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Particularités et conséquences du régime de reproduction

2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

2.3. B IOLOGIE DES EUCALYPTUS

2.3.4. Particularités et conséquences du régime de reproduction

2.3.4.1. Caractéristiques du régime de reproduction

Les variations du taux d’autofécondation des eucalyptus sont élevées (Phillips et Brown 1977, Moran et Brown 1980, Brown et al. 1985, Peters et al. 1990, Moran 1992, House et Bell 1994, Moncur et al. 1995, Sampson et al. 1995, Sampson 1998). Il dépend du stade de développement du matériel végétal pris en compte (graines, plantules ou plants adultes), du niveau d’auto- incompatibilité spécifique ou individuelle, de l’espèce, du type de population (peuplement naturel ou artificiel) et de la densité du peuplement. Le taux d’autofécondation moyen sur le genre est de 24%.

Chez E. delegatensis, Moran et Brown (1980) ont observé, à partir de graines, des variations du taux d’autofécondation selon la durée de leur stockage. Il était de 34, 22 et 15% pour trois lots de graines récoltés trois années consécutives dans la même population. A partir de plantules d’E. pellita, House et Bell (1996) ont déterminé des taux d’autofécondation compris entre 27 et 55% selon les populations. Les variations individuelles peuvent être très importantes. Hardner et Potts (1995) ont montré, chez E. globulus, que le taux individuel d’autofécondation allait de 0 à 74%. Griffin et al. (1987) ont obtenu, à partir de graines, un taux d’autofécondation de 44% en pollinisation libre chez E. regnans. En pollinisation contrôlée, le mélange autopollen et allopollen en proportion 1 : 1 a donné, au final, un taux d’autofécondation de 20%. A partir de plantules d’E. globulus, Hardner et al. (1996) ont observé un taux moyen d’autofécondation nul en peuplement fermé et de 0,52 pour des arbres isolés distants entre eux d’au moins 100 mètres.

Caractère Age (ans) E. grandis E. regnans E. nitens E. globulus E. gunnii E. tereticornis

Production

grainière - 87 (auto vs allo)

1 72 (auto vs allo) 12 84 * (auto vs allo) 8 74 * (auto vs allo) 5 73 (auto vs allo) 13 Taux de survie 9 12 26 (auto vs libre) 3 57 (auto vs libre) 3 Hauteur 1 1,5 2 4 9 12 38 **1 30 (auto vs allo), 21 (auto vs libre), 12 (libre vs allo) 11 10 (auto vs allo) 9 22 (auto vs allo) 9 17 (auto vs allo) 9 11 (auto vs allo) 9 10 (auto vs libre) 3 12 (auto vs libre) 3 27 ** (auto vs allo) 4 28 *** (auto vs allo) 4 14 ** (auto vs allo) 4 17 * (auto vs allo) 5 22 * (auto vs allo) 5 26 * (auto vs allo) 5 13 ***6 25 (auto vs allo), 12 (auto vs libre) 10 Diamètre 1 2 4 7 9 12 18 (auto vs allo) 9 20 (auto vs libre) 3 16 (auto vs libre) 3 22 ** (auto vs allo) 4 24 ** (auto vs allo) 4 28 ** (auto vs allo) 4 19 ns (auto vs allo) 5 21 * (auto vs allo) 5 24 * (auto vs allo) 5

Surface terrière 4 50 * (auto vs allo) 5 37 ** (auto vs allo) 4

Volume 2

3

4 57

* (auto vs allo) 2

37 * (auto vs allo) 9 40 ** (auto vs allo) 4

17 (libre vs allo) 7 48 * (auto vs allo) 5 23 * (libre vs allo) 5 48 * (auto vs allo) 8 22 * (libre vs allo) 8

(n.s., * , **, *** : non significatif au seuil de 5%, significatif au seuil de 5, 1, 0,1%, auto : autofécondation, allo : allofécondation, libre : pollinisation libre), 1) Hodgson 1976c, 2) Van Wyk 1981, 3) Eldridge et Griffin 1983, 4) Hardner et Tibbits 1998, 5) Hardner et Potts 1995, 6) Potts et al. 1987, 7) Hodge et al. 1996,

Premier chapitre – Introduction générale : Revue bibliographique

En verger à graines ou en plantation, ce taux diminue aux alentours de 10% (Ellis et Sedgley 1993, Campinhos et al. 1998, Junghans et al.1998). A partir de plantules provenant de graines récoltées dans un essai brésilien d’E. urophylla, Gaiotto et al. (1997) ont révélé 10% d’autofécondation. Yeh et al. (1983) ont déterminé un taux de 15% dans un verger à graines d’E. citriodora. A partir de plantules d’E. regnans, Moran et al. (1989) ont comparé un peuplement naturel et un verger et obtenu respectivement un taux d’autofécondation de 26% et de 9%. Au Brésil dans un verger à graines de clones d’E. grandis, Sato et Mori (1996) ont observé un taux de 13%.

2.3.4.2. Effets de la dépression consanguine chez les eucalyptus

Les différents types de croisements consanguins, autofécondation, croisement entre plein-frères, demi-frères, etc., conduisent globalement à une perte de « fitness » (production de graines viables, croissance en hauteur et accès à la lumière). Le système mixte de reproduction des eucalyptus aboutit à la présence d’individus issus d’autofécondation dans les descendances produites en pollinisation libre. Chez les eucalyptus, dès les premières générations, la dépression consanguine s’exprime à plusieurs stades du développement des arbres. La plupart des études traitant de la consanguinité s'appuie sur la comparaison d’individus issus de pollinisation libre ou de croisements contrôlés en autofécondation et en allofécondation (tableau 4).

Le nombre de graines viables par capsule, obtenues par autofécondation, varie en fonction de l’espèce et des individus. A ce niveau, la dépression due à l’autofécondation est largement documentée, elle s’exprime globalement par une diminution du pouvoir reproducteur : 10% pour

E. urophylla (Eldridge 1978), de l’ordre de 50% pour E. urnigera, E. regnans mais avec des variations

individuelles entre 7 et 47% (Griffin et al. 1987, Potts et Savva 1989, Sedgley et al. 1989), aux alentours de 70% pour E. gunnii, E. nitens, E. globulus et E. ovata (Potts et Savva 1989, Tibbits 1989, Hardner et Potts 1995), et enfin 90% pour E. grandis, E. morrisbyi et E. woordwardii (Hodgson 1976c, Potts et Savva 1989, Sedgley et Smith 1989). En dehors des aspects quantitatifs, Hodgson (1976b) a observé un accroissement du nombre de plantules anormales Il en distingue 15 types pour E. grandis, qui vont des plantules albinos à celles possédant 3 cotylédons ou présentant des feuilles anormales.

pas mis en évidence de différence chez E. globulus jusqu’à 43 mois et chez E. nitens jusqu’à 9 ans. Pour E. regnans, Eldridge et Griffin (1983) ont observé des différences significatives au-delà de 5 ans soit un taux de mortalité de 22, 26 et 57% respectivement à 5, 9 et 12 ans et demi. Pour cette même espèce à 10 ans, Hardner et Potts (1997) ont obtenu un taux de mortalité de 62% pour les individus autofécondés et de 40% pour ceux issus d’allogamie. Potts et al. (1987) ont mis en évidence des différences significatives à la pépinière et dès la première année au champ sur

E. gunnii. Hardner et Potts (1995) comme Moran et Brown (1980) ont suggéré qu’il existe, en

pollinisation libre, une contre-sélection des individus consanguins pendant la période post- zygotique.

Les effets dépressifs liés à la consanguinité s’expriment également sur les caractères de croissance (hauteur, diamètre, surface terrière, volume) et apparaissent assez tôt. Ils ont été observés dès la première année pour E. globulus, E. grandis, E. gunnii et E. nitens (Hodgson 1976c, Wyk 1977, Wyk 1981, Potts et al. 1987, Hardner et Potts 1995, Hardner et Tibbits 1998) ou plus tard à 20 mois pour E. regnans (Griffin et Cotteril 1988). Pour des plants d’E. globulus de 43 mois, la dépression consanguine atteignait 26% sur la hauteur, 24% sur le diamètre et 48% sur le volume. Chez

E. regnans, les effets au même âge étaient moins importants : 11, 18 et 37% sur les mêmes

caractères (Griffin et Cotteril 1988). Eldridge et Griffin (1983) n’ont pas observé d’augmentation de la dépression avec l’âge. Hardner et Potts (1995) ont expliqué les performances moyennes des individus obtenus en pollinisation libre par le fait qu’une part de ces individus provient d’autofécondation.

Les essais comparatifs de provenances, menés à Madagascar, ont montré que les variétés locales sont moins performantes que les provenances de l’aire d’origine. De plus ils montrent des défauts de branchaison caractéristiques des effets de la dépression consanguine (Bouvet et Andrianiriana 1990, Ranaivoson 1993).

Le coefficient de consanguinité après une génération est de 0,500, 0,250 et de 0,125 respectivement dans le cas d’autofécondation, de croisement entre plein-frères et entre demi- frères (Falconer 1974). Si l’on estime qu’il existe une relation linéaire entre la dépression consanguine et le coefficient de consanguinité, une augmentation d’un dixième de ce dernier entraînerait une baisse de 5 et de 10% respectivement sur la hauteur et le volume pour E. globulus (Hardner et Potts 1995). Des résultats similaires ont été obtenus sur Pinus radiata (Sedgley et Smith 1989), Pinus elliottii (Matheson et al. 1995) et E. grandis (Reddy et al. 1985). Durel et al.

Figure 16. Intégration de l'eucalyptus dans le paysage des hauts plateaux malgaches - Région Manjakandriana (Antananarive)

Figure 17. Plantation d'E. grandis sur les sols dégradés de Madagascar - Station de Mahela (Brickaville)

Figure 18. Régénération naturelle d’espèces locales sous un couvert d’eucalyptus - Région de Mangatasoa (Mahajanga)

(1996) ont observé sur Pinus pinaster un taux de dépression consanguine de 27% sur la hauteur, 37% sur la circonférence et 63% sur le volume pour un coefficient de consanguinité de 0,75. D’autres travaux chez E. globulus ont montré que 20% d’autofécondation au moins diminuait significativement les performances agronomiques à 4 ans (Hardner et al. 1996). Ce seuil serait de 40 % pour E. grandis au même âge (Burgess et al. 1996). Cette dernière espèce semble moins sensible aux effets de la dépression consanguine mais les résultats varient selon le type de matériel végétal étudié. Après une génération, Wyk (1981) a montré que les individus issus d’autofécondation et de croisement entre plein-frères présentaient des performances inférieures en croissance, respectivement de 40% et 15% par rapport aux individus provenant d’allofécondation. En revanche, il n’a pas mis en évidence d’effet pour les individus de croisement entre demi-frères.

De la pollinisation au jeune plant, la sélection naturelle n’est pas suffisante pour éliminer la totalité des individus consanguins. Celle-ci intervient encore lors de la compétition dans la régénération naturelle. Hardner et Tibbits (1998) estiment que les conditions expérimentales des essais au champ limitent les effets de compétition qui pourraient exister dans la régénération naturelle. Les individus issus d’autofécondation sont dans ces conditions moins soumis à la sélection et les effets de la dépression consanguine sont sous-estimés.

En conclusion, l’ensemble de la bibliographie s’accorde donc sur l’importance de la dépression consanguine chez les individus issus d’autofécondation. La contre-sélection de ces génotypes (F=0,5) affecte à des degrés divers, en fonction de l’espèce et très certainement du milieu, toutes les phases du développement depuis la fécondation jusqu’à l’âge adulte. Les individus plus faiblement consanguins, issus des croisements entre plein-frères et demi-frères par exemple, semblent beaucoup moins affectés, ceci probablement en raison de la très forte hétérozygotie existante.