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CHAPITRE 2 : LE RWANDA : UNE MISE EN CONTEXTE

II. En quoi consiste le problème racial indigène?

3- U Rwanda ruratera nti ruterwa : ‘le Rwanda attaque mais ne se fait pas attaquer’ pour souligner l’héroïsme.

4.4.3. La participation au cœur des principes et des mécanismes

Cette participation est également présentée comme découlant des principes fondamentaux de la Constitution d’où, par conséquent, son nécessaire reflet dans les différents mécanismes au niveau central et local. À titre d’exemple, les acteurs sociaux rencontrés notent la participation des groupes minoritaire, vulnérable ou marginalisé qui est garantie par la Constitution. Ainsi, la Constitution prévoit l’attribution d’au moins trente pour cent des postes dans les instances de prise de décision aux femmes (Art. 9, point 4). Ceci se traduit au niveau local dans la composition susmentionnée des différents Conseils et Comités exécutifs. Au niveau central, des quatre-vingt députés élus au suffrage universel et direct secret, vingt-quatre sièges sont exclusivement réservés aux femmes qui sont élues par des organes spécifiques en fonction des entités administratives du pays, deux sièges aux jeunes, élus par le Conseil National de la Jeunesse et un siège à une personne handicapée, élue par le Conseil National des Personnes Handicapées (art. 76). Ces sièges sont réservés à ces groupes de la société quel que soit le résultat des élections des cinquante-trois autres députés élus au scrutin de la liste bloquée. Le

partage du pouvoir enchâssé dans la Constitution est indiqué comme étant aussi garant de la participation. À cet effet, le Président de la République et le Président de la Chambre des Députés ne doivent pas provenir d’une même formation politique (art. 58). Aussi le parti politique majoritaire à la Chambre des Députés ne peut avoir plus de cinquante pourcent de ses membres formant le gouvernement (art. 116).

Au-delà d’une participation assurée par ces principes de représentativité et d’inclusion, les acteurs mentionnent également les principes tels que le droit à l’éducation pour tous et l’enseignement primaire obligatoire et gratuit (art. 40) comme favorisant cette participation. Ce droit à l’éducation pour tous a été traduit en 2006 en une politique d’éducation de base de neuf ans (6 ans au primaire et trois ans de tronc commun premier cycle de secondaire) étendue à douze ans d’enseignement de base (cycle supérieur du secondaire) en 2012. Cette politique vise l’universalisation de l’enseignement primaire et secondaire. Pour un des acteurs, si les effets de cette politique sont, certes, à mesurer par rapport à l’éducation offerte aux enfants rwandais, ils le sont aussi au niveau des changements de mentalités et des perceptions qu’elle engendre. « Avant les gens pensait que l’éducation était réservée à certains et maintenant ils y ont accès. […] Quand la population sait et sent que le système en place pourvoit aux besoins des plus vulnérables, ils se sentent concernés par les politiques en place et interpellés à y prendre part. » (Bernard Makuza, Kigali, 11.09.13) Nombreux sont ceux qui citent cette politique comme un des exemples type de cette « appropriation » par la population des processus de développement du pays via leur participation. En effet, ils expliquent que si cette politique a pu se matérialiser c’est parce que la population l’a fait sienne. Avec cet accès à l’enseignement gratuit, le nombre d’élèves inscrits a pratiquement doublé, ce qui a posé des problèmes logistiques, notamment, d’insuffisance de locaux. Par l’entremise d’une campagne de construction d’écoles, la communauté s’est mobilisée et plus de 3000 classes et latrines ont été construites en cinq mois. Les parents d’élèves, les étudiants d’université, les membres du gouvernement y ont participé, le gouvernement fournissant les matériaux de construction et la population la main-d’œuvre. Il faut d’ailleurs souligner que si la Constitution garantit ce droit à la participation de la population, celle-ci est aussi un devoir. ‘‘Tous les citoyens ont le devoir de contribuer par leur travail à la prospérité du pays, de sauvegarder la paix, la démocratie, la justice sociale et de participer à la défense de la patrie.’’ (art. 47)

Autre mécanisme de participation cité, l’institution d’un Conseil National de Dialogue prévu par la Constitution comme espace de participation directe de la population. Il est prévu par la Constitution que les participants au Conseil discutent des questions relatives à l’état de la Nation, l’état des pouvoirs locaux et de l’unité nationale. Les recommandations issues de ces discussions sont transmises aux instances concernées afin d’améliorer les services rendus à la population. (art. 168) Présidé par le Président de la République, le Dialogue National (Umushyikirano) qui se tient annuellement depuis 2003, offre donc l’occasion aux Rwandais de toutes les couches de la société de poser des questions aux décideurs. Il réunit les membres du gouvernement central et local, du Parlement, la communauté diplomatique, les médias, les représentants de la diaspora. Le débat est radio et télédiffusé en direct du Parlement et il est possible pour les personnes ne pouvant être sur place de participer par téléphone, SMS, Twitter et Facebook. Chaque année, le Dialogue porte sur un thème spécifique et les participants posent des questions relatives au thème ou à toute autre question de développement. Le décideur dont les fonctions relève de la question posée est invité à y répondre directement. En offrant à la population un forum d’échange direct avec les décideurs, le Conseil représente, pour les acteurs, un mécanisme de participation et de gouvernance qui permet à la population de se sentir partie prenante de la prise de décision sur les questions les concernant et de tenir les décideurs imputables.

Ces différents principes et les mécanismes auxquels ils donnent lieu sont donc présentés comme formant la base et les piliers de l’« appropriation » parce qu’assurant à la fois la représentativité et l’accès au pouvoir de groupes marginalisés (femmes, jeunes, handicapés), le partage du pouvoir, l’égalité des chances (éducation pour tous) et l’expression et l’échange des idées. Ils sont garants d’ « appropriation » à travers la participation à la conduite des affaires publiques qu’ils incarnent.