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La participation aux hostilités : un critère de distinction inapproprié

Chapitre I. Le civil qui participe aux hostilités

3. La participation aux hostilités : un critère de distinction inapproprié

de la protection du civil contre les attaques ennemies basée sur la participation momentanée d’un individu aux hostilités afin de favoriser une plus grande protection de la population civile. Pour résoudre la difficulté créée par l’implication grandissante dans les conflits d’acteurs non étatiques, dont certains exercent des fonctions combattantes sur une base continue, il est désormais suggéré, non plus seulement de distinguer les civils des combattants, mais également les civils qui participent aux hostilités sur une base spontanée et sporadique de ceux qui y prennent part sur une base continue. On réinterprète les Conventions pour prévoir la perte de protection sur la base des fonctions exercées. Suivant le CICR, le statut pourrait même, dans le cas des membres des groupes armés qui exercent des fonctions combattantes continues, varier en fonction de la participation aux hostilités. Ainsi, il pourrait y avoir des membres des forces armées non privilégiés ou des civils non protégés, un scénario que la lettre des Conventions ne semblait pas envisager. En fait, jusqu’à tout récemment, il semblait plutôt que tous ceux qui n’étaient pas des combattants au sens des Conventions devaient être considérés comme des civils370. À ce propos, la Chambre d’appel du TPIY cite avec approbation les Commentaires relatifs au Protocole I:

Tous les membres des forces armées sont des combattants et seuls les membres des forces armées sont des combattants. Ainsi devrait aussi disparaître une certaine notion de « quasi combattants » que

369 Avant, supra note 13 aux pp. 16-17.

l’on a parfois tenté d’accréditer sur la base d’activités en relation plus ou moins directe avec l’effort de guerre. Ainsi également disparaît toute notion de statut à temps partiel, mi-civil mi-militaire, guerrier de nuit et paisible citoyen de jour. Un civil qui est incorporé dans une organisation armée du paragraphe précédent devient un militaire et un combattant pour toute la durée des hostilités (en tout cas jusqu’à ce qu’il soit définitivement démobilisé par le commandement responsable prévu au paragraphe 1), qu’il soit au combat ou non, momentanément armé ou non; s’il est blessé, malade ou naufragé, il a droit à la protection des Ire et IIe Conventions (article 44, paragraphe 8) et, s’il est capturé, à la protection de la IIIe Convention

(article 44, paragraphe 1)371.

Dans le cas des forces armées régulières d’un État, l’appartenance est régie par le droit interne et exprimée à travers l’intégration à des unités permanentes, qui se distinguent par le port de l’uniforme, d’un insigne et d’équipement spécifique. Il est, à l’œil nu, relativement aisé de les identifier, de telle sorte que les individus qui participent aux hostilités peuvent distinguer, sur le champ, ceux qui peuvent faire l’objet d’attaques de ceux qui doivent en être épargnés. Tel est également le cas pour les membres des forces armées de facto, qui obtiennent le statut de combattant en respectant certaines conditions propres à assurer leur identification comme combattants. Lorsqu’il s’agit de déterminer si un individu prend part aux hostilités sans pour autant être un combattant privilégié (donc qui s’affiche, en principe, comme tel), la distinction repose sur un critère fonctionnel, qui nécessite une analyse en grande partie juridique et qui requiert l’obtention d’informations précises sur l’identité d’un individu et les fonctions qu’il exerce soit généralement, soit à un moment précis. Il va sans dire que le risque d’erreur est élevé. La participation aux hostilités, qui est excessivement difficile à déterminer et qui ne repose pas, comme le statut, sur des critères visibles, n’apparaît donc pas être un critère de distinction approprié.

La présence de civils armés dans une zone de conflit, même s’ils ne participent pas aux hostilités est, en soi, problématique. Plus il y en a, plus il est difficile pour

371 Sandoz, supra note 50 au para. 1677, cité dans Le Procureur c. Kordic, IT-95-14/2-A, Arrêt (17 décembre

les combattants de distinguer les civils qui participent aux hostilités de ceux qui sont armés à des fins purement défensives. Comme l’écrivait le CICR, « one of the main practical problems caused by various degrees of civilian participation in hostilities is that of doubt as to the identity of the adversary »372. Des soldats seront davantage enclins à employer la force contre des civils qu’ils pensent poser une menace; à l’inverse, des combattants pourraient être réticents à employer la force lorsque celle-ci est appropriée, de peur de commettre un crime de guerre, assumant ainsi des risques accrus.

En semant un doute sur les protections dont bénéficie un individu en raison du fait qu’il exerce possiblement des fonctions combattantes, une brèche est créée dans le principe de distinction, pourtant acquis au prix de lourds sacrifices et des suites d’un compromis difficile à atteindre. Il est bien connu que le fait de retirer à certains civils la protection contre les attaques entraîne des effets néfastes sur la protection qui doit bénéficier à l’ensemble de la population civile, ce pourquoi les auteurs favorisent généralement une interprétation restrictive de la notion de participation aux hostilités et de la perte de protection373. Par contre, l’intervention d’acteurs privés dans les conflits armés incite à favoriser une interprétation plus large, afin d’éviter que ceux-ci ne conservent leur protection contre les attaques tout en participant directement aux hostilités374. Dans ce contexte, certains estiment qu’une interprétation libérale de la notion de participation aux hostilités inciterait les civils à se tenir loin des hostilités afin d’éviter d’être pris pour cibles ou d’engager leur responsabilité pénale375. Tel est l’enjeu auquel faisaient face le CICR et la Cour suprême d’Israël et qui les a incités à réinterpréter les Conventions en élargissant, d’une certaine façon, la notion de participation aux hostilités. L’objectif et leurs efforts sont certes louables, mais il reste que la distinction demeure difficile à faire en pratique. S’il peut s’avérer nécessaire d’adopter une telle interprétation

372 Nils Melzer, « Guide interprétatif », supra note 57 à la p. 74.

373 Targeted Killings, supra note 40 (référant à l‟opinion du professeur Cassese, para. 7); Doswald-Beck,

supra note 129 à la p. 129.

374 Schmitt, « Direct Participation in Hostilities », supra note 2 à la p. 534. 375 Ibid. à la p. 535.

du DIH pour faire face à l’implication dans les conflits armés d’acteurs non étatiques sur lesquels il est pratiquement impossible d’exercer un contrôle, tels les groupes terroristes, la question se pose de savoir si la situation ne devrait pas être évitée en ce qui concerne les entrepreneurs privés mandatés par des États, lesquels disposent de moyens alternatifs pour livrer leur lutte armée et ont, en outre, l’obligation de protéger les civils.

Chapitre II. Le respect du principe de distinction comme