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2.2 Estimation des emprises inondées sur un réseau hydrographique

2.2.1 La modélisation hydraulique orientée vers la prévention

RFSM

En Angleterre, une méthode "Rapid Flood Spreading Model" (RFSM) a été élaborée dans le but de modéliser la dynamique d’inondation des lits majeurs de cours d’eau en prenant en compte les éléments de topographie tels que les ouvrages de protection à une échelle régionale (Gouldby et al., 2008). La méthode combine une étape de prétraitement suivi d’une étape de calculs hydrauliques.

L’étape de prétraitement identifie les sommets et les dépressions sur un modèle numérique de terrain et détermine également le volume pouvant être contenu dans chacune de ces dé-pressions (figure 2.11).

L’étape de calculs hydrauliques évalue le volume d’eau contenu dans les différentes dépressions de manière itérative. Lorsque la dépression atteint son volume d’eau maximum, il y a un transfert des eaux restantes par déversement dans la dépression voisine (figure 2.12). Les calculs sont réitérés de manière à savoir si ce volume supplémentaire complète les capacité de stockage de cette dépression voisine.

Figure 2.11 – Représentation conceptuelle des zones d’accumulation et des points de communica-tion entre zones d’accumulacommunica-tion, d’après Gouldby et al. (2008)

Les résultats de ce type de modélisation à l’échelle régionale se sont avérés de meilleure qualité que ceux provenant de l’application à l’échelle nationale.

Une transposition de ces travaux a été effectuée sur une zone de 2 025 km2, traversée par l’Elbe en Allemagne (Falter et al., 2013). Les résultats des simulations de l’événement du 18 août 2002, obtenus à partir d’un MNT de 25 m de précision sont proches de l’étendue et des profondeurs levés après l’événement.

Les auteurs précisent que la qualité des résultats de simulations hydrauliques et les temps de modélisations sont principalement contrôlés par la précision des données topographiques. Le déploiement d’un tel modèle à l’échelle nationale de l’Allemagne demanderait des temps de calculs importants : confirmant les capacités de la méthode pour un objectif cartographique de prévention mais pas de prévision en temps réel (Falter et al., 2016). La méthode étant basée sur des volumes d’eau, elle ne peut en effet s’appliquer qu’à partir d’un hydrogramme complet, mais pas constituer des cartes à partir de valeurs fixées de débit (régime permanent).

Figure 2.12 – Schéma des principes de l’algorithme de propagation de l’inondation, d’après

Gouldby et al. (2008)

Les auteurs mettent en garde sur une application de l’approche en zone amont, où les lits des cours d’eau sont plus étroits et l’extension de l’inondation est alors davantage liée au débit de pointe qu’au volume d’eau de la crue.

Combinaison de "Normal Depth Calculation" et de JFLOW2D

D’autres travaux de cartographie des zones inondables ont été effectués en Angle-terre et au Pays de Galles sur 80 000 km de linéaire de cours d’eau à l’aide de deux mo-dèles hydrauliques de complexités différentes : Normal Depth Calculation et JFLOW2D (Bradbrook et al.,2005). Les données topographiques employées ont une résolution plani-métrique de 5 m et une précision altiplani-métrique comprise entre 0,5 et 1 m. Le calcul des surfaces inondées s’est appuyé sur des quantiles de débits disponibles et une segmentation à intervalles réguliers du réseau hydrographique.

La méthode Normal Depth Calculation se base sur l’application de l’équation de Manning-Strickler en faisant donc l’hypothèse d’un régime d’écoulement normal au droit de chaque profil en travers traité (2.1) :

Q= AS

1

2R23

n (2.1)

avec "Q" le débit (m3/s), "A" la section mouillée (m2), "S" la pente (m/m), "R" le rayon hydraulique (m) et "n" le coefficient de Manning déterminé en fonction de l’occupation du lit.

Le calcul est appliqué à une section transversale, qui est divisée en segments d’une largeur équivalente à la taille des cellules du MNT. Le résultat de ce calcul fournit une cote moyenne de la ligne d’eau par profil en travers et par débit (figure 2.13). Le calcul est exécuté en fonction du nombre de débits disponibles dans le but de créer une courbe de tarage au droit de la section transversale.

Dans un second temps, à partir d’outils SIG, les hauteurs d’eau calculées au droit de chaque profil sont interpolées entre les profils et intersectées avec le relief pour déterminer les surfaces inondées.

Une vérification manuelle des profils en travers est préconisée par les auteurs, nécessitant des temps conséquents (2 semaines de vérification pour 15 000 km de cours d’eau).

Le modèle hydraulique 2D, JFLOW, combine l’équation de Manning-Strickler et l’équation de continuité appliquée à chaque cellule du MNT. Ainsi, des surfaces inondées sont simulées sur des tronçons de rivière un kilomètre de longueur. Par la suite, les résultats de chaque tronçon sont agrégés pour former une surface unique de submersion (figure 2.14). L’avantage de la méthode est l’intervention minimale de l’utilisateur. Cependant, pour être fonctionnelle, elle nécessite de grandes capacités de calcul.

Figure 2.13 – Détail du calcul de la "Normal Depth Method" d’aprèsBradbrook et al. (2005)

Figure 2.14 – Résultats des calculs de surfaces inondées à partir de JFLOW 2D au cours d’une simulation à l’échelle d’un tronçon d’un kilomètre, d’après Bradbrook et al.(2005)

Les deux méthodes ont été comparées lorsqu’elles sont appliquées à grande échelle. Elles offrent des résultats de surfaces inondées similaires dans les vallées simples mais elles montrent des différences lorsque les calculs sont réalisés en lits complexes. Dans les deux cas, les temps de calculs et l’expertise attendue de l’utilisateur sont importants : ils ne permettent pas d’envisager un calcul en temps réel.

CaMa- Flood

Le modèle Catchment-Based Macro-scale Floodplain (CaMa-Flood) est capable de cal-culer la dynamique d’inondable d’un lit majeur à partir d’un réseau hydrographique maillé sur les grands cours d’eau mondiaux (Yamazaki et al., 2011). À partir des mailles d’un km2

d’un MNT, le transfert de l’eau est représenté par la simplification de l’équation de Saint Venant permettant de connaître la hauteur d’eau et la surface inondée à l’échelle de chaque maille (figure 2.15).

Figure 2.15 – Illustration des réservoirs de la rivière et de la plaine inondable définis dans chaque maille par CaMa-Flood. Les paramètres et variables sont définis dans Yamazaki et al.(2011)

Les résultats des plaines inondables modélisées sur les grands cours d’eau mondiaux corres-pondent aux observations satellites disponibles. Cependant, les auteurs rapportent de nom-breuses incertitudes sur la relation surface inondée et hauteur d’eau en lien avec la précision et la résolution limitées des données topographiques utilisées.

Le modèle CaMa-Flood a été employé dans la réalisation de cartes du risque d’inondation pour différentes périodes de retour à l’échelle mondiale (Pappenberger et al., 2012). Les résultats de cette étude indiquent que l’approche adoptée permet de produire des cartes des risques d’inondation mondiale réalistes pour différentes périodes de retour.

Cependant, les travaux de recherche avec le modèle CaMa-Flood se sont globalement limités à un déploiement sur les grands cours d’eau mondiaux avec des résolutions de mailles d’un km2 au mieux, paraissant beaucoup trop grossières pour une application sur de petits bassins versants.

WOLF2D

L’administration belge a produit des cartes de l’aléa inondation, pour les quantiles de débit 25, 50 et 100 ans sur l’ensemble du territoire. Les calculs hydrauliques ont été réalisés à partir du modèle d’écoulement à surface libre WOLF2D (Dewals, 2006).

Une étude de cas régionale, s’étendant sur 800 km de cours d’eau, décrit les résultats simulés par le modèle (Detrembleur et al.,2009). Les données topographiques employées permettent de produire des résultats de surfaces inondées basés sur des cellules carrées de 2 m de côté. Les résultats des surfaces en eaux ont été comparés avec les observations d’événements passés, révélant une incertitude globale du modèle inférieure à 10 cm en terme de surface libre (figure

2.16) : des résultats très satisfaisants, liés en partie à la résolution du MNT retenu, mais qui laisse espérer des performances satisfaisantes de l’application de modèles hydrauliques à grande échelle moyennant le choix de modèles adaptés et un choix judicieux de paramètres.

Figure 2.16 – (a) Hauteur d’eau pour un débit de 255 m3/s simulée avec WOLF2D ; (b) Photo-graphie de crue prise au cours de l’inondation de 1998, d’après Detrembleur et al. (2009)

Les temps de calculs nécessaires à la modélisation des étendues inondées ne sont pas précisés dans le cadre de ces travaux. WOLF2D ne semble pas avoir été développé dans le but de prévoir le risque d’inondation mais plutôt dans un contexte de prévention et de cartographie des risques (Detrembleur et al., 2009).

Le niveau de précision des résultats des surfaces inondées obtenus à partir du modèle WOLF2D dépassent la précision recherchée dans le cadre des travaux de thèse.

CARTINO

La méthode CARTINO (CARTographie des INOndations) permet la construction et l’application d’un modèle hydraulique 1D, comme Fudaa-Mascaret Descatoire et al. (2008), en régime permanent et le calcul de zones inondables associées, ceci de façon semi-automatisée à partir de l’exploitation directe d’un modèle numérique de terrain à haute résolution et d’une base de données de quantiles de débits (Pons et al.,2014). Le résultat est une emprise inondée mono-fréquence de période de retour fixée sur l’ensemble du linéaire du réseau hydrographique traité.

Une étude de cas a permis de comparer les surfaces inondées provenant de la méthode CAR-TINO avec celles obtenues à partir d’une modélisation hydraulique expertisée sur un événe-ment extrême de la Directive Européenne Inondation (Cf. figure 2.17).

Figure 2.17 – Comparaison entre la cartographie des surfaces inondées par modélisation auto-matisée (CARTINO) par rapport à celle détaillée sur l’étude de la crue de juin 2010 dans le Var (surface inondée relevée), d’après Pons et al.(2014)

Il s’avère que les résultats obtenus de manière automatisée sont très proches de la surface relevée post-catastrophe, et d’une précision similaire aux résultats générés par la modélisation détaillée sur les secteurs de test.