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Description du critère de fissuration diffuse et de la loi d’écrouissage

CHAPITRE 2 : MODELE PORO-MECANIQUE POUR LES REACTIONS DE

2. Fissuration due aux réactions de gonflement interne

2.3 Description du critère de fissuration diffuse et de la loi d’écrouissage

La pression intraporeuse générée crée une tension orthoradiale autour du site réactionnel. Celle-ci peut mener à terme à la fissuration diffuse de la matrice cimentaire. Dans le modèle, cette fissuration diffuse est représentée par des déformations plastiques anisotropes. Cette irréversibilité des déformations est validée expérimentalement (Martin, 2010; Multon et Toutlemonde, 2006). En effet, lorsque des éprouvettes sont soumises à un séchage après un gonflement de RGI en eau, les déformations dues au retrait, sont sensiblement les mêmes que pour des éprouvettes non réactives. Les déformations irréversibles sont donc attribuables aux RGI et modélisables par des déformations plastiques. Physiquement, le gonflement différentiel entre la pâte et les granulats induit un décalage des lèvres des fissures. De plus, des produits peuvent se former dans ces fissures, participant à leur caractère permanent. Si la pression de RGI baisse, les fissures ne peuvent pas se refermer parfaitement ce qui témoigne d’une déformation irréversible.

Un critère de plasticité anisotrope (Sellier, 2015) permet de modéliser cette fissuration diffuse (Eq. (2-24)). Grâce au cadre poro-mécanique dans lequel s’inscrit le modèle (voir paragraphe II), le critère dépend de la contrainte effective 𝜎̃𝐼′ au sens de la poro-mécanique. A

l’échelle micro, elle est égale à la pression de RGI, notée 𝑃𝑅𝐺𝐼, multipliée par un facteur d’intensité de contrainte 𝑘 (en première approximation, la forme et la taille des inclusions n’est pas prise en compte, et ce coefficient est pris égal à 1 ce qui signifie que l’intégralité de la pression intraporeuse devient une contrainte orthoradiale dans la pâte) qui permet de prendre en compte la concentration des contraintes autour du site de réaction (Irwin, 1957). En réalité, le coefficient k dépend de la forme de l’inclusion et de la dimension des microfissures préexistantes (Sellier et al., 1995b), ce qui conduit certaines micro-fissures à s’amorcer précocement et d’autres plus tardivement. En définissant un k anisotrope, il serait possible de reproduire le gonflement libre anisotrope intrinsèque obtenu pour des bétons avec des granulats de géométrie anisotrope. Dans le modèle actuel (Sellier, 2015), l’amorçage progressif des fissures n’est pas considéré dans le facteur d’intensité de contrainte k (qui est constant) mais dans une évolution de la résistance 𝑅𝑡 𝑚𝑖𝑐𝑟𝑜 qui présente alors un écrouissage positif (Figure 2-6). Ce dernier signifie que les fissures sont, dans la zone non encore endommagée, de plus en plus difficiles à amorcer ce qui nécessite une augmentation de la pression intraporeuse dans cette zone pour augmenter la quantité de fissuration moyenne. De plus, une contrainte extérieure de compression 𝜎̃𝐼 influe sur cet état de contrainte local. Si la contrainte effective (au sens de la poro-mécanique et de l’endommagement, notée 𝜎̃𝐼′) est plus grande que la résistance en traction à l’échelle microscopique, il y a initialisation en mode I d’une fissuration diffuse. Dans le modèle, le critère est anisotrope et l’équation (2-24) est vérifiée pour chaque direction principale du problème mécanique.

Une fois la fissuration commencée, la résistance en traction micro suit une loi d’écrouissage positif (Figure 2-6). En effet, l’hypothèse effectuée ici est que la contrainte effective doit augmenter via la pression moyenne 𝑃𝑅𝐺𝐼 pour continuer à faire fissurer la matrice. Cela traduirait une augmentation du nombre de sites réactifs nécessaire à l’augmentation de la fissuration. 𝐸𝑐 représente le module d’Young et ℎ𝑅𝐺𝐼 le ratio d’écrouissage plastique. Le produit des deux forme le module d’écrouissage qui permet de tracer la correspondance entre la contrainte effective 𝜎̃𝐼′ et la déformation plastique de RGI dans une direction principale 𝜀𝑝,𝑅𝐺𝐼 𝐼. Le ratio d’écrouissage ℎ𝑅𝐺𝐼 est inférieur à 5% et peut être calibré sur des essais sous contraintes ou en déformations empêchées.

Lors d’un test en gonflement libre, la contrainte orthoradiale au bord des inclusions induite par la RGI atteint 𝑅𝑡. De ce fait, la fissuration diffuse (modélisée ici par les déformations plastiques de RGI) s’initie. Un coefficient ℎ𝑅𝐺𝐼 proche de 0 signifierait que, quand 𝑅𝑡 est atteint, la déformation plastique augmente très rapidement avec un petit incrément de pression. Plus ℎ𝑅𝐺𝐼 est grand, plus la pression de RGI doit être importante pour faire augmenter la fissuration diffuse et donc les déformations plastiques représentant les gonflements. Si les déformations sont empêchées dans une direction, cette augmentation de pression conduira à une augmentation de la contrainte de confinement.

Figure 2-6 : Schéma de la loi d'écrouissage plastique

Cette modélisation de la fissuration diffuse avec une pente positive représente également le fait que la fissuration de RGI n’apparaît pas exactement pour le même avancement dans tous les granulats (pour la RAS) ou dans tous les sites réactifs (pour la RSI). L’hétérogénéité des résistances en traction micro peuvent être la source de ce phénomène. Une loi d’écrouissage positif permet une bonne représentation simplifiée de cette physique.

Lors d’un test en gonflement libre, le critère plastique (Eq. (2-24)) est atteint dans toutes les directions en même temps et la fissuration est isotrope (Figure 2-7). Cependant, dans le cas d’un chargement extérieur, le plan de fissuration s’oriente préférentiellement dans les directions parallèles au chargement (Figure 2-7).

L’anisotropie de fissuration mène à une anisotropie de gonflement qui est communément observée sur des spécimens chargés uniaxialement (Larive, 1997). Le modèle reproduit ce phénomène grâce au critère qui est vérifié dans chacune des trois directions principales. Une contrainte de compression peut retarder ou empêcher l’apparition de plans de fissures perpendiculaires au chargement. Quand une contrainte uniaxiale de compression est appliquée sur le béton (𝜎̃𝐼 < 0), les plans de fissuration apparaissent parallèles à celle-ci. Il est ici important de différencier le plan de fissuration et la normale au plan de fissuration dans lequel est orientée l’ouverture de fissure, traduite ici par 𝜀 𝑝𝑙 𝑅𝐺𝐼 . En effet, le gonflement va être principalement dirigé dans les directions non chargées (ici 𝐼𝐼 et 𝐼𝐼𝐼 sur la Figure 2-7), donc perpendiculaires au chargement. La pression de RGI augmente ensuite en fonction de l’écrouissage ℎ𝑅𝐺𝐼. Si la pression de RGI peut atteindre la somme de la contrainte appliquée et de la résistance en traction du matériau, alors la fissuration peut s’initier dans la direction 𝐼, mais plus tardivement, (c’est le cas dans la Figure 2-7).

Figure 2-7 : Evolution de la fissuration de RGI dans un cas libre et un cas chargé par une contrainte uniaxiale de compression induite par un chargement externe ou par la

(Kagimoto et al., 2014) ont coulé une poutre avec des barres d’acier externes pour gêner le déplacement dans une direction (Figure 2-8). Le faciès de fissuration montre des fissures principalement parallèles à la direction des barres. Cependant, une fissure perpendiculaire est observée. Dans les structures armées, le gonflement du béton met en tension les barres. Le béton passe ensuite en compression à cause du gonflement empêché par les armatures extérieures. Au début du gonflement, cette contrainte est faible et une fissure peut apparaître, même perpendiculairement à la direction bloquée. Des essais sous contrainte de compression à 5 et 10 MPa (Larive, 1997) sur des éprouvettes réactives de RAS n’ont pas permis d’observer de fissures dans un plan perpendiculaire au chargement. La charge appliquée semble trop importante pour observer ce phénomène.

Figure 2-8 : Schéma de la fissuration obtenue sur la poutre avec barres d'acier extérieures de (Kagimoto et al., 2014)

Numériquement, le gonflement volumique peut être exprimé à travers l’équation (2-25). Il comprend le volume des fissures de RGI et le fluage correspondant 𝑇𝑟(𝜀𝑝,𝑅𝐺𝐼 + 𝑏𝑅𝐺𝐼. 𝜀𝑓𝑙𝑢𝑎𝑔𝑒𝑅𝐺𝐼) et la déformation volumique élastique causée par la pression des phases néoformées.

𝐺𝑜𝑛𝑓𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑣𝑜𝑙𝑢𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 = 𝑇𝑟(𝜀𝑝,𝑅𝐺𝐼 + 𝑏

𝑅𝐺𝐼. 𝜀𝑓𝑙𝑢𝑎𝑔𝑒𝑅𝐺𝐼) +

𝑏𝑅𝐺𝐼. 𝑃𝑅𝐺𝐼

Le Tableau 2-4 récapitule les paramètres liés à la plasticité des RGI, avec des intervalles de valeurs préconisées et les tests de calage correspondant.

Tableau 2-4 : Paramètres matériau liés à la gestion de la plasticité des RGI

Paramètres Valeur Unité Signification Test de calage

𝑘 1 - Facteur de concentration de

contraintes

Gonflement sous contraintes

𝑅𝐺𝐼 3% - Rapport du module d’écrouissage

plastique et du module d’Young pour le critère plastique de RGI. Permet de caler l’anisotropie des gonflements

sous contraintes anisotropes.

Gonflements sous faibles contraintes