Des médecins très impliqués et militants

Accompagnement des patients dans le dispositif de l’AME

Parmi les praticiens interviewés, certains pensent que les bénéficiaires de l’AME, nouveaux dans le dispositif ont besoin d’être accompagnés au début afin de mieux comprendre les règles administratives et sociales du système médical français.

F1. Quand on sent que c’est la première fois qu’ils arrivent, ils ont besoin qu’on les accueille en leur disant « voilà ici, quand vous voulez venir nous voir, il faut prendre un rendez-vous, il faut… » Voila… c’est toute une éducation…

Aide à la prise des rendez-vous

Afin de dépasser la barrière de la langue et d’aider leurs patients dans leurs démarches de soin, plusieurs médecins consultés affirment prendre les rendez-vous médicaux à la place de leurs patients.

F11. Je prends les rendez-vous pour eux, avec eux… j’appelle ça prend effectivement plus de temps et ça c’est systématique.

F12. Je vais prendre beaucoup plus de temps (…) et puis prendre le temps de téléphoner aux spécialistes, essayer d’organiser…

F4. On est obligé d’aider les gens qui ne peuvent pas prendre rendez-vous, qui ne peuvent pas faire le lien entre nous et l’extérieur. On a une obligation ne serait-ce que morale de les aider, je veux dire, ça fait partie de notre travail d’être témoin de ce qui se passe, aussi, enfin c’est comme ça que je l’entends. S’ils sont mal reçu quelque part, je prends mon téléphone et j’appelle pour voir ce qui se passe. Ne serait-ce que ça…

D’autres confient cette tâche à leur secrétaire.

F4. C’est la secrétaire qui prend tous les rendez-vous.

F6. Oui voilà, où quand ils ne peuvent pas appeler eux même je demande à ma secrétaire de le faire ou si c’est trop tard je lui demande de le faire le lendemain, ça, ça arrive très souvent.

D’autres utilisent les messages écrits pour faciliter la prise de rendez-vous.

F5. Quand j’ai… Il y a problème de langue, j’écris « demande de rendez-vous » en gros sur ma lettre. Au lieu de faire comme d’habitude j’écris en gros sur ma lettre et comme ils ont souvent du temps je leur dis d’aller à l’hôpital et je leur dis de leur donner ça. Ça devient le messager.

De même certains médecins ont souligné les difficultés pour les patients à se repérer dans la ville. Ils les aident donc à s’orienter afin de se rendre au rendez-vous, en fournissant un plan par exemple.

F6. Rien que d’expliquer dans l’espace où est l’hôpital pour quelqu’un qui vient d’arriver il y a peu de temps et qui est resté cloîtré dans un endroit sans bouger… ben parfois c’est compliqué et il n’y a pas d’autre moyen de présenter les… c’est moins affiché, il y a moins de panneaux.

F12. J’étais obligé de prendre plus de temps pour mieux les comprendre, essayer de… et oui aussi d’être beaucoup plus euh… enfin beaucoup plus les aider dans leur prise en charge enfin leur donner euh je sais pas un plan pour aller à plein d’endroit enfin…

L’implication dépasse parfois le cadre médical : quel est le rôle du médecin généraliste ?

Sur 13 médecins interrogés, la moitié a une expérience dans une association militante des droits humains. Parmi ces praticiens, certains considèrent que leur rôle dépasse le cadre médical strict et aident les patients en investissant beaucoup de temps ou d’énergie.

F4. L’autre fois j’avais des Bulgares très précaires aussi bien intellectuellement que matériellement et leurs enfants n’allaient pas à l’école (ton scandalisé). Et tout ça parce que les parents ne comprenaient pas à la mairie comme ça se passe. À la mairie on les renvoyait dans des situations qui n’étaient pas possibles pour que eux comprennent. Et c’est moi qui

ai dû gérer ça avec ma secrétaire. (…) dans mon cabinet on a pris le temps de regarder le dossier qui est compliqué et on a fait venir le père qui parlait un petit peu parce que la mère ne parlait pas du tout… ce que je veux dire c’est j’ai pu débloquer l’histoire (…) pour moi un enfant qui va pas à l’école pour moi ça fait partie de mon travail ! Excusez-moi !.

De même F7 a été jusqu’à se déplacer en personne à la pharmacie de l’hôpital, remplir elle-même des dossiers administratifs pour aider une de ces patientes.

F7. Pour vous dire j’étais choqué à ce geste de la part de la pharmacienne, je suis allé la voir, elle n’a rien voulu comprendre (…) Je demande de voir l’économe de l’hôpital pour lui expliquer (…) ah, mais j’ai bataillé (…) oui, oui je le remplis avec elle, je l’ai présenté.

F3 fait quant à lui des actes gratuits sans faire de feuilles de soins papiers pour tous ses patients bénéficiaires de l’AME. F5 le faisait également avant de se faire rappeler à l’ordre par la sécurité sociale.

F3. Personnellement au départ je faisais des feuilles de soins papiers que j’ai envoyées, j’ai jamais eu de retour donc j’ai décidé une bonne fois pour toutes de ne plus rien faire. J’ai horreur de la paperasse, j’ai … ça… on perd du temps à faire des feuilles de maladie puisqu’ils n’ont pas de Carte Vitale donc chez moi c’est euh… puisque je gagne rien à voir des gens qui sont à AME.

F5. Alors, pour la carte, je voulais vous dire parce que vous avez dit, je fais plus de feuilles. Moi je me suis fait engueuler comme ça maintenant je les fais. (…) Parce que pour la renouveler (l’AME), on leur demande pourquoi le médecin il a rien fait. Moi la sécu m’a appelée direct, « pour votre patiente là vous n’avez pas fait les feuilles, vous ne les avez pas envoyés ? ».

Ainsi chaque médecin a une idée propre de ce qu’est le rôle d’un médecin généraliste vis-à-vis de sa militance en faveur des droits des personnes bénéficiaires de l’AME. Cette conception de ce rôle

varie en fonction de paramètres individuels et personnels (expériences de vie, valeurs, temps

disponible, etc.) et de paramètres systémiques nationaux, régionaux ou locaux (des réseaux, des lois, dispositifs en place, associations, etc).

F2. (à propos de F4 qui s’implique pour que les enfants aillent à l’école) Non mais c’est pas notre rôle (…) c’est un tiers de notre temps où on fait pas de la médecine de toute façon.

Certains médecins se sentent trop débordés pour faire plus.

F9. J’ai l’impression de travailler de plus en plus mal quand même avec ce type de population… (…) il m’est arrivé de remplir des dossiers, le SAMU social etc mais là c’est fini depuis longtemps et c’est la course à l’échalote… le matin j’arrive à 7h30 au cabinet et c’est la course à l’échalote quoi… et la je me dis mais merde quand même je travaille mal quoi…

F13. quelquefois je ne pose pas la question (celle des problèmes autres que somatiques) parce que je me dis que ça va m’entraîner trop loin et que c’est pas possible, je vais m’occuper de ce problème-là…