• Aucun résultat trouvé

2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

2.3. B IOLOGIE DES EUCALYPTUS

2.3.2. Biologie de la reproduction

Dans l’aire naturelle, la biologie de la reproduction des eucalyptus est faiblement documentée. Les études n’ont porté que sur quelques espèces d’intérêt commercial dont les besoins en graines de qualité, par exemple, sont importants et stratégiques comme E. delegatensis (Moran et Brown 1980), E. grandis (Martins-Corder et Lopes 1997, Junghans et al. 1998), E. pellita et E. scias (House et Bell 1996), E. regnans (Griffin et al. 1987, Griffin et Cotteril 1988) ou E. urophylla (House et Bell 1994, Hardner et Potts 1995, Hardner et al. 1996).

D’autres travaux concernent les espèces ayant une aire de répartition restreinte et posant des problèmes liés à la conservation des ressources génétiques en peuplement naturel : E. rameliana (Sampson et al. 1995), E. parvifolia (Prober et al. 1990), E. paliformis (Prober et al. 1990),

E. pulverulenta (Peters et al. 1990), E. spathulata, E. cladocalyx et E. leptophylla (Ellis et Sedgley 1992)

ou à des problèmes phytosanitaires chez E. marginata (Millar et al. 2000).

Les observations directes de la floraison (durée de floraison, biologie florale, cycle phénologique,

etc.) sont réalisées pour les besoins des travaux de croisements interspécifiques en pollinisation

contrôlée (Griffin 1980, Griffin et al. 1988, Law et al. 2000). Il n’existe pas de travaux consacrés à la comparaison de la biologie de la reproduction dans l’aire naturelle et en zone d’introduction.

2.3.2.1. Biologie florale

Chez les eucalyptus, les inflorescences présentent différents degrés d’expansion, d’agrégation ou de compaction des fleurs. L’inflorescence unitaire est généralement appelée ombelle, bien qu’il s’agisse d’une cyme bipare condensée où les axes intermédiaires sont totalement réduits (figure 12). Le nombre de fleurs par inflorescence peut varier de 3 à 15 d’une espèce à une autre. Chez

E. grandis, les inflorescences sont simples et axillaires, constituées par 7 fleurs (figure 13).

La fleur bisexuée et apétale des eucalyptus est adaptée à la pollinisation entomophile sans qu’il existe une spécificité entre l’insecte et la fleur. Celle-ci porte de nombreuses étamines, portées par un staminophore, qui lui donnent sa couleur jaune crème, et des nectaires (figures 14 et 15). L’ovaire est du type infère surmonté par le style. Le nombre d’ovules est variable dans le genre : de quelques dizaines chez E. fastigata (Boland et Sedgley 1986, Sedgley et al. 1989), E. sieberi et

ovules fertiles et d’autres part des ovulodes non fonctionnelles. Les tubes polliniques ne pénètrent pas les ovulodes (Sedgley et al. 1989). Leur fonction est encore obscure et leur structure diffère d’une espèce à l’autre. Leur disposition est un caractère utilisé en taxonomie (Carr et Carr 1962). Les ovules sont répartis dans 3 à 5 loges, appelées locules, disposées sur une ou deux rangées selon les espèces. Le nombre de locules est variable à l’intérieur d’une même espèce alors que le nombre d’ovules reste généralement stable.

2.3.2.2. Pollinisation

Les productions abondantes de pollen et de nectar rendent les arbres en floraison attractifs pour de nombreux insectes. Les insectes pollinisateurs sont très variés : petits coléoptères, diptères, hyménoptères, lépidoptères, hémiptères (Hodgson 1976a, Pryor 1976) et l’abeille domestique,

Apis mellifera, le plus fréquent. Ce mode de pollinisation, associé à une protandrie bien marquée,

favorise l'allogamie sans exclure le croisement entre fleurs d’un même individu (geitonogamie). Quelques espèces d’eucalyptus sont visitées par de petits oiseaux ou de petits mammifères (Sampson et al. 1995).

En Afrique du Sud, comme dans d’autres pays, E. grandis est une espèce mellifère (Loock 1970, Moncur et al. 1995, Davis 1997). L’apiculture favorise ainsi la pollinisation par les abeilles domestiques (Moncur et al. 1993, 1995). La composition du nectar des eucalyptus est plus riche en hexoses (glucose et fructose) qu’en saccharose (85%/15%). Les abeilles domestiques sont attirées préférentiellement par les espèces produisant ce type de nectar (Davis 1997). Le comportement des abeilles domestiques est relativement bien documenté. Leur présence favorise les rendements grainiers mais leur efficacité sur le brassage génétique n’a pas été étudiée. Elles sont généralement sélectives sur le type de fleurs (couleur, odeur, etc.) et leurs visites se confinent souvent à un arbre et ses proches voisins (Moncur et al. 1995, Jackson 1996, Davis 1997). L’origine du pollen récolté sur leur corps confirme qu’elles ont un comportement grégaire, elles exploitent la ressource et y reviennent tant qu’elle est suffisante. Néanmoins, les échanges de pollen à l’intérieur des ruches conduisent à l’observation de distances de pollinisation de plusieurs kilomètres (Vaissière et al. 1996). A l’opposé, les visites des abeilles sauvages sont plus aléatoires et elles transportent simultanément du pollen de plusieurs espèces (Free et Williams 1972).

L’anthèse précède la réceptivité du stigmate de 5 jours chez E. grandis et jusqu’à 15 jours pour

Premier chapitre – Introduction générale : Revue bibliographique

1976b, Sedgley et al. 1989). La réceptivité du stigmate est synchrone avec l’apparition de la pigmentation de la zone nectarifère. Les grains de pollen ne germeront qu’au moment de la sécrétion d’exsudat produit par le stigmate lors de sa période de réceptivité. Les tubes polliniques se propagent entre les cellules du tissu de transmission (Sedgley et al. 1989, Sedgley et Smith 1989). Le nombre de fleurs fécondées par inflorescence doit être suffisant pour qu’elles se maintiennent jusqu’à la maturité des fruits. Le délai entre la germination du pollen et la fécondation proprement dite varie, selon les espèces, de 24 heures à une semaine (Sedgley et al. 1989). Après la fécondation, une zone d’abscission apparaît à la base du style et juste après, celui- ci se détache de la fleur.

Les mécanismes limitant l’autofécondation sont différents d’une espèce à l’autre. Ils interviennent à différents niveaux situés entre la croissance des tubes polliniques dans le style et la maturité de la graine. Sur E. regnans, Sedgley et al. (1989) n’ont pas observé de différences, jusqu’à 16 semaines, dans le développement des embryons et de l’endosperme entre les croisements issus d’autofécondation ou d’allofécondation. Une autre étude a montré que la pénétration des tubes polliniques dans les ovules est réduite en autofécondation (Sedgley et Smith 1989). Pour d’autres espèces, la compétition entre les tubes polliniques peut limiter la proportion d’autopollen dans le style (Boland et al. 1987). En revanche, aucun résultat ne montre d’auto-incompatibilité stigmatique. Les mécanismes post-zygotiques limitant le nombre d’individus autofécondés sont peu documentés. Il s’agirait plus d’une compétition pour les ressources entre embryons puisque la proportion d’individus issus d’autofécondation par capsule décroît avec le temps (Hardner et Potts 1995, Moran et Brown 1980). Sedgley et Smith (1989) ont montré que l’autopollen entraînait une forte chute des fleurs après la pollinisation. Au final, il ne restait que 10% des fleurs pollinisées par de l’autopollen comparé aux 30% en allogamie.

2.3.2.3. Production grainière

L'aptitude à produire des graines, régulièrement et en quantité suffisante, constitue un des critères principaux pour le développement d’une espèce en reboisement. L'âge d’entrée en production est très variable d'une espèce à une autre (Florence 1996, Cremer 1971) : de 2-3 ans pour certaines espèces (E. tereticornis) il peut aller à plus de 25 ans pour d'autres (E. regnans). Mis à part quelques espèces comme E. grandis qui fructifient régulièrement, il y a souvent une alternance entre une bonne année de fructification et une ou plusieurs années de faible production (Setterfield et

Tableau 3. Comparaison, chez les eucalyptus, du nombre de graines par capsule en fonction du type de croisement

Graines viables par capsule Sources

Espèce Nb

d’ovules Pollinisation libre pollinisation Auto- Pollinisation croisée

E. alba 160 6,0 (3-11) 1,0 22,0 Moncur et al. 1995

E. albens - 2,0 (0,1-4,4) - - Burrows 1995

E. bicostata - 7,6 - 13,5 Moncur et al. 1995

E. camaldulensis E. camaldulensis E. camaldulensis 130 - 179 13,0 (4-27) - 25 - - - - 55 (maximum) - Moncur et al. 1995 Oddie et McComb 1998 Doran et Burgess 1993

E. cladocalyx 57 - 0,5 1,6 Ellis et Sedgley 1993

E. delegatensis 38 3,3 - - Boland et Martensz 1981

E. fastigata 17 2,4 (1-5) - - Moncur et al. 1995

E. globulus - 15 (10-20) - 38,0 Volker et al. 1990

E. grandis E. grandis E. grandis - - - 5,8 (2-16) - - 2,4 (0-10) 0,2 1,2 30,7 (1-68) 3,0 3,0 Hodgson 1976a Moncur et al. 1995 Hodgson 1976b

E. gummifera 36 1,2 (0-3) - - Moncur et al. 1995

E. leptophylla 33 - 0,8 2,7 Ellis et Sedgley 1993

E. leucoxylon - 5,7 (5-7) 1,2 (0-2) - Ellis et Sedgley 1993

E. melliodora - 4,6 (1-17) - - Burrows 2000

E. nitens 35 3,8 2,2 7,9 Tibbits 1989

E. paniculata 108 2,1 (0-8) - - Moncur et al. 1995

E. regnans - 4,1 2,6 4,2 Eldridge et Griffin 1983

E. saligna 159 1,8 (0-15) - - Moncur et al. 1995

E. spathulata 40 - 1,2 9,2 Ellis et Sedgley 1992

E. sieberi 24 1,6 (0-4) - - Moncur et al. 1995

Premier chapitre – Introduction générale : Revue bibliographique

Trois mois après la fécondation, le fruit se développe en une capsule lignifiée. Les graines se détachent du placenta mais restent dans les loges obstruées par les valves. Le temps de maturation varie d’une espèce à une autre et il dépend des conditions climatiques. Dans l’aire naturelle, la maturation complète des fruits intervient 8 à 9 mois après la floraison soit de janvier à avril (Boland et al. 1987). A Madagascar, les récoltes se font classiquement en novembre- décembre (6-8 mois après la floraison) ce qui permet d’approvisionner les pépinières à cette période et de planter en janvier-février.

La qualité de la production grainière dépend de la population de pollinisateurs et de leur efficacité pollinisatrice, de la densité de plantation et des conditions climatiques pendant la floraison. On peut l’estimer via le nombre de graines produites par capsule. En pollinisation libre, celui-ci est gouverné par plusieurs facteurs : le nombre d’ovules fertiles, la quantité de pollen déposé sur le stigmate, la période du dépôt, l’origine du pollen, le succès de la fécondation et les interactions entre les différents embryons. Les proportions d’ovules fertiles variant d’une espèce à une autre, on peut imaginer qu’en condition saturante en pollen (pollinisation contrôlée), le nombre de graines viables par capsule traduise le nombre maximum possible par rapport aux ressources allouées à leur développement. Pourtant, il est largement en deçà du nombre d’ovules présents par fleurs. D’une manière générale, en pollinisation libre, le nombre de graines viables par capsule est faible par rapport au nombre de tubes polliniques atteignant les ovules (Sedgley et Smith 1989). Au final, le nombre de graines viables par fruit va de quelques unités à 2 ou 3 dizaines (tableau 3). Ces résultats sont caractéristiques des Myrtaceae (Beardsell et al. 1993). Les variations entre les capsules sont importantes puisqu’on trouve des minima proches de zéro et des maxima jusqu’à 25-30 graines par capsule. Pour une espèce donnée, la production grainière va principalement dépendre de l’origine du pollen (auto- ou allopollen). Selon les espèces, le rapport entre le nombre de graines produit en allofécondation et celui obtenu en autofécondation est de deux à plus de dix.

Plusieurs hypothèses sont émises pour expliquer les différences entre le nombre de graines produites en pollinisation libre et le nombre d’ovules :

- la quantité de pollen déposée sur le stigmate est limitante ;

- la proportion d’ovules non fertiles est importante, elle est, par exemple, de 46% chez E. regnans (Sedgley et al. 1989) ;

- le taux d’autopollen n’est pas négligeable et conduit à une perte de production en graines du fait des mécanismes d’auto-incompatibilité ;

- les grains de pollen d’origines différentes et les embryons produits sont en compétition conduisant à la réduction du nombre de graines viables dans les capsules (Mitchell 1997, Cowan et al. 2000, Quesada et al. 2001).

Chez E. grandis, la production moyenne, en pollinisation libre, se situe aux alentours de 6 graines viables par capsules (Hodgson 1976b) correspondant à la taille relativement petite des capsules. La quantité de graines au kilogramme est de 1-1,5 millions, les fruits demeurent non déhiscents tant qu’ils ne sont pas détachés de la branche et peuvent rester jusqu’à deux à trois années sur l’arbre. Les graines ne sont dispersées que par le simple effet de la pesanteur et très peu de graines sont dispersées au-delà d’une distance égale à deux fois la hauteur de l’arbre considéré (Boland et

al. 1987, Florence 1996).

2.3.3. Facteurs environnementaux influençant la floraison et la