offerts, alors
qu’il sait très bien qu’une personne seulement va en profiter. L’emploi du
lexème « peut-être « veut tout dire : une possibilité de gagner, une probabilité d’être choisi parmi
d’autres ou tout simplement « toi, tu seras éliminé du jeu
ou tu n’auras rien ».
e annonc
ème
Même chose pour la 2 -
« profitez et…gagnez « marque une certitude alors que le locuteur
de ce message est entrain de bafouer son interlocuteur en lui faisant
croire qu’il sera l’un des gagnants alors qu’il ne le sera pas.
CHAPITRE 1 : ORIENTATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
Contact des langues dans le message publicitaire radiophonique maghrébin : étude comparative entre la chaîne 3
( en Algérie) et Medi 1 ( au Maroc) . Page 35
Reconnaître l’intention communicative :
//Comment s’offrir de beaux cadeaux ? Tournez et grattez, vous avez une chance de
gagner. Nedjma vous offre pour tout rechargement de 500 DA, 500 DA en plus gratuit, 24h sur 24. Avec Nedjma, rechargez
et faites le plein. //
///
L’auditeur connaît complètement l’intention de son locuteur, ce n’est
surtout pas une invitation ou une politesse de dire «tournez et
grattez, rechargez », bien au
contraire c’est un acte illocutoire qui exprime un ordre, avec la suppression
des verbes de modalité et de l’obligation et nous
obtenons ceci « vous devez grattez
et rechargez votre compte ». Avec
cet acte illocutoire, la maxime de qualité est bafouée « vous avez une chance de gagner », ce n’est pas une promesse mais une incertitude qui
montre clairement que le locuteur (l’annonceur publicitaire) n’est pas
sûr de ce qu’il avance. Medi 1 -Reconnaissance de l’intention
communicative
//Toyota a inventé une nouveauté et une
exclusivité signé Toyota, le pack Toyota tout compris est plein de services et d’avantages et même le crédit gratuit. Ho ! Et encore durant le mois de ramadan le pack Toyota
tout compris est offert à l’achat de tout véhicule Toyota. Ah ! N’attendez plus, le pack Toyota tout compris ; c’est seulement
chez Toyota.//
L’annonceur aussi dans cet exemple, sait très bien que l’auditeur est toujours attiré par tout ce qui est moins
cher et gratuit y compris les bonus et les offres. On ne veut pas tout dire au début de l’annonce pour créer chez
le client une certaine envie d’attendre la suite du message « nouveauté,
et encore, N’attendez plus ». Rien
n’est gratuit, on sous entend que si tu achètes une Toyota, tu as droit à une offre : toujours la condition qui a persisté dans les spots : on ne peut
CHAPITRE 1 : ORIENTATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
Contact des langues dans le message publicitaire radiophonique maghrébin : étude comparative entre la chaîne 3
( en Algérie) et Medi 1 ( au Maroc) . Page 36
Si les maximes conversationnelles sont respectées, on peut tirer des inférences de ce qui est dit. « Effectivement Grice s’est efforcé de montrer comment l’auditeur pouvait prendre appui sur elles pour déceler ce
qui ne figurait pas dans un énoncé »61. Avec Grice, le modèle de la communication héritée de la théorie de Shanon et Weaver (appelé modèle du code) a fait place au modèle de l’inférence, c’est-à-dire à l’idée que le message transmis n’est pas simplement encodé puis décodé, mais qu’il donne lieu à un raisonnement pour être compris.