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Defrance(2014) évoque la difficulté de définir le terme "crues-éclair". Il recommande de définir ce terme en prenant en compte l’échelle spatiale à laquelle le phénomène est étudié mais également la région du monde.

Roche et al.(2012) précisent que les crues dites "éclair" sont provoquées par des précipitations particulièrement intenses, orageuses, et par des conditions favorisant le ruissellement et la concentration des volumes d’eau précipités. Les "crues-éclair torrentielles" se distinguent pour leur part par une capacité accrue de transport solide, de creusement de berges, d’arrachement de végétation et de charriages divers.

Mais les crues-éclair se caractérisent avant tout par la rapidité de leur formation et leur forte intensité (Gaume et al., 2009). Ces caractéristiques sont directement reliées à l’intensité des pluies génératrices et à la petite taille des bassins versants sur lesquelles se forment ces crues. Les bassins de surface inférieure à 100 km2 peuvent en effet avoir des temps de réponse très courts (figure 1.3), ce qui limite fortement les capacités d’anticipation des phénomènes, et la possibilité pour les gestionnaires de crise de protéger ou évacuer les populations. De plus, les débits de pointe spécifiques (m3/s/km2) enregistrés sur ces petits bassins s’avèrent nettement plus élevés, ce qui engendre des impacts conséquents (figure 1.4).

Figure 1.3 –Évolution des temps de montée des crues en fonction de la taille des bassins versants, d’après Delrieu et al. (2016). La ligne rouge définit la courbe enveloppe des délais les plus courts et les rectangles bleus montrent les échelles spatio-temporelles typiques des événements pluvieux générateurs (MSC = systèmes convectifs méso-échelle)

Figure 1.4 – Répartition des débits de pointe spécifiques (m3/s/km2) observés en Europe en fonction de la taille des bassins versants, d’après Payrastre et al. (2016)

1.2.2 Épisodes pluvieux générateurs

Gaume et al. (2009) indiquent que les crues-éclair observées en Europe sont généra-lement associées à des cumuls pluviométriques d’au moins 100 mm en quelques heures. Le recensement des événements pluviométriques remarquables en France métropolitaine, consul-table sur le site de météo France, montre que de tels cumuls (supérieurs à 100 mm en 24 heures) ont déjà été mesurés dans 80 départements. En revanche, seules les régions médi-terranéennes et les zones de montagnes sont exposées à des cumuls supérieurs à 200 mm en 24h.

Les régions méditerranéennes sont en effet connues pour leurs fortes intensités pluviomé-triques. En Méditerranée occidentale, les records officiels de cumuls journaliers frôlent les 1000 mm :

- en Corse, le col de Bavella a reçu 906 mm entre le 31 octobre et 1er novembre 1993 ; - le mont Aigoual et ses piémonts dans les Cévennes sont coutumiers des forts cumuls plu-viométriques. Le record pluviométrique enregistré est de 950 mm en 24 heures à Valleraugue le 28 septembre 1900 ;

- dans les Pyrénées orientales, 840 mm ont été mesurées en 24h à Saint-Laurent-de-Cerdans lors de l’Aiguat du 17 octobre 1940 ;

En excluant les zones tropicales, les régions méditerranéennes détiennent également des re-cords d’intensités pluviométriques horaire : 163 mm/h ont par exemple été enregistrés dans la commune d’Anduze dans le Gard le 8 septembre 2002, et 112 mm/h4 dans la commune de Lézignan-Corbières dans l’Aude le 13 novembre 1999 (figure 1.5).

Figure 1.5 – Illustration des intensités et cumuls des pluies enregistrées à Lézignan-Corbières du 12 au 14 novembre 1999, d’après Météo France

En général, les épisodes pluvieux intenses méditerranéens s’étalent sur quelques jours, et ils affectent plusieurs milliers voire dizaine de milliers de km2. Des précipitations d’intensités supérieures à 30 mm/h se concentrent au sein de ces épisodes sous forme de pics de quelques heures, qui touchent des secteurs spatialement très circonscrits. Ceci explique que les crues-éclair affectent principalement les bassins versants de taille limitée.

1.2.3 Quelques exemples de crues-éclair récentes en France

Les inondations du 15 juin 2010 dans le Var constituent l’un des épisodes majeurs de crues-éclair observés sur le territoire national au cours des dix dernières années. Cet événement, causé par des cumuls pluviométriques atteignant localement les 400 mm en 24h, a fait 26 morts. Selon le rapport de la mission d’enquête nationale, "les moyens engagés ont permis de sauver 2 450 personnes dont 1 100 sauvetages au sol et 1 350 sauvetages aériens, 300 personnes ayant évité une mort certaine". Un rapport de l’Association Française de l’Assurance5 dresse un bilan détaillé des dégâts répertoriés lors de l’événement. L’économie locale a été durement touchée (tourisme, activités industrielles et commerciales), les pertes agricoles sont évaluées à plus de 50 millions d’euros, de nombreuses maisons sont devenues inhabitables, et les dégâts matériels sont très importants (figure 1.6). Au total, les dégâts occasionnés sont estimés à plus d’un milliard d’euros. Ces crues ont été les plus dévastatrices jamais enregistrées dans le département depuis 1827.

Figure 1.6 – État du pont de la Tournavelle, sur l’Argens, en aval du quartier des Badiés, sur la commune des Arcs-sur-Argens à la suite de l’inondation du 15 juin 2010. L’eau est passée près de 2 m au-dessus du pont, détruisant la chaussée et arrachant les garde-corps (photo à gauche, C. MARTIN, août 2010 et photo de droite, Cécile MARTIN, juin 2010), d’après Martin (2010)

De plus, en novembre 2011, octobre 2012, janvier 2014, septembre 2014 et novembre 2014 le département du Var a de nouveau été touché par des crues importantes, avec à chaque fois un lourd bilan matériel et humain.

Mais le phénomène ne se cantonne pas au département du Var. D’autres épisodes importants de crues-éclair se sont produits récemment sur le territoire français (figure 1.7), comme par exemple ceux enregistrés dans le Gard, l’Hérault et l’Ardèche en 2014, ou dans les Alpes Maritimes en novembre 2015, qui sont brièvement décrits ci-après.

Figure 1.7 – Localisation des épisodes de crues ayant fait l’objet d’une enquête post-événement dans le cadre du projet Hymex depuis 2010, en raison de leur intensité remarquable : Var en 2010, Pyrénées en 2013, Gard et Hérault en 2014, et Alpes-Maritimes en 2015, d’après

Payrastre et al. (2016)

En 2014, les départements du Gard, de l’Hérault, et de l’Ardèche ont été touchés par 7 épisodes de pluies intenses successifs qui ont tous occasionné des crues importantes6. Cette succession d’épisodes en l’espace de deux mois présente un véritable caractère exceptionnel. Au total, ces épisodes auront fait 17 victimes et des dégâts dépassant les 600 millions d’euros d’après l’Association Française de l’Assurance. Pendant la nuit du 9 au 10 octobre 2014 par exemple, un orage stationnaire sur le Gard a donné des cumuls pluviométriques de 272 mm à Sainte-Anastasie (figure 1.8), 264 mm à Nîmes et 211 mm à Uzès. En l’espace de deux jours, certaines communes ont enregistré des cumuls de pluie localement supérieurs à 400 mm, comme par exemple à Nîmes-mas de Ponge alors qu’à 10 km de là, seulement 34 mm ont été enregistrés. La rivière du Vidourle a atteint la cote des 4 mètres au pont romain de la commune de Sommières, soit à 80 centimètres de la hauteur record de la crue de 2002. Ce déluge sur le Gard a engendré des dégâts marquants nécessitant 147 interventions de sauvetage dont 47 par hélitreuillage.

6. 16-19 septembre, 29 septembre, 6 octobre, 9-10 octobre, 3-4 novembre, 14-15 novembre et 27-30 no-vembre

Figure 1.8 – Observations des précipitations et des cumuls de pluies à Sainte-Anastasie et à Uzès entre 0h et 12h le 10 octobre 2014, d’après Météo France

En 2015, dans la soirée du 3 octobre, des pluies très intenses ont été enregistrées sur une durée de deux heures sur le littoral des Alpes-Maritimes. Le poste pluviométrique de Mandelieu a enregistré une intensité remarquable de 115 mm en 1 h et celui de Cannes 109 mm en 1h. Ces pluies s’abattant sur des sols déjà humidifiés par les pluies des jours précédents ont occasionné des crues dévastatrices dans les communes de Biot, Antibes, Cannes, et Mandelieu. Ce dernier événement a fait 20 victimes, a privé 70 000 personnes d’électricité, et a finalement causé des dégâts d’un montant estimé compris entre 500 et 600 millions d’euros.

1.2.4 Les crues-éclair autour du bassin méditerranéen

La France n’est pas la seule à être confrontée à ces phénomènes de crues-éclair. En effet, chaque année des victimes et des dégâts considérables liés à ce type de phénomènes sont observés à l’échelle du bassin méditerranéen.

Ces dernières années en particulier, des événements marquants ont été enregistrés. En no-vembre 2013 par exemple, la ville d’Orgosolo en Sardaigne a reçu 469 mm de pluie en 12 heures, et des crues-éclair qui ont touché toute la partie nord de l’île, générant des dom-mages estimés à 1 milliards d’euros, et faisant plusieurs victimes7.

Certains territoires fortement exposés sont également touchés de façon récurrente par les crues-éclair. La ville d’Athènes (17 000 hab/ km2) et sa banlieue ont par exemple été confron-tées à 48 épisodes de crues entre 2005 et 2014 (Papagiannaki et al., 2015), nécessitant plus de 3 500 interventions des secours.

Gaume et al. (2016) rappellent enfin que si l’ensemble des pays du pourtour du bassin mé-diterranéen sont soumis au phénomène des crues-éclair, des contrastes significatifs existent entre l’ouest et l’est (figure 1.9) : le nombre moyen de décès par an sur la période 1940-2015

est sensiblement plus élevé à l’ouest qu’à l’est. Une tendance similaire est observée pour les débits, qui sont sensiblement plus élevés sur les côtes nord-ouest de la Méditerranée (France, Italie, Espagne).

Figure 1.9 – Nombre de décès enregistrés au cours des événements d’inondation entre 1940 et 2015, d’après Gaume et al. (2016)

1.3 La prévision des crues