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Pour V. BURY, qui reprend les travaux de A BULLINGER, « la marche sur la pointe des pieds ou sur leurs bords externes reflète une fragilité de toute l’enveloppe

Chapitre 3 : Le psychomotricien comme soutien à

I. Le cadre thérapeutique : entre contenance et sécurité

La réflexion autour de la mise en place du cadre thérapeutique représente un élément essentiel en psychomotricité, l’enfant et le professionnel peuvent s’y appuyer. Nous avons vu dans le chapitre précédent, que l’enfant autiste présente un défaut de contenance majeur. De ce fait, il est important pour lui de pouvoir recourir à des éléments extérieurs qui lui apportent ce sentiment de contenance et de continuité. Sans cette sécurité il n’est pas disponible pour vivre des expériences et donc ne parvient pas à construire son identité. C’est pourquoi, l’installation d’un cadre thérapeutique suffisamment contenant, solide et rassurant est une clé fondamentale dans la prise en charge de l’enfant autiste.


A. Définition

C. POTEL définit le cadre thérapeutique comme : « ce qui contient une action thérapeutique dans un lieu, dans un temps, dans une pensée » [60, p.321]. La réflexion et la mise en place d’un cadre thérapeutique sont essentielles en psychomotricité. Il doit être élaboré, pensé et soutenu à la fois par le psychomotricien mais aussi par l’équipe pluridisciplinaire. 


Selon cette auteur, en psychomotricité, il est nécessaire de mettre en place des conditions spécifiques à l’origine de limites, suffisamment solides et souples à la fois. Elle distingue deux niveaux à ces conditions : l’un plutôt matériel et très concret qu’on peut décrire comme le cadre physique et d’un autre côté elle évoque plutôt le cadre, sous un angle, psychique et symbolique.

1. Le cadre physique

Ce cadre physique regroupe un ensemble de conditions très concrètes : 


- le temps : avec les horaires de la séance, la fréquence et la durée. En effet, il s’agit pour le psychomotricien de proposer une régularité dans les séances pour assurer un sentiment de

continuité et de sécurité à la personne, ainsi on lui permet d’anticiper. De même, la durée de la séance doit être suffisamment adaptée pour offrir des conditions optimales aux expériences et à la mise en jeu du corps : il s’agit de respecter le rythme de chacun. D’ailleurs selon B. GEPNER et C. TARDIF, les personnes autistes « intègrent difficilement et de manière atypique ces informations dans leur propre corps. Incapables d’accorder leur rythme à celui d’un environnement perpétuellement changeant, elles y répondraient souvent avec un temps de latence » [25, p.59]. C’est pourquoi, on sait qu’il est important de pouvoir ralentir nos mouvements et notre parole pour soutenir la compréhension de l’enfant. Enfin, la mise en place de rituels représente un point clé dans la prise en charge : elle assure un sentiment de sécurité, de prévisibilité et favorise la compréhension pour ces enfants. 


- l’espace : l’aménagement de l’espace doit être, lui aussi, pensé par le psychomotricien. Dans le cas des enfants autistes, on connaît leur extrême sensibilité aux différents flux sensoriels : c’est pourquoi, il s’agit d’épurer au maximum l’environnement pour limiter l’émergence d’angoisses. En veillant à cet aménagement, on soutien l’enfant dans ses expériences, pour J. BOUTINAUD la salle est « envisagée comme véritable terrain d’aventure et d’exploration » [10, p.171].


- le matériel : le psychomotricien a la liberté de choisir le matériel qu’il souhaite utiliser avec chaque personne, il « implique sa propre sensibilité et son investissement sensoriel » [10, p. 322], dans ses choix. Par ailleurs, c’est aussi la possibilité pour l’enfant d’y trouver un intérêt particulier, ce qui permet de favoriser son implication. Le matériel peut aussi faire tiers et permettre la mise en jeu symbolique de certaines problématiques : telles que les angoisses corporelles par exemple.


Léo est très angoissé à l’idée des séparations. Lors de la prise en charge psychomotrice, un jeu autour de briques est proposé. Il s’agit de construire un mur avant, de le casser puis de le reconstruire. En effet, Léo peut construire ce mur, puis le détruire. Il est ensuite possible de le refaire et de recommencer l’expérience. Il s’agit d’aborder, avec ce petit garçon, la question du lien : il peut éprouver lui-même la possibilité d’effondrement et de reconstruction successifs et que tout ne disparaît pas.

Avec les enfants autistes ce matériel assure aussi la fonction de « conteneur », c’est- à-dire que leur caractère solide et rigide rassure l’enfant qui va venir régulièrement vérifier que cela tient. C’est pourquoi, avec ces enfants, il faut veiller à ce qu’ils disposent d’endroits à proximité très contenants et rassurants. Il s’agit de privilégier des objets et matériaux qui sont durs et solides. Par exemple, dans mon lieu de stage, les enfants apprécient beaucoup le plancher en bois, matériel dont A. BULLINGER parle dans ses travaux : ce matériel assure un feedback, c’est-à-dire qu’il fait un retour des différentes conduites, mouvements et actions de l’enfant dessus et il permet un certain recrutement tonique. Les enfants s’y installent pour faire différentes expériences et on observe alors une régulation tonique adaptée.


Lucas à tous les débuts de séances s’installe, systématiquement, sur le plancher en bois. Il adopte alors une position assise avec un tonus bien ajusté, de plus il recourt à un appui-dos au travers du mur : il peut alors manipuler différents petits jeux. De même, à chaque fin de séance, il part se réfugier entre le matelas et l’armoire, à la recherche d’un lieu serré, limité et contenant : il a besoin de ce temps pour passer à la suite et revenir sur le groupe.

[10][60] Il est important de veiller à une régularité et une stabilité de ce cadre.La mise en place d’invariants comme le lieu, le matériel, l’horaire, la durée est nécessaire dans la prise en charge de l’enfant autiste : elle permet de remplir un rôle de pare-excitation, c’est-à- dire de protéger l’enfant d’un excès de stimulation qui pourrait le désorganiser. Dans ce climat sécure, et au travers de ces répétitions, l’enfant peut faire l’expérience de quelque chose de continu : la mise en place de repères est possible, il peut anticiper ce qui favorise la mise en jeu et l’expression corporelle. 


Néanmoins, ce cadre peut être amené à subir certains changements : soit de manière involontaire, par exemple lors de l’absence d’un professionnel ou de période de vacances ; soit de manière volontaire, par exemple dans le cas où le psychomotricien souhaite proposer progressivement de la nouveauté à l’enfant. Il s’agit pour le professionnel d’accompagner l’enfant dans ces modifications, pour éviter l’émergence d’angoisses trop importantes : « toute modification, volontaire ou non, doit faire l’objet d’un travail d’accompagnement symbolique auprès de l’enfant » [10, p.170]. 


2. Le cadre psychique

En ce qui concerne le cadre psychique, il est défini par la propre personnalité du psychomotricien, sa manière d’être mais aussi, ses connaissances théoriques qui sont un appui indispensable à l’élaboration de sa pensée et de sa pratique. Par conséquent, chaque psychomotricien est unique et présente ses propres qualités professionnelles et humaines. Toutefois, les psychomotriciens montrent différentes fonctions communes telles que la fonction contenante ou encore de pare-excitation que nous allons décrire plus loin.

Le cadre « ne désigne bien entendu pas seulement le lieu où nous accueillons les enfants pour travailler avec eux mais aussi le propre positionnement du psychomotricien en tant que garant de cet espace. Il inclut donc également le thérapeute et son engagement » [10, p.169].