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CHAPITRE 2 : LE RWANDA : UNE MISE EN CONTEXTE

II. En quoi consiste le problème racial indigène?

3.4. La phase de développement (2000 à ce jour)

4.2.2. Kwigira : un impératif historique

Cet objectif d’autosuffisance/autonomie et d’autodétermination fondé sur la dignité humaine et rwandaise est mis de l’avant comme contingente également de l’histoire récente du pays et celle du parti au pouvoir, le FPR.

Kwigira : legs du génocide

Pour de nombreux acteurs, le génocide de 1994 au Rwanda est un élément mobilisateur de taille. Selon eux, dévasté par un génocide qui a coûté la vie à au moins 800 000 personnes, le pays est quasiment appelé à disparaître à la suite de cette tragédie. Face au dénudement des ressources humaines, à l’effondrement des institutions et de l’économie, à l’éclatement de la cohésion sociale, à l’insécurité, le travail de stabilisation et de reconstruction du pays est titanesque. Entre autres leçons dont ce génocide serait porteur pour le peuple rwandais, celui des deux proverbes susmentionnés. Ak’imuhana kaza imvura ihise. [L’aide du voisin n’arrive qu’après la pluie] et ‘Umugabo arigira yakwibura agapfa’ [Tout homme doit se prendre en charge, assurer son autonomie sinon il est comme mort]. On rappelle ici que le génocide s’est déroulé sous les yeux avisés de la communauté internationale qui, en avril 1994, alors que le génocide bat son plein, décide de rapatrier la majorité de sa force de maintien de la paix présente au Rwanda, la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).82 Le bien-fondé de kwigira n’en est plus que rappelé, confirmé et renforcé. Pour les acteurs, le Rwanda a été abandonné et a pu tout de même s’en sortir en comptant sur ses propres forces.

82 À la suite de la mort de dix casques bleus belges qui assuraient la protection de la première ministre de

l’époque, les Nations-Unies décident de réduire l’effectif de leur force de maintien de la paix de 2500 à 250 hommes et le retrait de la communauté internationale (rapatriement des expatriés).

La ligne de conduite du gouvernement est donc de continuer sur cette lancée pour chercher de façon endogène et collective les solutions aux défis auxquels fait face le pays.

Concrètement le génocide joue un rôle : le Rwanda est tombé en dessous de 0 et a pu se relever. Le fait que le génocide a eu lieu et a été arrêté par des Rwandais suscite un sentiment de pouvoir. On a pu. (Bernard Makuza, Kigali, 11.09.13)

Ce pouvoir agissant et cette agentivité tirés de l’expérience du génocide donnent, selon les acteurs, substance et légitimité à cet appel, à cette morale et cette volonté politique d’autonomie et d’autosuffisance.

Pour ces acteurs, si en 2005, la notion d’« appropriation » devient centrale dans le discours international du développement, elle est déjà le fer de lance de la vision, du discours et de la pratique politique du Rwanda post-génocide. La Déclaration de Paris est donc vue comme une opportunité pour le pays de faire avancer dans l’arène internationale ce qui est déjà un agenda national et de tenir les bailleurs de fonds imputable de cet engagement.

Kwigira : leitmotiv/modus operandi du FPR

This [foundation of ‘ownership’ in the Rwandan national and cultural value] also links to the question, why did the RPF come about? It is people who have gone through difficulties by their own. They had to come into their self and claim their own rights. […] They started searching into self-determination. […] Our plight is not recognized so we owe it to ourselves. They started doing things with their own means. (Protais Musoni, Kigali, 11.06.13)

Let us keep mastering our art of getting the most out of the very little we have in our hands. Let us also try and continue to be decent people. (Discours Kagame, 4.10.2012)

Si les leçons du génocide donnent leur impulsion à cette volonté et à cet agenda d’autosuffisance, d’autonomie et d’autodétermination, bon nombre d’acteurs lient également cette impulsion au FPR, à ce qui a donné lieu à sa naissance et à sa possibilité comme mouvement politique.

Ces acteurs rappellent que le FPR est né de la communauté des exilés des pogroms anti-Tutsi de 1958-59, 1961-63 et 1972-73, qui revendique, entre autres, un retour au pays qui leur a toujours été refusé sous le prétexte de la surpopulation et de l’exiguïté du Rwanda. Ils soulignent que si le FPR a pu exister, c’est à travers une prise de conscience progressive, au cours de la trentaine d’années d’exil, par cette communauté que leur situation et leurs revendications ne sont pas entendues et que tout potentiel changement de leur sort repose entre leurs mains. Le FPR, née de la frustration et de la lutte, est donc devenu un mouvement politique et une lutte armée (entre 1990-94) grâce à la mobilisation agissante de ces rwandais réfugiés dans les pays voisins (principalement Ouganda, Burundi, RDC, Tanzanie, Kenya) et de la diaspora rwandaise d’Europe et d’Amérique du Nord. Cette conscience acquise par la force des choses de ne devoir et de ne pouvoir dépendre que sur soi et ses propres moyens explique le fait que cette notion d’autonomie, d’indépendance soit clé pour le FPR. Cette indépendance trouve aussi son assise dans la confiance et la conviction née de la capacité d’avoir mené à terme une lutte armée et un mouvement politique par la seule volonté et les seuls efforts (physiques et matériels) de ses membres, la nécessité et la capacité donc d’être acteur de son propre destin. Cette indépendance, leitmotiv, trouve selon les acteurs, notamment, son expression dans le point 4 et le point 8 du programme politique du FPR.

4. BÂTIR UNE ÉCONOMIE BASÉE SUR LES RESSOURCES PROPRES DU