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Les parties de langue prédicatives

Dans le document Notions de neurolinguistique théorique (Page 47-50)

1 Bien que Guillaume lui-même l'ait souvent employée

2.2.2. Les parties de langue prédicatives

2.2.2.1.Le système des parties de langue prédicatives

Dans une leçon inédite du 20 décembre 1951, mise en valeur et commentée par J. Cervoni, Guillaume explique que le niveau auquel il faut se placer pour comprendre sa théorie des parties du discours est «un niveau qui est un en deçà de tout «état de structure» ; une position théorique où l'esprit est mis en face d'une sorte de vide qu'il s'agit d'occuper.»2 Ce niveau est celui de l'idéation de structure :

idéation de structure → état de structure

Si, au niveau de l'idéation de structure, l'esprit est confronté à «une sorte de vide», c'est que cette idéation ne retient de la langue que son architecture formelle : nous ne sommes pas ici « en face du tout

1Ibid., p. 13-14.

2 CERVONI, J., La préposition. Etude sémantique et pragmatique, Paris/Louvain-la-Neuve, Duculot, 1991, p. 61. L'expression «état de structure» est utilisée par Guillaume dans cette leçon inédite. Nous emprunterons beaucoup, dans cette section, à l'ouvrage de Jean Cervoni que nous venons de citer, non seulement pour la rigueur et la justesse de ses analyses, mais aussi parce qu'il exploite plusieurs inédits de Guillaume, fort intéressants pour ce sujet du système des parties de la langue.

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mécanique qu'est la langue » mais « en face des plans qui sont ceux de son architecture : d'épures en carton qui sont la chose avant qu'elle ne soit. Un certain caractère vide. »1 La définition guillaumienne des parties de la langue est donc purement formelle, prénotionnelle, l'idéation de structure « ressortissant non pas à la pensée elle-même, mais à la saisie qu'elle opère d'elle-même, au mécanisme de cette saisie » :

L'idéation de structure ne nous livre que des cadres pour idées, pas des idées : substantif, adjectif, verbe, adverbe, préposition, etc. Ce sont des cadres dont la construction ressortit, non pas au notionnel, mais au prénotionnel, à l'intuitionnel.»2

A ce niveau, on ne tiendra pas compte du fonctionnement en discours de la partie de la langue : si, dans des phrases comme « il allait content », « il marchait élégant », les adjectifs fonctionnent comme des adverbes, ils restent des adjectifs au niveau de l'idéation de structure3.

Le terme d'idéation suggère un procès de construction des parties du discours. Ce mouvement opère en premier lieu une distinction de l'espace et du temps, distinction primitive que se donne la pensée en action de conceptualisation. Il s'agit au fond « d' une première analyse du tout indistinct que constitue le voir mental de l'univers.»4 Or cette distinction, ce contraste, correspond au point d'entrée du système des parties de la langue et se manifeste par l'opposition verbo-nominale :

Le contraste d'un univers-espace et d'un univers-temps est rendu en langue par celui du nom et du verbe et cette distinction marque l'ouverture – l'horizon d'ouverture – du système des parties du discours.5

1 GUILLAUME, G., Leçon du 20 décembre 1951, p. 16-17 ; citée par CERVONI, J., op. cit., p. 62.

2 Ibid., p. 7-8. L'intuitionnel dont il est ici question n'a rien à voir avec l'intuition au sens courant de ce terme. Pour la notion de mécanique intuitionnelle, cf. infra.

3 Aux niveaux de l'idéation de structure et du «fonctionnement» correspondant respectivement les points de vue de la linguistique structurale et de la linguistique fonctionnelle. Les exemples sont empruntés à J. Cervoni (op. cit., p. 62). Le niveau de l'idéation de structure ne représente que l'aspect «architectural» de la langue. Il n'est donc qu'un aspect de cette dernière, qui contient en outre tout ce qui est relatif à la substance notionnelle. De même, le niveau fonctionnel n'est qu'un aspect du niveau du discours.

4 CERVONI, J., op. cit., p. 65.

5GUILLAUME, G., Leçon inédite du 26 avril 1956, p. 13 ; cité par CERVONI, J., op. cit., p. 65. Notons au passage que la distinction du temps et de l'espace n'est pas, pour Guillaume, un universal : «la distinction du temps et de l'espace n'est pas, comme on le supposerait à tort, une distinction de grammaire générale, c'est une distinction de grammaire particulière ; il y a en effet des langues, nombreuses, où cette séparation du temps et de l'espace n'est point faite». (GUILLAUME, G., Principes de linguistique théorique, p. 97).

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L'ensemble du système des parties de langue apparaîtra alors structuré non seulement par la distinction espace / univers-temps, mais aussi par l'éloignement par rapport au point d'ouverture du système. Car – nous l'avons déjà relevé – ce système est envisagé comme un processus, comme un « mouvement » de pensée. Or, lorsque ce mouvement rencontre un univers (univers-espace ou univers-temps), il importe en cet univers une certaine quantité de mouvement, plus ou moins grande selon que ce mouvement se poursuit plus ou moins longtemps après la rencontre. La nécessité de ce postulat apparaît dès qu'on en fournit la traduction linguistique : la quantité de mouvement se manifeste en effet au plan linguistique dans la nature du support requis pour chaque partie de langue. Plus la quantité de mouvement est grande, plus le support de la partie de la langue correspondante est trouvé loin du lieu d'origine (l'apport). Ce mouvement constitue donc une sorte de processus de dissociation interne de chaque univers, dissociation génératrice de nouvelles distinctions qui poursuivent l'analyse du « voir mental de l'univers » inaugurée avec l'opposition espace-temps. Soit, en figure (q représente la quantité de mouvement ; q1 > q2 > q3 ) :

quantité de mouvement croissante support support support apport apport apport q1 q2 q3 "dissociation" croissante des univers d'origine (étape 1) (étape 2) (étape 3)

Si l'on nomme incidence, comme le fait Guillaume, le mécanisme prévisionnel d'apport d'une matière notionnelle à un support, il conviendra alors de considérer que le système des parties de la langue possède deux opérateurs de structure : la distinction espace-temps et l'incidence, dont les trois types apparaissent déjà dans le schéma précédent. En regard de ce dernier, la figuration proposée par Guillaume dans la Leçon du 19 avril 1956 fait apparaître la répartition des différentes parties de la langue selon les trois étapes distinguées1 :

1 Schéma reproduit dans CERVONI, J., op. cit., p. 66.

49 x y x' y' univers-espace univers-temps substantivation (substantif) adjectivation (adjectif) verbe conjugué personnellement adverbe O0 O1 O2 O3 IN F IN IT IF P A R T IC IP E Etape 1 Etape 2 Etape 3

A chaque étape correspond donc un type d'incidence particulier, selon lequel les parties de langue prédicatives sont définies :

La première étape est celle du substantif et de l'infinitif. Ils ont une incidence « interne », ce qui veut dire, du point de vue cinétique, que leur éloignement Oo O1 de l'horizon apertural de l'univers-espace (cas du substantif) ou de l'univers-temps (cas de l'infinitif) est trop faible pour qu'ils aient à chercher un support en dehors d'eux-mêmes. A la deuxième étape se définissent, d'un côté de la ligne médiane y-y', l'adjectif, de l'autre côté, le participe et le verbe conjugué ; ils se caractérisent par une incidence « externe du 1er degré ». Ils résultent, «sur l'axe des y, d'une quantité de mouvement Oo O2 trop importante pour qu'il ne s'ensuive pas en discours une assignation portée en dehors de ce que délimite la désignation.1

Mais leur incidence au substantif est immédiate, directe. L'adverbe au contraire, situé à la troisième étape, «marque, par rapport au terme d'incidence, le plus grand éloignement possible. » (Leçon du 23 mai 1940, p. 1.). En raison d'une quantité de mouvement supplémentaire, O2O3 , il est pourvu, par rapport au substantif, d'une incidence médiate, indirecte (« externe du deuxième degré »). Plus exactement, ce n'est pas le substantif lui-même qu'il assigne mais une assignation en cours, celle de l'adjectif ou du verbe au substantif. Le schéma ci-dessus montre qu'à ce niveau la ligne des y s'interrompt. C'est pour indiquer que l'adverbe « franchit librement la ligne de partage du système des parties du discours (Leçon du 12 avril 1956) «2.

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