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4.4 Perspectives et recommandations

4.4.2 Travailler en réseau

4.4.2.2. Avec les partenaires non médicaux

Une étude quantitative en Meurthe et Moselle auprès de 385 médecins généralistes [99], confirme les impressions des focus-groupes. Près de 90 % des médecins interrogés déclarent mal connaître les structures relais médicales ou sociales à leur disposition pour les aider dans la prise en charge des patients précaires.

D’après une thèse de médecine générale de 2011 [100], parmi 31 médecins généralistes interrogés du 13ᵉ arrondissement de Paris, plus de 75 % déclaraient ne pas connaître la PASS de leur secteur. Dans notre étude, plusieurs médecins bien qu’exerçant à proximité de la PASS ont dit ne pas maîtriser ses rôles exacts et quand la solliciter.

Ainsi pour les médecins généralistes, il paraît essentiel de développer son réseau afin de connaître les dispositifs existants (associatifs ou non) qui peuvent aider leur patient et les décharger de certains problèmes sociaux. Les réseaux de santé [101] sont le plus fréquemment des associations de regroupement pluridisciplinaire de professionnels de santé (médecins et infirmiers), de travailleurs sociaux et de personnels administratifs. Leur objectif principal est de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité et l’interdisciplinarité des prises en charge. Inscrits dans la

loi depuis 2002, les réseaux constituent également l’un des principaux dispositifs de coordination des acteurs (sanitaire, médico-social et social) intervenant sur le parcours des patients.

Il apparaît essentiel pour la pratique des médecins généralistes de bénéficier de l’accès aux informations sur les réseaux de soins et les associations existantes afin de les aider dans leur pratique quotidienne avec les patients précaires et/ou bénéficiaires de l’AME. La question se pose de la forme que peut prendre ce support comme l’ont soulevée les médecins des focus-groupes. En Meurthe-et-Moselle, un support d’informations pratiques, disponible sur le site internet de l’Ordre des Médecins [102], pour aider les professionnels à travailler en réseau a été mis en place. On y retrouve un ensemble de « fiches pratiques » à télécharger sur différents thèmes : « Le rôle du médecin dans la prise en charge de la précarité » ou encore « Récapitulatif des numéros urgents sur la fiche précarité », « Associations et services pour des personnes en précarité », « numéro d’accès direct aux associations de la région », explications sur le rôle de certaines associations comme la Cimade ou encore MdM. Un tel dispositif pourrait être mis en place sur Bordeaux Métropole ou en Gironde et à disposition des médecins en ligne sur le site de l’Ordre des Médecins par exemple. Des dispositifs innovants comme CARE (voir plus loin) peuvent également être le support et le relais de ces informations. Une des autres solutions qui pourrait être envisagée est la création d’un site dédié à l’aide à la prise en charge des patients précaires et donc des bénéficiaires de l’AME par les médecins (dans le même esprit que les sites comme antibioclic.com ou dermatoclic.com). Sur le site du « Guide du réfugié » [118], il est possible de trouver les informations utiles et contacts des dispositifs d’aides aux migrants de la région Nouvelle-Aquitaine centralisée sur une seule page internet. Cependant aucun des médecins interrogés ne connaissaient ce site. Il semble important de centraliser les informations sur une même plateforme et de la diffuser afin de ne pas démultiplier les ressources à disposition des médecins et qu’ainsi elles soient moins efficientes.

Avec les médiateurs en santé

Parmi les praticiens interviewés, certains pensent que les bénéficiaires de l’AME, ont besoin d’être accompagnés, tout du moins au début de leur présence sur le territoire, afin de s’approprier les règles de fonctionnement (administratives et sociales) du système sanitaire français, accompagnement pour repérer les lieux et les interlocuteurs essentiellement.

Depuis les années quatre-vingt-dix, la médiation en santé se développe en France [103]. L’article 90 de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a donné un cadre de référence

ainsi qu’une définition de la médiation en santé. La HAS a ainsi élaboré un référentiel de bonnes pratiques en 2017 : elle « désigne la fonction d’interface assurée entre les personnes vulnérables

éloignées du système de santé et les professionnels intervenant dans leur parcours de santé, dans le but de faciliter l’accès de ces personnes aux droits prévus au présent titre, à la prévention et aux soins. Elle vise à favoriser leur autonomie dans le parcours de santé en prenant en compte leurs spécificités. » [104]. Le médiateur suit une formation spécifique et répond à un code déontologique

de la même manière que les interprètes professionnels : confidentialité et secret professionnel, non- jugement et respect de la volonté des personnes. Il est un tiers entre institutions/professionnels et usagers qui ont des difficultés d’accès aux services, il aide les personnes à effectuer des démarches et il les accompagne vers une autonomie progressive (sans injonction à l’autonomie).

Elle concerne aussi bien les patients étrangers migrants donc potentiellement les bénéficiaires de l’AME que d’autres usagers du système de soins comme les habitants des zones urbaines sensibles et départements d’outre-mer, les « travailleurs pauvres » en situation de vulnérabilité sociale, les enfants et les jeunes, les personnes âgées de 55-85 ans en situation de difficulté financière, ainsi que les populations sans logement personnel et en milieu carcéral.

Illustration 11: objectifs de la médiation en santé. Source : [104]

Ainsi, le développement de la médiation en santé sur la Métropole bordelaise comme soutenu par le PRAPS de la nouvelle Aquitaine [105] ou encore via les projets comme CARE (voir plus loin) peut favoriser l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME et également alléger la charge portée par les médecins généralistes.

Avec les interprètes professionnels

Nous l’avons vu, la communication est importante pour établir une bonne relation soignant/soigné et ceci passe par l’interprétariat professionnel. Depuis quelques années, des initiatives apparaissent dans plusieurs régions afin d’améliorer l’accès aux soins des patients allophones. En 2007, dans le cadre de l’action pour favoriser l’accès aux soins en médecine libérale la commission publique de l’Union Régionale des Médecins libéraux d’Alsace (URMLA) en collaboration avec l’ARS et l’association Migration Santé Alsace (MSA) propose de permettre aux populations migrantes de bénéficier d’interprètes professionnels lorsqu’elles consultent en médecine de ville [106]. Ce projet concerne tous les médecins libéraux (généralistes, spécialistes dont les psychiatres). En 2017, un projet similaire a vu le jour dans l’agglomération nantaise et angevine [91].