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Modélisation du transfert et des effets de l’eau sur le gonflement

CHAPITRE 3 : APPLICATIONS AUX STRUCTURES DE LABORATOIRE

2. Poutres endommagées par la Réaction Alcali-Silice (RAS)

2.2 Modélisation du transfert et des effets de l’eau sur le gonflement

2.2.1 Transfert hydrique dans les poutres

La réaction alcali-silice est très sensible au degré de saturation du béton (Larive, 1997; Multon, 2003; Poyet, 2003; Poyet et al., 2006). L’eau facilite la diffusion des espèces réactives et participe au volume final des gels de réaction qui sont hydrophiles. Le gradient hydrique induit dans ces poutres, entre le haut séché et le bas immergé, produit donc un gradient d’avancement de la réaction dans la hauteur. Dans la partie basse immergée, la réaction est rapide et un avancement maximal peut être atteint rapidement. Dans la partie haute, soumise à une humidité relative de 30 %, la réaction se produit plus lentement et le gonflement est plus faible. Une fois le haut de la poutre immergé, la réaction peut reprendre avec une cinétique plus importante.

Pour simuler le séchage (partie haute) et la remontée capillaire (partie basse), un modèle de diffusion hydrique est utilisé (Eq.(3-1)). Le coefficient de diffusion hydrique intègre les transferts par perméation et la dépendance de celle-ci au degré de saturation liquide, il dépend pour cette raison de la quantité d’eau 𝑊 présente, selon le modèle de Mensi (Eq. (3-2) (Mensi et al., 1988)).

𝛿𝑊

𝛿𝑡 − 𝐷𝑖𝑣[𝐷(𝑊)𝛻𝑊]=0 (3-1)

Figure 3-2 : Changement des conditions hydriques des poutres à

428 jours (14 mois) (Multon et Toutlemonde 2010)

Figure 3-3 : Schéma mécanique pour l'essai de rupture des poutres (Multon

La calibration à partir des données fournies par le programme expérimental a permis de déterminer les coefficients a et b (Figure 3-4). Comme dans (Grimal, 2007), deux zones sont définies dans la hauteur pour différencier les zones de sorption (les 15 cm les plus bas de la poutre) et de désorption (les 35 cm de la partie haute). Les cinétiques de prise et de perte d’eau dans ces zones étant trop différentes, un seul coefficient ne permettrait pas de représenter correctement l’évolution des teneurs en eau relevées expérimentalement (Grimal, 2007). Pour

a, les valeurs sont comprises entre 1,2 10-13 et 5,8 10-12 m²/s en fonction de la hauteur dans la poutre (Figure 3-4). Le coefficient b est pris égal à 0,051(sans unité car 𝑊 est exprimé en m3/m3) pour les zones en imbibition et à 0,06 pour la zone en séchage pour rendre compte du phénomène d’hystérésis dans la courbe de rétention d’eau liquide (Figure 3-4). Des valeurs différentes sont prises en fonction de la hauteur de la poutre pour marquer les différentes vitesses de variation hydrique qui existent entre les parties au contact de l’eau, celles en séchage et celles en imbibition progressive durant le vieillissement des poutres.

Figure 3-4 : Conditions aux limites du calcul hydrique et définitions des coefficients a et

b de la loi de Mensi (Diffusion)

Les maillages utilisés pour les calculs des poutres sont présentés sur la Figure 3-5. Les deux symétries (une selon le plan XZ et une selon YZ) permettent de ne mailler qu’un quart de la poutre, ce qui accélère la vitesse des calculs. Le raffinement du maillage des poutres non armées se situe principalement dans la partie basse car c’est dans cette zone que la remontée capillaire

doit être précise pour marquer le front de remontée capillaire. Pour les poutres armées, les zones autour des aciers font l’objet d’un maillage plus fin pour simuler du mieux possible la zone au voisinage de l’interface acier – béton.

Figure 3-5 : Maillages utilisés pour les calculs des poutres non armées et armées

Dans le calcul hydrique, le degré de saturation des faces extérieures de la poutre au contact de l’eau (les 70 mm les plus bas de la poutre) est fixé à 1. Dans la partie haute, la teneur en eau des 30 mm les plus proches de la face supérieure est imposée (Figure 3-4) au cours du temps pour reproduire les valeurs expérimentales mesurées (Multon et al., 2004).

Le degré de saturation initial a été déterminé sur des éprouvettes d’accompagnement réalisées dans les mêmes conditions (degré de saturation de l’ordre de 0,85 après 28 jours de cure en condition endogène). Plusieurs données expérimentales permettent de calibrer et de juger de la représentativité de la modélisation. Tout d’abord, les poutres ont été pesées à différentes échéances (Figure 3-6 issue de (Multon et al., 2004)). Les prises et pertes de masse étant très proches pour les différentes poutres, l’hypothèse a été faite de se baser sur la poutre non réactive P3. La perte de masse modélisée est conforme aux données expérimentales. La reprise de masse à partir du remouillage (428 jours) est également correctement reproduite. Des éléments de pertes de masses locales sont fournis par les auteurs pour modéliser le séchage et l’imbibition dans la hauteur de la poutre. Malgré le fuseau des résultats expérimentaux, la modélisation reproduit globalement bien la perte de masse dans la hauteur de la poutre au cours du temps (Figure 3-7 et Figure 3-8 (Multon et al., 2004)).

Figure 3-6 : Variation de la poutre P3 (Non Réactive) au cours du temps (Multon et al., 2004)

Figure 3-7 : Variation de masse en fonction de la profondeur jusqu'à 267 jours (Multon et al., 2004)

Figure 3-8 : Variation de masse en fonction de la profondeur depuis 349 jours et jusqu'à 700 jours (Multon et al., 2004)

-6,5 -4,5 -2,5 -0,5 1,5 0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 Variation de masse (%) Pro fo n d e u r (m ) 349 jours Simultation 349 jours 424 jours Simultation 424 jours 464 jours Simultation 464 jours 698 jours Simultation 698 jours

Il est à préciser ici que la porosité a été prise variable en fonction de la hauteur de la poutre conformément aux mesures expérimentales. Elle varie linéairement entre 0,175 en haut de la poutre et 0,150 en bas de la poutre. Le degré de saturation initial est homogène (0,85 sur la Figure 3-9) puis la poutre se sature dans la partie basse et sèche dans la partie haute. A la fin du calcul (700 jours), la poutre est quasiment entièrement saturée.

L’impact du degré de saturation est direct sur l’avancement chimique de la réaction de RAS (lien assuré dans le modèle par les équations (2-1) et (2-3) (Figure 3-10)). La RAS a lieu rapidement dans la partie basse de la poutre. Ainsi, elle est terminée à 428 jours. A la fin de la conservation (700 jours), la réaction est également terminée dans la partie haute qui a été remouillée, seule une petite partie de la poutre (entre 10 et 20 cm de la face supérieure) n’a pas totalement réagi à cette date d’après le calcul.

Figure 3-10 : Avancement chimique de RAS à 428 jours et à 720 jours

2.2.2 Effets de l’eau sur le gonflement de béton réactif

Pour mieux analyser l’impact de l’eau sur les gonflements tel que modélisé par ce travail, le modèle est testé sous différentes conditions hydriques. Des résultats expérimentaux utilisant le même béton que celui des poutres permettent d’observer les gonflements sous trois conditions environnementales obtenues sur éprouvettes libres de contrainte (Multon et Toutlemonde, 2010):

- en séchage conservé dans une pièce à 30% d’humidité relative (HR), - en endogène sous trois couches d’aluminium,

- immergé dans l’eau

La température de conservation est de 38°C. Des éprouvettes non réactives subissent également les mêmes conditions hydriques. Dans les calculs, l’évolution du degré de saturation dans les éprouvettes est fixée de manière uniforme grâce aux pertes de masse relevées (Figure 3-11). En effet, ces éprouvettes étant de faibles dimensions (13 x 24 cm), les prises et perte de masse lors de l’imbibition et lors du séchage à 30 % d’humidité relative sont rapides, justifiant une teneur en eau proche entre le cœur et le bord extérieur des éprouvettes. Cette hypothèse ne permet pas d’obtenir de gonflements différentiels à l’intérieur des éprouvettes, ce qui paraît admissible compte tenu de la faible perte de masse des éprouvettes sous couches d’aluminium (1 % sur la Figure 3-11).

Les trois éprouvettes non réactives permettent de fixer les paramètres a et b reliant la pression d’eau et le degré de saturation dans la loi de retrait (respectivement 25 MPa et 0,42, Eq. (1-28)) (Figure 3-12). Une loi linéaire ne permet pas de retrouver fidèlement le comportement des éprouvettes dans les trois conditions. La loi de Van Genuchten utilisée dans le modèle (présentée dans le chapitre 2) permet de reproduire ces essais. La prise de masse des éprouvettes réactives (Figure 3-11) permet de déterminer le degré de saturation initial (égal à 0,85).

Figure 3-12 : Déformations des éprouvettes non réactives

Les expansions des éprouvettes réactives sont ensuite évaluées à partir du degré de saturation (Figure 3-13). Le seuil de degré de saturation nécessaire pour observer un gonflement significatif de RAS n’est pas atteint dans le cas des éprouvettes conservées à 30 % d’humidité. La déformation est ainsi quasi identique à celle de l’éprouvette non réactive.

Pour le cas des gonflements endogènes, la courbe reproduit correctement les résultats expérimentaux, ce qui est normal puisque ce sont ces données qui ont été utilisées pour calibrer les paramètres du modèle de gonflement (cf chapitre 2). Pour le cas des éprouvettes immergées dans l’eau, la cinétique est bien reproduite mais l’asymptote paraît faible même si elle se situe

dans le fuseau des gonflements. Ces essais ont permis de déterminer l’exposant 2 de la loi de dépendance de la cinétique d’avancement de la RAS en fonction du degré de saturation (Eq. (1- 3) (Morenon et al., 2017)) pour obtenir une meilleure reproduction de la cinétique dans le cas immergé. Le modèle reproduit globalement bien le comportement d’éprouvettes sous différentes conditions hydriques : un seuil minimal de saturation pour observer un gonflement, une période de latence avant un gonflement plus important et une différence d’asymptote entre les éprouvettes immergées et les éprouvettes scellées.

Sur des essais similaires (trois éprouvettes immergées et une éprouvettes scellée (Larive, 1997)), les résultats semblent mieux reproduits par (Poyet, 2003) avec la même loi saturation- avancement (Eq. (1-3)) mais sans exposant. Cependant, il ne reproduit pas d’éprouvettes soumises à une faible humidité, ce qui permet plus de latitude pour différencier les cinétiques entre les éprouvettes immergées et les éprouvettes scellées. De plus, le retrait n’est pas reproduit. Plus globalement, il existe peu de données concernant des gonflements en condition endogène du fait de la difficulté d’obtenir des gonflements significatifs pour des degrés de saturation de fin de cure. Le modèle empirique utilisé ici pourrait encore être amélioré car il a été confronté majoritairement à des essais sous humidité contrôlée, or, ces essais ne permettent pas de prendre en compte le phénomène de consommation de l’eau par la RAS contrairement à des essais endogènes.

Les trois éprouvettes modélisées dans ce travail représentent le gonflement à trois hauteurs de la poutre : en haut à 30% d’humidité relative, à mi-hauteur pour l’éprouvette scellée et en bas pour l’éprouvette immergée. D’après les résultats obtenus, la partie basse de la poutre va subir un gonflement rapide et important alors que le haut ne va pas gonfler car le degré de saturation est trop faible. Pour la partie centrale, le gonflement sera modéré. C’est effectivement ce qui est retrouvé par le calcul de l’avancement chimique avant remouillage (Figure 3-10).

2.3 Modélisation poro-mécanique des poutres : des expansions à