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2.3 Méthode d’estimation des impacts

2.3.1 Modèles d’impacts existants

Estimation générique des enjeux et des impacts

Dans le cadre de l’application de la Directive Européenne Inondations, les enjeux ex-posés pour différents niveaux d’aléa ont été estimés sur l’ensemble des Territoire à Risque Important d’inondation (DREAL,2013d,e). Les enjeux recensés correspondent aux catégories suivantes, illustrées sur la figure 2.26 :

- le nombre indicatif d’habitants, permanents et saisonniers, potentiellement touchés (Moulin and Charaud,2013, Charaud,2014) ;

- les bâtiments présents et leur nature (habitation, industrie, bâtiments utiles à la gestion de crise, . . . ) ;

- les natures d’activités économiques et le chiffre d’affaire dans la zone potentiellement inondée (Moulin and Charaud, 2013) ;

- les installations ou activités visées par la directive 2010/75/ UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles qui sont susceptibles de provoquer une pollution accidentelle en cas d’inondation ;

- les zones protégées potentiellement impactées par les activités polluantes tels que les eaux de captage, les eaux de plaisance, et les zones de protection des habitats et des espèces. Ces travaux donnent une vision synthétique des enjeux potentiellement impactés au cours d’une inondation (figure 2.26).

2.3. Métho de d’estimation des imp acts

Figure 2.26 – La carte des risques associés au débordement de cours d’eau pour le Territoire à Risque Important d’inondation d’Alès, centrée

Dans un autre registre, plus directement lié à la prévision des crues-éclair, une étude a proposé de classer les enjeux vulnérables aux inondations en fonction de la sévérité des impacts associés (Calianno et al., 2013), comme illustré par la figure 2.27.

Le croisement de ces différentes informations sur les enjeux avec l’emplacement des cours d’eau et leurs propriétés physiques aboutit au développement d’indices de vulnérabilité du territoire. Ces indices sont employés en lien avec des modélisations hydrologiques dans le but d’améliorer la précision des prévisions d’impacts.

Pour deux événements d’inondations extrêmes passés dans l’Oklahoma en 2007 et 2010, la méthode développée a été en mesure de distinguer correctement la sévérité des impacts par rapport aux observations disponibles au cours des deux événements (figure 2.28).

Figure 2.27 – Hiérarchisation par sévérité des impacts de la base de données SHAVE aux États-Unis vis-à-vis du risque d’inondation (Severe Hazard Analysis and Verification Experiment), d’après

Calianno et al. (2013)

Figure 2.28 –Prévision à 1 heure des impacts à partir des Flash Flood Guidance lors de la tempête tropicale Erin, d’après Calianno et al.(2013)

Estimation spécifique des dommages

Comme le rappellent Alfieri et al. (2013), les territoires ne disposent pas de la même vulnérabilité face aux risques d’inondation. La protection des sociétés est envisageable par réduction de leur exposition face à ces risques (Dewals,2006).

Impacts fonctionnels

Le projet Prediflood a contribué au développement d’une prévision hydrométéorologique des coupures de routes par inondation, en s’appuyant sur un modèle pluie-débit distribué. Un prototype a été conçu sur une partie du département du Gard (Versini, 2007), puis étendu à l’ensemble du département avec la prise en compte de certains ouvrages hydrauliques et de plus de 2000 points de surveillance (Naulin, 2012).

Au cours de 9 événements étudiés, les résultats du modèle permettent d’identifier une large majorité des coupures de route, avec néanmoins un taux élevé de fausses alarmes sur les événements extrêmes (Naulin et al., 2013). Ces résultats de simulations sont encourageants car l’approche identifie correctement les événements et les secteurs à risque de coupure de routes. Elle offre également la possibilité de mieux organiser l’intervention des secours en cas d’inondation.

Impacts humains

Wilhelmi and Morss(2013) s’est penché sur la vulnérabilité humaine en tenant compte de l’exposition des personnes et à leurs capacités à faire face à l’aléa, en étudiant le cas de Fort Collins dans l’état du Colorado aux États-Unis.

La capacité des personnes à faire face à l’aléa est estimée à partir de trois caractéristiques : la capacité physique (entendre l’avertissement et réagir en fonction), les ressources dispo-nibles (moyens de locomotion et de mise en sécurité) et la capacité linguistique des résidents (comprendre les alertes). Pour chacune de ces caractéristiques, l’information a été normalisée (z-scores, formule (2.2)) à l’échelle des blocs de recensement (figure 2.29(a)-(c)), puis une moyenne de ces indices a été effectuée (figure 2.29(d)).

zscore= (valeur − moyenne)écart-type (2.2)

L’évaluation de ce critère de vulnérabilité a été effectuée sur l’événement extrême de 1997 dans la région. La carte du risque de crues-éclair est comparée aux dégradations de bâtiments recensées, aux appels de secours géoréférencés émis et à la capacité des personnes à faire face aux inondations (figure 2.30). Les limites du risque englobent les z-scores les plus élevés (supérieur à 0,5), 99% des bâtiments impactés et 85% des appels de secours géolocalisés au cours de l’événement (figure 2.30(b)).

En valorisant la carte des z-scores, les secteurs les plus vulnérables sont plus facilement identifiables et les gestionnaires du risque d’inondation peuvent adapter leurs interventions en fonction des secteurs qui risquent d’être le plus fortement impactés.

Ces travaux permettent donc de hiérarchiser la vulnérabilité humaine sur le territoire et ils mettent en avant l’importance de l’échelle à laquelle les informations sont synthétisées. Dans le cadre de ces travaux les blocs de recensements ont été retenus pour la prise de décisions des services en charge de la sûreté des personnes.

Figure 2.29 – Carte de la capacité des personnes : (a) à entendre et évacuer la zone à fort risque (b) à se protéger ou évacuer rapidement la zone (c) à comprendre et à réagir suite aux avertissements diffusés, et (d) synthèse de la capacité moyenne des habitants à faire face à l’aléa par blocs de recensements, d’après Wilhelmi and Morss (2013)

Figure 2.30 – Cartes associées à la crue de 1997 sur le site de Fort Collins : (a) capacité des personnes à faire face aux inondations et (b) localisation des appels de secours émis et des bâtiments impactés au cours de l’événement, d’après Wilhelmi and Morss (2013)

Des travaux similaires se sont intéressés à la prévision des impacts humains pour une inonda-tion de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu au Québec, d’une surface de 234 km2(Tanguy,2012). Tout d’abord, des indices de vulnérabilité ont été définis avec l’appui des responsables de la sécurité civile locale à l’échelle de chaque bâtiment, en incluant un premier critère en lien avec la hauteur du bâtiment, un deuxième sur l’aspect socio-économique et un troisième sur la fonction du bâtiment et les implications pour la gestion de crise (figure2.31). À partir des

Figure 2.31 – Méthode d’évaluation de la vulnérabilité de la population face aux risques d’inon-dation, d’après Tanguy (2012)

prévisions de submersions effectuées, il devient ensuite possible de hiérarchiser les bâtiments à fortes vulnérabilité et de mieux anticiper les interventions des services de secours notamment les évacuations des personnes lésées (figure 2.32). Le niveau de résolution de ces travaux restitués, à l’échelle du bâtiment, s’éloigne néanmoins de l’objectif visé dans la thèse qui est de hiérarchiser à grandes échelles les secteurs les plus impactés par l’inondation. De plus, ces travaux de recherche ne sont pas encore opérationnels et ils n’ont pas été évalués au cours d’une réelle inondation.

L’ensemble des travaux ci-dessus rend finalement compte de la complexité du choix des cri-tères pour l’élaboration d’indice de vulnérabilité des populations face au risque d’inondation (Tanguy,2012,Wilhelmi and Morss,2013).

De plus, les expériences présentées comportent des limites assez évidentes puisqu’elles ne tiennent pas compte de l’aspect temporel de l’exposition et de la vulnérabilité des enjeux (jour/nuit, semaine/week-end, saison, ...), qui complexifient les décisions éventuelles des ges-tionnaires du risque en temps de crise (Shabou,2017).

Figure 2.32 – Cartographie de la vulnérabilité humaine en fonction de la prévision d’une inonda-tion, d’après Tanguy (2012)

Impacts matériels et économiques

Face aux inondations, les gestionnaires du risque développent de plus en plus d’études préventives pour cerner la vulnérabilité de leur territoire et mieux gérer leur politique de gestion voire de réduction des risques.

Au niveau de l’estuaire de la Tamise en Angleterre, un modèle de dommages économiques a été élaboré en fonction de différentes périodes de retour des inondations (Gouldby et al., 2008). Ce modèle intègre l’ensemble des ouvrages de protection face à l’inondation et leur efficacité face à l’ampleur de l’inondation (figure 2.33).

Figure 2.33 – Distribution spatiale des coûts annuels prévus liés aux inondations à l’échelle des quartiers se situant dans l’estuaire de la Tamise, d’après Gouldby et al. (2008)

Malgré les incertitudes associées à la méthode, les gestionnaires du risque sont en capacité de connaître l’impact du maintien ou de l’amélioration des ouvrages de mitigation sur le niveau de dommages attendu en fonction de l’intensité de l’inondation.

Cette approche est très intéressante puisqu’elle offre aux gestionnaires la capacité d’estimer la rentabilité des investissements liés aux ouvrages de protection face aux risques d’inondation dans les différents quartiers.

Des travaux ont été effectués sur l’estimation des dommages résidentiels annuels à l’échelle de tronçons de rivière (Falter et al., 2015), sur une partie du bassin versant de l’Elbe en Allemagne.

Ces travaux estiment les dommages annuels prévus à l’échelle de chaque tronçon, illustrant l’hétérogénéité spatiale liée à l’exposition et à la vulnérabilité des enjeux face au risque d’inondation (figure 2.34(a)).

Figure 2.34 – (a)Distribution spatiale des coûts annuels prévus face aux inondations, et (b-e) observation des dommages et des périodes de retour atteintes pour différents versants au cours de deux événements passés. Les figures b et c représentent le premier événement avec des dommages estimés à 28 millions d’euros, et les figures d et e le second événement avec des dommages estimés à 68 millions d’euros, d’après Falter et al. (2015)

L’auteur compare les dommages causés par l’étendue de l’inondation aux périodes de retour atteintes par les événements simulés (figure 2.34(b-e)). Chaque tronçon est plus ou moins vulnérable en fonction de l’intensité de l’événement, révélant des seuils d’endommagement spécifiques à chaque tronçon.

Ce travail met en évidence l’importance d’identifier la variabilité spatiale des risques d’inon-dation à l’échelle de tronçons, par comparaison à une échelle plus large telle que celle d’un grand bassin versant unique.

Des expériences ont été menées pour prévoir l’exposition financière face au risque d’inondation de sociétés d’assurance à l’échelle de la France (Moncoulon et al.,2014). La méthode s’appuie sur deux étapes : une phase de modélisation déterministe calée à partir des dommages des inondations antérieures, et une phase de couplage de ce modèle déterministe à un ensemble d’événements de forçage, simulés de façon probabiliste. Ce travail met en évidence l’intérêt de la valorisation des données assurantielles pour le calage et la validation des modèles d’impacts. L’étude de l’événement de juin 2010 sur la partie aval de l’Argens à partir des données d’assu-rances révèle par exemple que 13% des sinistres enregistrés à l’intérieur de la zone inondée de référence représentant 54% des coûts enregistrés. Cependant, de manière surprenante, 68% des sinistres et 42% du montant total des dommages au cours de l’événement ont été observés en dehors des secteurs inondés par débordement (figure 2.35).

Figure 2.35 – Carte de l’étendue des aléas de ruissellement et d’inondation en fonction des sinistres recensés, d’après Moncoulon et al. (2014)

au cours des crues-éclair.

L’estimation des impacts économiques suite à une inondation offrirait la possibilité aux gou-vernements ou aux organismes d’assurances de connaître rapidement l’ampleur des dégâts et des fonds de dédommagement à débloquer. Des travaux japonais ont développé un modèle d’estimation des impacts économiques liés aux inondations sur les habitations et les terres cultivées (Kobayashi and Takara, 2013).

Pour atteindre ces objectifs, un modèle pluie-débit distribué estime les pics de débit à partir de lame d’eau radar (AMEDAS) afin d’alimenter un modèle hydraulique d’estimation des zones inondées. Les secteurs inondés sont croisés avec des bases de données SIG pour estimer l’ampleur des dégâts associés aux habitations et aux terrains cultivés en fonction des données disponibles sur l’intensité les inondations passées (figure 2.36).

Figure 2.36 – Estimation (a) du coût des dommages des maisons autour de la ville de Sayo au Japon (vue d’environ 1 km2) et (b) des pertes liées à la destruction des cultures sur le bassin versant de Sayogawa (191km2), d’après Kobayashi and Takara (2013)

Cependant, l’échelle à laquelle ces travaux sont menés (bassin de 191 km2), est bien inférieure à celle visée dans le cadre des travaux de thèse.