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CHAPITRE 2 : MODELE PORO-MECANIQUE POUR LES REACTIONS DE

4. Evolution et validation du modèle poro-mécanique

4.2 Gonflement important

Les gonflements plus importants (supérieurs à 0,3 %), notamment induits par la réaction sulfatique interne RSI, impliquent une physique globalement similaire : contrainte de blocage du gonflement et anisotropie de fissuration (Bouzabata et al., 2012; Müllauer et al., 2013).

Dans certains résultats expérimentaux (Kawamura et Iwahori, 2004; Müllauer et al., 2013), la contrainte de blocage du gonflement semble évoluer de façon non-linéaire avec le gonflement (Figure 2-37). Certains essais de RAS montrent ce changement de pente dans la relation qui lie la contrainte obtenue lors d’un blocage uniaxial et le gonflement libre correspondant (Berra et al., 2010; Kawamura et Iwahori, 2004). Les essais de Müllauer (Müllauer et al., 2013) sont réalisés pour une réaction sulfatique externe (RSE) mais l’épaisseur des cylindres creux utilisés étant très mince (assimilé à une coque), les expansions sont homogènes dans le mortier.

Figure 2-37 : Contraintes obtenues dans des tests de blocage uniaxial en fonction du gonflement libre (Résultats expérimentaux issus de la littérature et résultats du

modèle avec un hrgi (Figure 2-6) linéaire de 3 %)

A partir d’un certain gonflement (environ 0,4 % en gonflement libre), la contrainte dans la direction gênée ne varie plus proportionnellement au gonflement dans la direction libre. L’utilisation d’un coefficient hRGI de 3 % pour des gonflements de RAS faible à modéré (inférieur à 0,3 %) reste donc cohérente (Figure 2-37) mais une loi bilinéaire parait plus adaptée si le gonflement libre est supérieur à 0,4 %. Physiquement, ce phénomène pourrait être dû au fait qu’il existerait une première phase dans laquelle la pression augmente fortement pour déformer irréversiblement la matrice cimentaire alors qu’après un certain seuil de pression,

0 0,5 1 1,5 2 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gonflement libre (%) Co n tr ai n te o b te n u e e n b lo cag e u n iaxi al (M Pa)

(Mullauer 2013 Attaque Sulfatique Externe)

(Kawamura 2004 Réaction Alcali Silice)

(Berra 2010 Réaction Alcali Silice)

l’endommagement généré occasionne une interaction entre les sites de gonflement. Tout se passe alors comme si la matrice perdait sa rigidité vis-à-vis de la pression interne, ce qui permet d’avoir un même incrément de déformation libre pour un incrément de pression plus faible que lorsque la déformation est inférieure à 0,3 %.

L’essai de Müllauer (Müllauer et al., 2013) est donc modélisé dans le but d’affiner le modèle vis-à-vis des gonflements libres importants. Il s’agit de cylindres de mortier creux et fins (30 mm de diamètre, 2,5 mm d’épaisseur) qui sont immergés dans une solution fournissant des sulfates à la réaction. Le blocage est réalisé de façon extérieure par des barres d’acier de différents diamètres de 3 à 7 mm (Figure 1-27 dans le chapitre 1). Le cas le plus intéressant ici est celui avec le blocage le plus important et donc le diamètre d’acier utilisé le plus grand. La raideur correspondante est de 65,52 N/μm. Pour la modélisation, un appui élastique est positionné pour simuler le blocage (Figure 2-38). Dans les deux autres directions, les déplacements normaux sont bloqués sur une face pour reproduire les symétries du problème mécanique, ce qui permet d’assurer une déformation libre de contraintes dans ces directions.

Figure 2-38 : Conditions aux limites pour les essais de Müllauer

Pour rappel, une loi d’écrouissage positif linéaire (Figure 2-6) avec un coefficient d’écrouissage constant, noté hRGI, est utilisé pour la RAS. Cet écrouissage positif permet d’augmenter la résistance en traction effective micro du matériau avec le gonflement. Grâce à ces essais avec des gonflements plus importants, une loi d’écrouissage bilinéaire plus représentative de la réalité dans ce domaine de gonflements est proposée (Figure 2-39). La nouvelle loi bilinéaire est composée d’une première phase d’écrouissage avec une pente de 3 % (hRGI) du module d’Young. A partir d’une valeur caractéristique de la déformation plastique (ici prise égale à 0,3 %), la pente de la loi d’écrouissage change. hRGI est divisé par 10 à partir de ce point caractéristique. Uy=0 Appuis élastiques Ux=0 X Z Y Uz=0

Figure 2-39 : Contraintes obtenues dans des tests de blocage uniaxial en fonction du gonflement libre (Résultats expérimentaux issus de la littérature et résultats du

modèle avec un hrgi bilinéaire)

Le calage est effectué avec les résultats expérimentaux subissant le plus fort blocage (k=65,52 N/μm) qui correspond à la courbe rouge obtenue avec le modèle. Des tests complémentaires ont été effectués avec une raideur de 21,48 N/μm (correspondant au plus faible diamètre d’acier utilisé par l’auteur) et avec une raideur infinie (cas purement numérique). Plus la raideur est faible, plus la contrainte générée est faible car une expansion plus forte est développée dans la direction du blocage. Le gonflement y est moins gêné donc la contrainte est plus faible. A l’opposé, si le blocage est total, la contrainte obtenue est plus forte. Le fuseau obtenu entre les courbes du modèle encadre les points expérimentaux. Il est important de noter que l’augmentation de la raideur des appuis (de 21,48 pour le diamètre de 3 mm à 65,52 N/µm pour le diamètre de 7 mm) n’a un impact que très modéré sur les contraintes de compression induites dans le béton : augmentation de moins de 30 % de la contrainte (environ 1 MPa pour une valeur de l’ordre de 3,5 MPa pour un potentiel de gonflement libre de 2 %) quand la raideur est triplée. Ces résultats sont conformes aux observations expérimentales (Müllauer et al., 2013) qui notent une contrainte pratiquement identique pour tous les diamètres de barres d’acier. La contrainte de compression induite par le gonflement gêné par les armatures n’est donc pas proportionnelle au taux d’armature. Ce résultat peut être expliqué par la possibilité de fissuration dans les directions transversales dont les expansions ne sont pas gênées : 0 0,5 1 1,5 2 -2 0 2 4 6 8 10 Gonflement libre (%) Co n tr ai n te o b te n u e e n b lo cag e u n iaxi al (M Pa)

(Mullauer 2013 Attaque Sulfatique Externe)

(Kawamura 2004 Réaction Alcali Silice)

(Berra 2010 Réaction Alcali Silice)

hRGI bilinéaire blocage faible (k=21,48 N/μm)

hRGI bilinéaire blocage fort (k=65,52 N/μm)

1. Fissuration locale

1.1 Dans la direction armée, la fissuration est retardée du fait de l’apparition d’une contrainte de compression due au gonflement empêché

1.2 Dans les directions libres, la fissuration apparait dès que la pression locale induit une contrainte effective égale à la résistance de la fissuration.

2. Dès que la fissuration a lieu dans une direction, le gonflement augmente vite pour une faible variation de pression, la contrainte de compression dans le béton augmente alors peu avec le gonflement.

Dans cette situation, le rôle de l’acier est passif et l’instant de fissuration est principalement piloté par la résistance en traction du béton. Quelle que soit la valeur du taux d’acier, la contrainte de compression induite est donc principalement impactée par la valeur de la pression au moment de la fissuration transversale (et donc de la résistance en traction) et non par le taux d’acier. Ainsi, une modélisation bloquant parfaitement le gonflement dans une direction paraît être une approximation correcte des essais de (Müllauer et al., 2013) (approximation de moins de 1 MPa sur la contrainte de compression pour un gonflement libre potentiel de 2 %).

La loi bilinéaire calée ici est utilisée pour l’ensemble des calculs effectués dans la suite de ce document. Elle n’a pas d’impact sur les structures atteintes de RAS (gonflement modéré) mais elle est importante pour les structures atteintes de RSI (gonflement pouvant être important).

5.

Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre, les modèles chimiques permettant le calcul des volumes de RGI créés (RAS ou RSI) à chaque instant, ont été présentés. Ils dépendent notamment des conditions environnementales (degré de saturation, température, quantités d’espèces chimiques à disposition) et de paramètres du matériau que fixe l’utilisateur. Ces derniers ont été décrits de manière exhaustive en donnant des intervalles de valeurs utilisables et les tests correspondants au calage de chaque paramètre.

Ces volumes induisent une pression intraporeuse qui vient engendrer une contrainte dans le squelette, qui peut faire fissurer la matrice. Dans le modèle, la pression de RGI dépend du volume de produit créé et des vides accessibles, qu’ils soient initialement proches du site réactif, provoqués par un chargement extérieur, ou générés par la fissuration de RGI. Cette dernière est modélisée par des déformations plastiques anisotropes. Elles sont calculées grâce à un critère de plasticité anisotrope en contraintes effectives (critère de Rankine). Grâce au cadre poro- mécanique dans lequel s’inscrit le modèle, le critère dépend de la contrainte effective calculée à partir de la pression de RGI et d’une éventuelle contrainte extérieure. Une fois la fissuration commencée dans une direction, la résistance en traction microscopique suit une loi d’écrouissage positif permettant de simuler l’amorçage progressif de diverses microfissures de plus en plus nombreuses autour des sites de réaction. En effet, l’hypothèse effectuée ici est que la contrainte effective doit augmenter via la pression moyenne pour continuer à faire fissurer la matrice.

Ensuite, le modèle poro-mécanique général dans lequel s’insère la fissuration diffuse de RGI a été présenté. Il permet de prendre en compte le retrait, le fluage et les différents types de fissuration du béton. Il comporte quatre critères de plasticité dont trois sont anisotropes : le premier a été décrit ci-dessus, il concerne la fissuration diffuse de RGI, le deuxième permet la description de la fissuration localisée structurelle (critère de Rankine également mais en contrainte totale) et l’obtention des ouvertures de fissures de façon anisotrope, il va de pair avec le troisième critère gérant la refermeture de ces fissures. La fissuration due à un chargement de compression est gérée par un critère isotrope de Drucker-Prager avec de la plasticité non- associée.

Le comportement en traction fait l’objet d’une attention particulière car les fissures localisées, pouvant être issues de gradients de gonflements sur ouvrages, génèrent des phénomènes liés à leur ouverture comme la concentration de contraintes dans les aciers et l’augmentation de la perméabilité qui ont une grande importance dans les cinétiques et les reports de gonflements. Le modèle comporte un calcul original de la taille des éléments finis permettant une régularisation énergétique de la localisation de l’endommagement avec la méthode d’Hillerborg anisotrope. Des tests ont été menés pour valider la faible dépendance entre la forme et la taille des mailles et les résultats mécaniques obtenus.

Le modèle développé ici permet donc une distinction entre la fissuration diffuse induite par les RGI et la fissuration localisée structurelle. La première génère une baisse des caractéristiques du matériau mais n’est pas la cause de rupture d’un ouvrage. Au contraire, les fissures localisées ouvertes peuvent mener à des dislocations de parties d’ouvrages, des pertes d’étanchéité ou des ruptures d’armatures structurelles. La modélisation distincte de ces deux types de fissuration est essentielle pour reproduire les déplacements, les contraintes et les faciès de fissuration des ouvrages.

Ensuite, le couplage entre la fissuration diffuse et le fluage a été validé avec des matériaux sujets à des gonflements modérés (inférieurs à 0,3 %) sur des éprouvettes soumises à différents niveaux de confinements et de contraintes d’après les résultats expérimentaux de (Multon et Toutlemonde, 2006). Une méthode générale de calage du modèle a notamment été proposée. A partir de la comparaison numérique/expérimental de ces essais, le modèle peut être considéré comme fiable pour reproduire les expansions dues à des gonflements faibles à modérés. Un focus particulier a été effectué sur l’anisotropie et les reports de gonflement.

Par la suite, les réponses d’essais obtenues lors de gonflements sous confinements uniaxial et multi-axiaux considérés comme parfaits ont été analysées. Le but était principalement pédagogique afin d’examiner les comportements obtenus sous confinements dans des cas idéaux qui permettent de mieux comprendre le développement d’expansion dans des éléments dont les déplacements sont empêchés. Les contraintes maximales obtenues dans le béton avec des hypothèses de blocages parfaits (entre 3 et 7 MPa) en fonction du nombre de directions bloquées sont proches de celles retrouvées sur certains ouvrages (Rivard et al., 2010) ou éprouvettes de laboratoire (Berra et al., 2010; Kawamura et Iwahori, 2004).

Pour les gonflements importants (supérieurs à 0,3 %), une adaptation de la loi d’écrouissage a notamment été réalisée pour reproduire fidèlement les gonflements importants sous confinements. En effet, dans le cas d’un blocage unaxial, à partir d’un certain gonflement (supérieur à 0,3 %) la contrainte générée dans la direction bloquée par un incrément de gonflement supplémentaire augmente plus faiblement que pour un petit gonflement. La pression est toujours pilotée par le gonflement latéral. Dans les deux cas, c’est la fissuration dans les directions non chargées qui pilote l’évolution de la pression, mais, d’après les résultats expérimentaux disponibles à ce jour, les interactions entre les micro-fissures semblent contrôler la fissuration dès lors que le gonflement passe au-dessus de 0,3 %, ce qui change la loi de comportement. Une loi d’écrouissage bilinéaire a été proposée et calée sur les essais disponibles (Müllauer et al., 2013) dans le but de prendre en compte ces interactions. Le couplage fissuration diffuse / fluage a donc été validé sur l’ensemble de ces essais.

La partie suivante concerne l’application du modèle sur des structures de laboratoires soumises à différentes conditions environnementales et à plusieurs niveaux de confinements par armatures dans le but de valider le couplage entre la fissuration diffuse et la fissuration localisée.

CHAPITRE 3 : APPLICATIONS AUX STRUCTURES