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CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART

3. La Formation d’Ettringite Différée (DEF)

3.2 Paramètres influents sur le volume de gel produit

Pour que la DEF ait lieu, il est nécessaire de réunir des composés spécifiques (sulfates, aluminiums, calcium) et des conditions environnementales particulières (température et humidité) parfois différentes au jeune âge et durant la vie du matériau.

3.2.1 Influence des paramètres d’échauffement

Un des paramètres qui influence le plus la formation d’ettringite est l’histoire thermique du matériau. Elle peut être due à une cure, à la taille de l’élément qui lors de l’hydratation exothermique du ciment va subir un dégagement de chaleur importante, voire des sources de chaleur liées à l’exploitation des ouvrages, qui peuvent conduire à un amorçage de DEF (Barbarulo et al., 2007; Martin, 2010). Un chauffage, même tardif peut engendrer de la DEF (Barbarulo et al., 2007; Kchakech, 2015).

La température d’échauffement :

Les auteurs s’accordent pour une température minimale comprise entre 65°C et 70°C (Brunetaud, 2005; Lawrence, 1995; Famy, 1999; Godart et Divet, 2013; Kchakech, 2015). En effet, la concentration en alcalins au moment de l’échauffement influerait sur la température seuil à partir de laquelle l’ettringite primaire se dissout. Plus la concentration en alcalins est forte plus la température seuil est faible. C’est la solubilité de l’ettringite qui dépend de la concentration en alcalins (Divet, 2001; Divet et Randriambololona, 1998; Petrov, 2003). (Kelham, 1996) valide expérimentalement que l’augmentation de la concentration initiale en alcalins pour un même cycle thermique augmente le gonflement final.

La durée de l’échauffement :

Le gonflement final obtenu ne dépend pas que de la température atteinte pendant l’échauffement, la durée de chauffe est également un facteur déterminant. Un pessimum est observé (Famy, 1999; Brunetaud et al., 2007; Kchakech, 2015) (Figure 1-10). C’est plutôt le couple température-durée qu’il faut considérer pour interpréter les résultats expérimentaux de (Brunetaud, 2005). Cet effet, lorsqu’il a lieu au jeune âge, a été modélisé par (Salgues et al., 2014) grâce à un indice de déstructuration qui correspond à l’intégrale de la température atteinte en fonction du temps et du degré d’hydratation à partir d’une température seuil. (Kchakech, 2015) définit également une énergie utile qui correspond à l’intégrale de la température à partir d’une valeur seuil qui permet d’obtenir de très bonnes corrélations en termes de temps caractéristiques et d’expansions finales, ceci quel que soit le degré d’hydratation.

Figure 1-10 : Impact de la durée d'échauffement sur l'expansion finale (Kchakech, 2015) Les durées de chauffe sur ouvrages peuvent parfois atteindre plusieurs mois, particulièrement sur des ouvrages très massifs comme des barrages, or aucun résultat d’expansion en laboratoire n’a été effectué avec des périodes de chauffe de cette durée. Cette différence pourrait être à l’origine de phénomènes chimiques non pris en compte à l’heure actuelle.

3.2.2 Influence de la composition du béton

Alcalins :

La teneur élevée en alcalins pendant la phase d’hydratation favorise la dissolution d’ettringite primaire via la température seuil et l’adsorption des sulfates sur les C-S-H (Divet, 2001; Divet et Randriambololona, 1998; Kelham, 1996; Petrov, 2003).

Sulfates :

Les sulfates proviennent majoritairement des régulateurs de prise tels que le gypse. Ils sont piégés par les C-S-H après la dissolution de l’ettringite primaire (Famy, 1999; Barbarulo et al., 2007). La quantité de sulfate à ne pas dépasser pour ne pas développer de gonflement ne fait pas consensus (Heinz et Ludwig, 1987; Kelham, 1996; Martin, 2010) probablement du fait de nombreux couplages interagissant sur cette pathologie.

Aluminates :

Les aluminates rentrent dans la composition chimique de la molécule d’ettringite. Une valeur maximale de 0,67 pour le rapport 𝑆𝑂3/𝐴𝑙2𝑂3 permettrait d’éviter les gonflements (Heinz et Ludwig, 1987). (Zhang et al., 2002a) ont montré l’existence d’un pessimum avec un rapport proche de 1. Ces conclusions doivent toutefois être replacées dans le contexte des conditions d’essais puisque les essais n’ont concernés qu’une certaine plage de couple « durée de chauffe- température ».

Finesse du ciment :

Plus la finesse du ciment est importante, plus l’expansion observée est élevée (Kelham, 1996), cependant les auteurs ne sont pas tous du même avis. D’après (Pavoine et al., 2012), il s’agirait du fait que la finesse impacte directement la chaleur dégagée lors de la phase d’hydratation et donc que la température atteinte serait supérieure durant cette phase. (Tosun, 2006) évoque la rapidité d’hydratation qu’un ciment fin peut avoir et son lien avec un ralentissement de la diffusion dans la pâte dû à une porosité plus faible.

Additions minérales :

Comme le résume (Salgues et al., 2014) la présence d’addition minérale réduit les gonflements observés. Ceci pourrait être principalement dû à la réduction du phénomène de diffusion car la porosité est plus faible et à la diminution de la teneur en alcalin (dilution).

Granulats :

La nature et la taille des granulats influencent les gonflements (Brunetaud, 2005; Brunetaud et al., 2007). L’utilisation de granulats calcaires réduit les gonflements, ceci serait dû à la nature de l’auréole de transition. En effet, les granulats calcaires sont réactifs vis-à-vis de la matrice cimentaire et pourraient conduire à la formation de carbo-aluminates (plus stables que les monosulfoaluminates) qui piègeraient les aluminates de manière irréversible (Kakali et al., 2000; Voglis et al., 2005; Carmona-Quiroga et Blanco-Varela, 2013). En ce qui concerne les granulats siliceux, plus la taille des granulats est importante plus les expansions de DEF sont élevées. En effet, le coefficient de dilatation thermique étant très différent de la pâte pour ces granulats (Brunetaud, 2005), un décollement des interfaces pâtes / granulats siliceux augmente le coefficient de diffusion global et donc l’échange ionique (Yang et al., 1999).

L’ajout de fillers calcaire favoriserait la dissolution de l’ettringite et donc réduirait les expansions selon les résultats expérimentaux de (Kunther et al., 2013). Pour (Silva et al., 2006), l’effet est inverse et les gonflements sont plus importants avec cette addition calcaire. (Salgues et al., 2014) expliquent ces derniers résultats par un rapport aluminium sur sulfate qui favoriserait la coexistence de monosulfoaluminates et de trisulfoaluminates pour le béton de

référence. Pour le béton avec ajout de fillers calcaires, plus d’aluminiums sont fixés en carboaluminates, ce qui favorise la production de trisulfoaluminates plus volumineux.

Rapport E/C :

Plus il est faible plus la porosité est faible et donc la diffusion réduite. Cependant, si de l’ettringite vient à se former le réseau de pores ne peut plus jouer son rôle de vase d’expansion et les gonflements observés sont plus conséquents (Brunetaud, 2005; Taylor et al., 2001).

3.2.3 Influence de l’environnement

Température extérieure :

Plus la température de conservation est faible plus l’amplitude de gonflement finale est importante (Baghdadi et al., 2007; Famy, 1999; Flatt et Scherer, 2008). En effet, la constante de solubilité de l’ettringite dépend directement de la température. Plus elle est faible, plus la précipitation est facilitée. En revanche, à faible température, les cinétiques de précipitation sont réduites.

Humidité relative :

De nombreuses investigations in situ ont montré que les parties d’ouvrages les plus exposées à l’eau étaient bien souvent les plus atteintes par cette pathologie (Godart et Divet, 2008). Ainsi, tout comme pour la RAS, l’eau joue un double rôle de réactif et de transport. Une valeur seuil minimale en humidité relative élevée est observée (Taylor et al., 2001). Elle est de 92 % pour (Graf-Noriega, 2007), de 95 % pour (Martin, 2010) et de 98 % pour (Al Shamaa et al., 2015) (Figure 1-11). Un dépassement, même tardif de ce seuil déclenche le phénomène. Le lessivage des alcalins, qui impacte également la précipitation de l’ettringite secondaire, dépend du degré de saturation. Ainsi, une éprouvette immergée gonfle plus rapidement qu’une éprouvette immergée dans une solution alcaline (Taylor et al., 2001). Il est souvent difficile de découpler l’effet de l’humidité et l’effet du lessivage.

Figure 1-11 : Evolution des gonflements en fonction de HR (Al Shamaa et al., 2015)

Lessivage des alcalins :

A long terme, la baisse de la teneur en alcalins (issue de la RAS ou d’un lessivage par gradient de concentration) (Diamond, 2000) permet la libération des sulfates précédemment piégés par les C-S-H. Cette concentration a un rôle durant la phase d’échauffement (une concentration importante favorise la dissolution d’ettringite primaire) et un rôle lors de la vie du matériau (une baisse de la concentration favorise la DEF) (Famy et al., 2001).

La RAS et la DEF sont deux réactions qui sont fréquemment concomitantes sur des ouvrages (Johansen et al., 1993; Shayan et Quick, 1992; Thomas et al., 2008). La consommation des alcalins par la RAS peut favoriser une apparition de RSI du fait de la fixation des alcalins. Cependant, en laboratoire, les gonflements à long terme sont proches de ceux de RSI (Martin, 2010). De plus, la microfissuration induite par la RAS va entraîner une accélération du phénomène de RAS mais aussi de DEF grâce à un apport d’eau rendu plus facile.