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Intérêt d’une anticipation des dégâts engendrés par les crues soudaines 15

1.3 La prévision des crues

1.3.5 Intérêt d’une anticipation des dégâts engendrés par les crues soudaines 15

Dans un premier temps le dispositif d’avertissement crues soudaines (ACS) permettra de qualifier l’intensité des phénomènes de crues en cours de formation. Cette information sera probablement d’une grande utilité pour les gestionnaires de crise, néanmoins elle sera de nature différente de celle fournie sur les cours d’eau réglementaires : en effet, sur ces cours

d’eau la couleur de vigilance représente le niveau des dommages prévisibles plus utile que l’intensité de la crue prévue seule. Par ailleurs, la carte de vigilance est complétée par des prévisions chiffrées de hauteurs d’eau, ainsi que, dans un futur proche par des cartes de zones inondées potentielles.

Pour optimiser l’efficacité du futur système d’ACS, il semble d’ores et déjà préférable de pouvoir le faire évoluer vers quelque chose de plus proche du dispositif de vigilance crues mis en œuvre sur les cours d’eau réglementaires, en y intégrant une estimation des impacts occasionnés par les crues. Les raisons militant en faveur de cette évolution sont les suivantes : - l’analogie avec le dispositif de vigilance crues favorisera une bonne compréhension et donc une utilisation appropriée des ACS.

- les cours d’eau non jaugés soumis aux crues-éclair ne sont que rarement couverts par des cartographies des zones inondables. De ce fait, les enjeux exposés sont très difficiles à identifier sur ces cours d’eau sauf pour les acteurs qui connaissent très bien le contexte local, d’où l’intérêt d’intégrer directement cette information sur les enjeux dans les dispositifs de prévision et de transmission d’information.

- plus que la hiérarchisation de l’intensité des phénomènes, c’est la hiérarchisation des impacts possibles qui permet aux gestionnaires de crise de bien préparer leurs interventions et d’être véritablement efficaces. L’information sur les impacts possibles est donc essentielle notamment pour les gestionnaires devant mobiliser et répartir les moyens à l’échelle d’un département par exemple (SDIS, préfet dans le cadre d’une Cellule Opérationnelle de Défense et un plan ORganisation des SECours).

1.4 Objectifs de la thèse

Au regard du constat qui précède, les objectifs de le thèse ont été définis, en accord avec le SCHAPI, de façon à rendre possible une évolution ultérieure du système d’avertissement crues soudaines (ACS) vers une prévision des impacts. Il s’agissait donc principalement de proposer une base méthodologique, reposant sur un modèle hydrologique pluie-débit distribué couvrant les petits bassins versants, pour pouvoir réaliser en temps réel une prévision des impacts des crues soudaines.

Pour répondre correctement à cet objectif, les principales contraintes fixées concernaient la compatibilité de l’approche proposée avec le système ACS en cours de déploiement. Ceci impliquait notamment les exigences suivantes :

- approche susceptible d’être déployée à une résolution équivalente à celle du dispositif ACS, soit pour une surface drainée minimale de 5 km2 et sur des tronçons de cours d’eau définis par la Base Nationale de Bassins Versants du SCHAPI ;

- approche suffisamment simple d’application pour pouvoir être déployée sur l’ensemble du territoire national. Ceci implique notamment de pouvoir traiter des grands linéaires de cours d’eau (120 000 km de cours d’eau permanents à l’échelle du territoire métropolitain) ; - approche peu coûteuse en temps de calcul de façon à pouvoir fournir une estimation réactualisée en temps réel toutes les 15 minutes, voire même 5 minutes qui correspond à la résolution temporelle minimale actuelle des données pluviométriques radars et des modèles hydrologiques ;

- approche permettant au minimum de qualifier et hiérarchiser les impacts attendus sur les zones habitées, suivant des catégories prédéfinies, par analogie avec les 4 niveaux de vigilance crues.

La suite de ce mémoire présente l’ensemble des travaux menés au cours de la thèse pour ré-pondre à ces objectifs. Cette présentation a été structurée de la façon suivante : le deuxième chapitre est consacré à la description de la méthodologie proposée, en s’appuyant sur une revue bibliographique ; le troisième chapitre décrit l’étude de cas retenue pour tester cette méthodologie : le TRI d’Alès ; le quatrième chapitre définit le travail d’élaboration et d’évalua-tion d’un catalogue d’emprises inondées, permettant la construcd’évalua-tion d’un modèle d’impacts approprié ; enfin le cinquième chapitre propose une évaluation de l’ensemble de la chaîne de prévision pluie-débit-impacts obtenue, à l’échelle de l’événement, pour l’étude de cas initiale puis en transposant l’approche à un autre secteur.

Chapitre 2

Évaluation des impacts des

crues-éclair : proposition d’une

méthodologie et identification des

verrous

Objectifs du chapitre :

• Décrire les modèles hydrologiques existant adaptés à un réseau hydrographique détaillé. • Présenter des modèles hydrauliques capables de fournir des surfaces inondées sur un

réseau hydrographique étendu.

• Faire le point sur les approches existantes pour l’estimation des impacts. • Définir l’approche adoptée pour répondre aux objectifs de thèse.

C

ontrairement à la prévision des crues mise en œuvre par le SCHAPI sur les cours d’eau principaux (Cf. §1.3.2) qui vise désormais la prévision des inondations, les outils développés jusqu’ici pour la prévision des crues rapides ne tiennent pas compte des enjeux touchés par ces crues. En France, le projet PreDiFlood a permis de commencer à dépasser la prévision hydrologique simple en s’intéressant aux impacts des crues rapides sur les réseaux routiers. Mais la question de l’estimation des impacts des crues-éclair reste jusqu’ici assez peu traitée dans la littérature : les outils de prévision développés se limitent en général à la qualification du phénomène hydrologique. Pour être plus efficace, les outils de prévision des crues rapides doivent désormais évoluer pour proposer des indications sur les enjeux pouvant être touchés au cours d’un événement.

De plus en plus de travaux s’orientent sur le couplage d’un modèle hydrologique à un modèle hydraulique pour prévoir les surfaces inondées et les cotes d’inondations (Laganier et al., 2014). Le couplage suscite des questions sur les modalités de connexions entre les modèles hy-drologiques et hydrauliques pour l’obtention de résultats performants (Lerat et al., 2012), mais également les incertitudes associées à la modélisation couplée hydrologique-hydraulique (Rodríguez-Rincón et al., 2015). La cartographie en temps réel de la prévision des emprises inondées constituerait un outil de grande utilité auprès des services en charge de l’alerter et des opérations de secours (Lerat, 2009), tout particulièrement la prévision de l’extension maximale de cette emprise (Pan et al., 2014). Il semble désormais possible de dépasser les

phases de test des outils de simulation sur des événements de crues passés et de proposer des outils opérationnels amenés à appuyer les décisions de mise en alerte et de gestion de l’eau au cours des inondations à venir (Pinho et al., 2015).

Même si des travaux internationaux proposent quelques éléments de réponse à cette question de la prévision des impacts (Lin et al.,2013), dans le cas des crues-éclair il est important de pouvoir définir une méthode générique, simple et applicable à l’échelle d’un vaste territoire, sur des bassins versants non jaugés (Creutin and Borga, 2003), et non tributaire de jeux de données observés sur des événements passés et nécessitant une phase de calage importante sur des événements et des sites bien documentés.

L’objectif visé dans cette thèse est donc de mettre en place une chaîne de modélisation pour prévoir régionalement les débits à l’échelle de bassins versants de petite surface et évaluer simultanément les emprises inondées correspondantes et les enjeux pouvant être touchés. Pour répondre à cet objectif innovant, la chaîne de modélisation envisagée doit intégrer :

- l’utilisation d’un modèle de simulation hydrologique existant afin d’estimer des valeurs de débits sur un territoire étendu, particulièrement sur les cours d’eau non jaugés ;

- l’application de méthodes de calcul de surfaces inondées, pour pouvoir calculer des em-prises en temps réel ou générer a priori un catalogue d’étendues submergées pour différentes intensités de crues (figure2.1). Compte tenu de l’étendue possible des territoires couverts, de la précision spatiale souhaitée et des contraintes de temps de calcul, c’est la seconde solution qui a été retenue dans cette thèse.

- la réalisation d’un modèle d’impacts, permettant d’établir une relation continue entre le débit et les impacts associés à partir des étendues de surfaces inondées produites pour chaque bief de cours d’eau (figure 2.2) ;

En s’appuyant sur ces trois composantes, la chaîne de modélisation obtenue permettra de calculer, sur une séquence complète de débits simulés par le modèle pluie-débit, la séquence des impacts estimés correspondante (figure 2.3).

Figure 2.3 – Estimation du nombre de bâtiments inondés à l’échelle de chaque bief de cours d’eau au cours de l’événement de crue du 22 octobre 2008 à 3h00 (Secteur du Territoire à Risque Important d’inondation d’Alès)

Le travail de thèse consiste à appliquer et tester cette méthodologie à l’échelle du Territoire à Risque important d’Inondation d’Alès (Gard). La méthodologie proposée sera testée dans un second temps sur la crue de la rivière Argens de 2010. L’objectif est d’une part de mettre en place la chaîne de modélisation pour le calcul des impacts estimés, et d’autre part de produire les cartes associées pour différents événements de crue de façon à pouvoir visualiser l’évolution spatio-temporelle des impacts estimés.

Les sections suivantes seront dédiées à l’état de l’art concernant les trois principaux com-posants nécessaires à la mise en place de la chaîne de modélisation pluie-débit-impacts : la prévision hydrologique sur un réseau hydrographique détaillé, la modélisation automatisée des emprises inondées, et les méthodes d’identification de la vulnérabilité et des impacts au sein de ces emprises.

2.1 Prévisions hydrologiques sur un réseau

hydrogra-phique détaillé

Avant d’envisager une modélisation en temps réel de l’étendue des surfaces inondées sur un réseau hydrographique intégrant les secteurs jaugés et non jaugés, il est nécessaire de disposer de mesures et de prévisions quantitatives et spatialisées des pluies et d’employer un modèle pluie-débit distribué sur l’ensemble de la région pour anticiper les débits atteints (Cole and Moore, 2009).

La modélisation pluie-débit visée, dans le cadre de la thèse, doit être adaptée aux objectifs ci-dessous :

- fonctionner sur un nombre de bassins de petites tailles (surface minimale de 5 km2), et non jaugés ;

- être déployée de manière opérationnelle, en temps réel, sous entendant l’emploi d’un modèle avec peu de paramètres et des temps de calculs courts pour être applicable à l’échelle de la France métropolitaine (Laganier et al., 2014) ;

- être adaptée aux caractéristiques spécifiques de la zone d’étude (régionalisation du mo-dèle), dans notre cas, une zone soumise aux risques de crues soudaines et aux caractéristiques d’écoulement variables ;

- prévoir correctement les débits de pointe, dans le but de mieux identifier quelle étendue inondée retenir pour le calcul des impacts.

La suite de ce paragraphe détaille les méthodes proposées dans la littérature pour atteindre les objectifs, à partir des prévisions basées sur la pluviométrie et celles sur la simulation pluie-débit. Une partie est dédiée aux incertitudes et aux recommandations quant à l’usage de la prévision hydrologique dans le cadre de nos travaux.