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2. Discussion des résultats

2.4. Les patients

2.4.1. Autonomisation et responsabilisation des patients

Tous les médecins rapportaient avoir pour objectif d’ouvrir un espace de plus grande liberté aux patients dans leur prise en charge. En effet, le concept actuel prédominant de l’individu perçu comme autonome et responsable, place la relation médecin-malade au cœur de nouveaux enjeux. Une étude du Dr Fournier et al., réalisée en 2005, définit l’implication du patient dans

les choix relatifs à sa santé comme un élément capital de cette relation (108). Ce constat rejoint les propos des médecins interrogés concernant la responsabilisation du patient afin qu’il soit l’acteur de son bien-être et de son changement. Ainsi, les médecins ne portent plus le patient mais l’accompagnent dans sa démarche de guérison. Ceci marque la transition d’un modèle paternaliste à un modèle dans lequel le patient est impliqué dans sa prise en charge, comme l’explique Verspieren en 2005 (110) en constatant l’évolution du partenariat entre le médecin et le malade. Ces données rejoignent le modèle biopsychosocial de G.L. Engel décrit précédemment. Cet équilibre de positionnements a un apport positif pour le patient mais aussi pour le médecin qui n’est plus l’unique responsable de la réussite ou de l’échec de la guérison. Ce changement a été perçu par les médecins interrogés comme un soulagement dans leur pratique.

La prise en charge en hypnose et la responsabilisation du patient vis-à-vis de son trouble passe aussi par l’apprentissage de l’auto-hypnose qui a eu une place importante dans nos entretiens. En effet, la plupart des médecins incluaient systématiquement cette démarche d’apprentissage dans leur prise en charge. Cependant, 5 d’entre eux observaient que les patients avaient du mal à pratiquer l’auto-hypnose par manque de temps ou de motivation et que la plupart préférait être accompagné.

Cette idée d’autonomisation du patient, grâce aux techniques hypnotiques et à l’autohypnose, est retrouvée dans les autres études sur le sujet (81, 83, 84, 86).

2.4.2. L’apport pour le patient

Cinq des 14 médecins constataient que les patients retrouvaient confiance en eux. Deux médecins rapportaient des changements permettant aux patients de s’ouvrir à ses émotions et de les utiliser. Trois ajoutaient que, même si le problème initial n’était pas résolu, les patients sentaient presque toujours qu’il s’était passé quelque chose qui leur avait permis d’en apprendre plus sur eux. Ces résultats peuvent nous faire penser que la thérapie a pu apporter à des patients des bénéfices sur des composantes plus globale de leur vie que la pathologie qui les avait amenés à consulter.

Ces apports pour les patients se retrouvent dans l’étude du Dr Guichard évaluant le ressenti des patients sur l’hypnose en médecine générale. En effet, les patients exprimaient davantage de sérénité, une meilleure gestion de ses émotions, une plus grande confiance en soi, une amélioration des relations avec d’autres personnes, un changement dans la façon de penser avec une prise de recul, une meilleure compréhension de soi et une plus grande capacité à s’accorder du temps pour soi (82). Des données similaires ont été rapportées dans l’étude du Dr Seris

Trois médecins de notre étude remarquaient aussi que les patients étaient souvent surpris lorsqu’ils leur exposaient ce sur quoi cette thérapie pouvait être efficace. Cette même notion est retrouvée dans l’étude du Dr Bosc (106) dans laquelle les patients n’imaginaient pas que l’hypnose pouvait traiter des problèmes somatiques.

Deux médecins apercevaient également que l’amélioration du bien-être général du patient réduisait le nombre de consultations. Il ne s’agit que d’un constat non chiffré mais cela peut suggérer la réalisation d’une étude qui permettrait peut-être de confirmer cette diminution. Ces résultats pourraient être intéressants pour le patient d’une part, mais aussi en termes de santé publique afin de réduire le nombre d’actes remboursés.

Plus de la moitié des médecins ont déclaré que cette thérapie n’avait pas d’effet secondaire si elle était pratiquée avec déontologie. Ces résultats se retrouvent dans l’étude du Dr Guichard (82) dans laquelle les patients rapportaient en majorité ne pas avoir eu d’effets négatifs. Nous discuterons des études concernant la sécurité de l’utilisation dans la dernière partie.

2.4.3. Les patients demandeurs

Quatre médecins relatent qu’un certain nombre de patients consultant pour de l’hypnose avaient déjà eu recours à d’autres types de thérapies non médicamenteuses, ce qui va dans le sens des résultats de l’étude du Dr Bosc (106), dans laquelle plusieurs patients interrogés ont évoqué un besoin de retour aux médecines dites « naturelles », en opposition à la médecine « chimique ». De même, dans l’étude du Dr Guichard (82), les patients ont, pour la plupart, déjà eu un contact avec les médecines douces. Cela pourrait s’expliquer par une possible déception de la médecine allopathique, mais une étude réalisée en 1998 par Dr Astin a montré que le recours à ce type de pratiques reposerait davantage sur la quête d’une cohérence avec ses propres valeurs, croyances et conceptions de la vie et de la santé, que sur une expérience décevante de la médecine conventionnelle (111).

2.4.4. Les représentations

Nous avons parlé dans la partie précédente des représentations et des attentes des patients comme une difficulté que pouvaient éprouver certains médecins. Les études évaluant les représentations de la population sur l’hypnose permettent de corroborer ce que ressentent les médecins (82, 87, 89, 105). Selon une étude publiée en 2005 (113), la perception de l’hypnose en population générale correspond à un état de sommeil pendant lequel le sujet hypnotisé, fondamentalement faible et vulnérable, perd toute conscience et toute volonté. L’hypnotiseur devient une sorte de magicien disposant de pouvoirs exceptionnels lui permettant d’hypnotiser.

Ces représentations issues de la culture populaire, alimentées par le spectacle et les médias (113), pourraient expliquer pourquoi l’hypnose est encore considérée comme une médecine alternative et pourquoi les institutions de santé lui accordent une place encore limitée. La médecine alternative étant définie par l’OMS comme : « se rapportant aux pratiques, méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l’usage à des fins médicales de plantes, de parties d’animaux et de minéraux, de thérapies spirituelles, de techniques et d’exercices manuels – séparément ou en association – pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé ».

Une étude réalisée en 2007 auprès de médecins généralistes non formés à l’hypnose, montrait que 44% des médecins interrogés avaient une connaissance réduite de l’hypnose et 45% des médecins énonçaient des fausses croyances (114). Ces résultats viennent appuyer l’image erronée en population générale sur l’hypnose.

A visée de contre-exemple, 3 médecins interrogés trouvaient que les patients se présentant à eux étaient relativement ouverts. Ceci peut aller en faveur d’une évolution progressive des mentalités ou peut être spécifique de patients ayant déjà fait des recherches antérieures sur cette pratique.

2.4.5. La notion de confiance et de motivation au changement

Pour 4 praticiens, la pratique de l’hypnose par des médecins ayant une formation médicale et un code déontologique permet de rassurer les patients. D’après 2 médecins de l’étude, la pratique de l’hypnose par des médecins permettrait également de ne pas passer à côté de pathologies organiques face aux plaintes amenant les patients à consulter.

La notion de réassurance recoupe celle de la confiance que doivent ressentir les patients dans cette prise en charge. En effet, 7 médecins ont exprimé que le patient devait se sentir en confiance pour pouvoir permettre le processus de changement. Cette confiance repose intimement sur la relation médecin-malade évoquée précédemment et cette dernière augmente lorsque le patient se sent écouté de manière bienveillante (115).

D’après les études du Dr Guichard et du Dr Seris (82, 87) s’intéressant au point de vue des patients, la notion de confiance était présente dans tous les entretiens. Il ressortait alors que tous les sujets évoquaient la nécessité d’avoir confiance en la personne qui pratiquait l’hypnose et que cette confiance était plus facile à acquérir si cette personne était médecin. De plus, le médecin généraliste voyant régulièrement ses patients, cette dernière pouvait déjà être présente antérieurement à la prise en charge.

De plus, il était important pour 5 médecins interrogés d’insister sur le fait que le patient doit préalablement avoir une motivation à changer et que pour cela, s’il accepte de démarrer une prise en charge en hypnose, il doit être prêt à accepter ce qui va émerger. Cela nécessite donc de définir au préalable les objectifs de la prise en charge, notion appuyée par un des médecins qui notait que la thérapie était plus efficace lorsque le patient avait un objectif précis. Ces données soulignent encore une fois l’importance de l’investissement du patient.

On retrouve cet élément dans une étude d’Oakley et al. (116) qui explique qu’une volonté accrue d'accepter des suggestions de manière moins critique, une réceptivité à de nouvelles informations et une souplesse dans l'évolution des comportements, augmentent l’effet thérapeutique.

Pour résumé cette partie, les médecins inclus tendaient plutôt à dire que l’hypnose a toujours un impact sur le patient, qu’il soit celui attendu ou non. De plus, le principal apport de la thérapie repose sur l’autonomisation du patient au regard de sa santé.