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l’enfant autiste

A. Particularités de l’intégration sensorielle

Les autistes présentent des particularités sensorielles significatives, qu’il est important de prendre en compte pour accéder à une meilleure compréhension de leur fonctionnement et de leur comportement, c’est d’ailleurs ce que O’NEIL dit : « Apprendre comment fonctionnent les sens de chaque individu autiste est l’une des clés essentielles pour comprendre cette personne » [8, p. 63]. 


1. Hypo ou hyper-sensibilité


[8] Les expériences sensorielles possibles chez les autistes sont nombreuses et variées. Elles se manifestent de manière intenses et continues. D’ailleurs, chaque personne autiste présente sa propre affinité avec les expériences sensorielles et perceptives. Il s’agit de prendre chaque sujet dans sa singularité. 


Ici, il s’agit de s’intéresser en particulier aux phénomènes d’hypo et hypersensibilité, ce ne sont pas les seules expériences sensorielles possibles : il en existe de nombreuses, O. BOGDASHINA les a référencé dans son livre. 


Selon C. DELCATO, l’hypersensibilité est le résultat d’une surcharge d’informations, le cerveau est alors en difficulté pour toutes les traiter. À l’inverse, l’hyposensibilité illustre la faible production de stimulations ce qui prive le cerveau d’un nombre d’informations. En fait,

« l’hyper- sensibilité signifie une sensibilité intense, exacerbée, excessive et l’hyposensibilité, une sensibilité située au-dessous de la normale » [8, p.77]. Ces particularités se retrouvent pour tous les sens et selon F. JOLY : « il existe en effet une constante autistique résidant dans l’alternance énigmatique à la fois d’hypo et d’hyper-sensibilité vis-à-vis des stimulations auditives, visuelles, tactiles, labyrinthiques et gustatives » [43, p.47].


Clara est une petite fille autiste âgée de 7 ans. Elle présente une hypo-sensibilité visuelle : elle est attirée par la lumière, elle utilise la lampe de poche pour se créer des sensations en se la plaçant tout près des yeux. De plus, cette petite fille présente aussi une hyper-sensibilité auditive : elle se couvre souvent les oreilles lorsque le lieu où elle se trouve devient trop bruyant. Elle a recours a un casque anti-bruit pour limiter au mieux les sons.

Cette hyper ou hyposensibilité reflète le défaut majeur d’habituation de ces enfants c’est-à-dire qu’ils ne parviennent jamais à s’habituer à une stimulation sensorielle puisqu’elle ne fait pas trace. Par conséquent, ils seront toujours emprunt à un défaut de modulation du fait de la non-constitution de leur propre enveloppe corporelle. Pour maîtriser cela, ils utilisent la production de sensations au travers d’agrippements sensoriels qui leur permettent d’accéder, au travers d’éprouvés connus et répétitifs, à une certaine perception de leur corps propre et de pallier au défaut de représentation. En clair, ce phénomène de non-contrôle des informations sensorielles « s’illustre au quotidien dans la manière si paradoxale d’habiter ou plus justement d’« inhabiter » son corps » [43, p.41]. C’est important d’avoir cela en tête pour pouvoir comprendre l’impact des stimulations sensorielles au quotidien chez ces enfants, à la fois dans le domaine émotionnel, cognitif et comportemental. Ce défaut d’intégration sensorielle est en partie à l’origine des difficultés d’adaptation des enfants autistes.

« les personnes avec autisme vivent dans un monde de perception qui conditionne leur façon d’être et leur savoir-faire » [57, p.199]

2. Singularité dans la traitement de l’information sensorielle

[13] Ces particularités de l’intégration sensorielle peuvent s’expliquer par le traitement des flux sensoriels, qui se fait de manière inadaptée. Les informations sensorielles sont traitées, en majeure partie, par l’intermédiaire de la voie archaïque, laissant la voie récente non exploitée chez les autistes. Cette voie archaïque traite l’information sensorielle de façon qualitative : elle s’intéresse aux caractéristiques concrètes des objets telles que la température, la texture ou la douleur par exemple. C’est au travers de ce système très concret que l’enfant autiste appréhende le monde et s’y protège.


Le maintien des sensations apporte la stabilité dont l’enfant a besoin dans cet environnement trop ou pas assez stimulant. 


Grâce à ces stratégies mises en place, l’enfant autiste diminue ses angoisses en tentant de contrôler au mieux cet environnement. Toutefois, cette façon de se défendre de l’environnement extérieur impacte sur le développement de la construction de soi. En effet, selon A. BULLINGER « les flux sensoriels sont un des matériaux privilégiés qui alimente l’activité psychique » [13, p.125], or chez l’enfant autiste on vient de démontrer que le traitement de l’information sensorielle est dysfonctionnel. De ce fait, on peut dire qu’ils entravent le développement psychique. D’ailleurs, progressivement, l’enfant se referme et s’isole de son environnement, M. LEMAY dit justement : « le défaut d’ajustement sensoriel amène à un défaut d’ajustement à l’autre » ; seulement on sait que l’enfant ne peut se

construire et se développer seul, il a besoin de l’autre. Ce recours aux sensations le met alors en porte-à-faux pour maintenir la relation, pourtant essentielle à son développement.

Par ailleurs, chez l’enfant la mise en commun des différents sens est essentielle pour s’approprier une image globale du monde extérieur mais aussi de son corps. Cependant, les autistes n’ont pas la possibilité de faire ce lien. En effet, ils présentent un défaut de co- modalisation, c’est-à-dire de coordination entre les différents flux sensoriels, ce qui rend la

prise en compte totale d’un objet ou de leur propre corps impossible. Ce défaut de co- modalisation entraîne une altération dans le développement de la pensée, de l’action et des représentations qui soutiennent l’activité psychique et l’interaction avec cet objet total.

La psychomotricienne passe le vibreur sur la jambe de Thomas qui est assis dans une poussette pour être bien contenu. Tant qu’il ne voit pas l’action, le petit garçon ne prend pas conscience de ce qu’il se passe et semble complètement ignorer les sensations. C’est seulement lorsque nous l’étayons, grâce à l’ajout de canaux sensoriels tels que la vue (il s’agit de l’aider à poser son regard sur ses jambes), qu’il semble éprouver quelque chose.

Comme on l’a précisé auparavant, l’enfant autiste ne montre pas de capacité d’habituation et d’anticipation aux stimulations sensorielles. De ce fait, les décharges toniques et réactions émotionnelles restent déstructurantes et débordantes pour lui. Il vit alors l’expérience d’un corps non investi, déstructuré et fragile.


[40] On peut faire le lien avec ce que D. MELTZER nomme démantèlement. Ces

enfants éprouvent des difficultés à effectuer une synthèse des différentes sensations : elles sont juxtaposées entre elles, sans aucun lien, ce qui entrave de manière significative la façon dont ils perçoivent le monde et dont ils se perçoivent eux-mêmes. Selon cet auteur, ce démantèlement signe une incohérence entre les différentes modalités sensorielles et par conséquent, les différentes parties de la personnalité de l’enfant.

« La sensorialité n’est ici, dans le syndrome autistique, aucunement l’habituel lien au monde, aux objets et aux autres, un lien vecteur d’une psychisation permanent et d’un travail d’appropriation représentationnelle et affective à travers les éprouvés d'un sujet, mais plutôt l’exact opposé d’un mouvement anti-psychique et « évitant » par rapport au monde dans ce que l’on peut appeler une perversion psychomotrice (et un ratage) de ce surinvestissement sensori-moteur. » F. JOLY [41, p.46]

L’enfant autiste ne parvient pas à trouver un appui essentiel dans l’environnement pour éprouver et construire son identité, à l’inverse ce monde est envahissant et limite son développement psychique.