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Diffusion et effet de la concentration en alcalins sur les expansions

CHAPITRE 3 : APPLICATIONS AUX STRUCTURES DE LABORATOIRE

3. Poutres endommagées par la Réaction Sulfatique Interne (RSI)

3.3 Diffusion et effet de la concentration en alcalins sur les expansions

3.3.1 Impact de la concentration en alcalins sur les gonflements

Comme cela a été évoqué au chapitre 1, la quantité d’alcalins est un facteur très influent pour le calcul des cinétiques et des amplitudes de formation d’ettringite différée particulièrement pour les bétons ayant une concentration initiale en alcalins élevée. Pour un gonflement final

Figure 3-27 : Variations de masse des poutres au cours du temps

important, une grande concentration d’alcalins doit être présente durant la phase à température élevée (période chaude), ce qui diminue la température permettant la dissolution des phases primaires et l’adsorption des ions aluminates et sulfates sur les C-S-H. Durant la majeure partie de la période de service de la structure (période froide), la baisse de la concentration en alcalins dans la solution porale accélère la précipitation de l’ettringite. En effet, le départ de ces ions facilite la désorption des aluminates et des sulfates fixés de manière réversible sur les C-S-H pour entrainer la formation de molécules d’ettringite. Les alcalins n’entrent donc pas directement en compte dans les espèces chimiques formant l’ettringite mais ils jouent le rôle de régulateur dans les réactions nécessaires à la formation de RSI.

Le lessivage des alcalins a un réel impact sur les premiers centimètres de béton sur une durée d’une année et sur les quelques premiers décimètres sur la durée de vie d’un ouvrage tel qu’une pile de pont ou un barrage (service d’une centaine d’année). La prise en compte de ce phénomène est donc importante pour le calcul des petites structures. Cependant, pour requalifier les grands ouvrages, des essais semi-destructifs avec extraction de carottes sont souvent réalisés pour déterminer les caractéristiques résiduelles en laboratoire. Pour accélérer ces essais, les carottes sont immergées ce qui provoque le lessivage des alcalins. Il joue alors un grand rôle compte tenu de la taille de l’éprouvette. La prise en compte et la bonne représentation de celui- ci est donc importante pour permettre de comprendre le lien entre les essais en laboratoire et le comportement in-situ.

Les essais de (Famy et al., 2001) montrent l’impact du lessivage sur les cinétiques et les amplitudes des expansions de RSI. Des éprouvettes, ayant préalablement été soumises à une période de chauffe importante, sont immergées dans des solutions contenant différentes concentrations en alcalins (0 fois, 0,5 fois, 1 fois et 2 fois la concentration porale initiale qui est de 0,46 mol/L). De plus, un essai est réalisé dans la concentration initiale en KOH puis immergé au bout de 300 jours dans de l’eau pour simuler un lessivage tardif.

Pour la modélisation de ces essais, le lessivage/diffusion des alcalins est simulé en premier. La condition aux limites sur le bord externe de l’éprouvette est représentée par la concentration en alcalins de la solution qui est imposée. Les éprouvettes étant de très petites dimensions (section carrée de 16 mm de côté), la concentration reste pratiquement homogène dans la section. Ce calcul préalable permet ensuite de déterminer les gonflements induits (calcul chaîné) sur une période de 900 jours par les modèles chimique de l’avancement et poro- mécanique (Figure 3-29).

Figure 3-29 : Comparaison des gonflements dans différentes concentrations d'alcalins (Famy et al., 2001)

Le modèle est calé sur le gonflement en eau où la lixiviation est proche de 95 % à 300 jours (Famy et al., 2001) (Tableau 3-8). Le ratio maximum de volume de DEF créable 𝐸𝐼𝐼 ∞, est ici imposé car (Famy et al., 2001) donne les quantités massiques d’aluminiums et de sulfates présents dans le ciment, respectivement 5,4 % d’Al2O3 (soit 243,8 mmol/L) et 3,9 % de SO3 (264,7 mmol/L). Les ions sulfates sont donc limitants car leur quantité est inférieure à trois fois la quantité d’ions aluminiums. Pour un volume molaire de l’ettringite de 715 cm3/mol le volume maximum d’ettringite créable est de 264,7*715/3*10-6 = 0,063 m3/m3 de béton.

Tableau 3-8 : Paramètres du modèle nécessaires au calage de l’essai en eau de (Famy et al., 2001)

Paramètres Valeur Unité Signification Equation

𝑬𝑰𝑰 ∞

0,063 (issu des quantités d’aluminium et de sulfates données par (Famy et al., 2001)

m3/m3 de béton

Ratio maximum de volume de DEF initialisé par les quantités

d’aluminium et de sulfate

(2-7)

𝝉𝑷𝒓𝒆𝒄,𝒓𝒆𝒇 80 j Temps caractéristique de

précipitation de DEF (2-18)

𝝓𝑹𝑮𝑰𝒗 0,006 m3/m3 Volume des vides connectés aux

Le même jeu de paramètres (Tableau 3-8) est ensuite utilisé pour simuler les autres éprouvettes (Figure 3-29). C’est sur ces essais que le calage du paramètre m=2.5 (Eq. (2-20), gérant l’impact de la concentration en alcalins sur la cinétique de précipitation d’ettringite a été effectué. Expérimentalement, le lessivage implique une forte différence de cinétique de précipitation de la DEF (comparaison entre les points carrés (éprouvettes dans l’eau) et les points ronds (éprouvettes dans une solution d’alcalins dont la concentration est égale à celle dans la solution porale d’origine)). L’immersion dans une concentration de 50 % de la concentration initiale porale donne une cinétique moyenne entre les deux cas précédents. Une cinétique rapide est tout de même observée pendant les 100 premiers jours. Lorsque l’éprouvette est immergée dans une solution contenant deux fois la concentration initiale, le gonflement est totalement inhibé. Enfin, pour le cas où l’éprouvette est dans une concentration de KOH initiale puis immergée dans de l’eau, la courbe de gonflement rejoint celle immergée depuis l’origine. Un lessivage même tardif peut donc accélérer la cinétique de précipitation de la RSI si le potentiel n’est pas déjà totalement épuisé. Au contraire, une concentration en alcalins qui augmente pourrait stopper les gonflements. Les courbes obtenues par la modèle donnent une bonne estimation des gonflements dans les différentes conditions environnementales. En extrapolant les résultats, il semble qu’il faille environ un temps trois à cinq fois supérieur pour atteindre le même gonflement entre des cas avec et sans lessivage. Toutefois, ces résultats expérimentaux obtenus restent limités à la situation étudiée : des expansions sur mortiers de laboratoire obtenues pour un cycle à température élevé de courte durée (12 heures à 80°C). Des différences peuvent être attendues pour des bétons d’ouvrages dont la concentration en alcalins peut être plus faible, la durée de l’exposition à température élevée plus longue et du fait des interactions avec les granulats. Toutefois, en absence de données complémentaires, cette loi est utilisée pour les poutres de laboratoire et les structures réelles. Certaines imprécisions peuvent être dues à cette méconnaissance.

3.3.2 Diffusion des alcalins dans les poutres

Le lessivage des alcalins est modélisé grâce à une loi de diffusion (Eq. (3-8)) dont le coefficient de diffusion dépend du degré de saturation (Sr) (Loi de (Bažant et Najjar, 1972) Eq. (3-9)).

Le calage des paramètres 𝐷0 (coefficient de diffusion pour un degré de saturation égal à 1),

a et b est réalisé sur des éprouvettes de (Martin et al., 2013) immergées dans l’eau et dont les

alcalins dans la solution ont été dosés à différentes échéances (Tableau 3-9). Le calage de la 𝛿𝑁𝑎

𝛿𝑡 − 𝐷𝑖𝑣[𝐷(𝑆𝑟)𝛻𝑁𝑎] = 0 (3-8)

𝐷(𝑆𝑟) = 𝐷0 1

prise de masse (Figure 3-30) est réalisé avec un degré de saturation initial de 0,87. La fissuration ayant lieu à partir de 50 jours sur l’éprouvette expérimentale, la prise de masse expérimentale est supérieure à la prise de masse modélisée car le degré de saturation atteint 1 à 50 jours. Le Tableau 3-9 résume la géométrie, les conditions initiales et aux limites, et les paramètres calés sur ces essais. Les résultats sont représentés sur la Figure 3-31.

Tableau 3-9 : Géométrie, conditions initiales, conditions aux limites et paramètres calés pour les essais de gonflement sur cylindres de (Martin, 2010)

Géométrie

Géométrie des éprouvettes expérimentales Cylindre 11x22 cm

Géométrie du maillage de la modélisation 1/8 de cylindre

(3 symétries : selon X, Y et Z) Conditions initiales

Degré de saturation initial 0,87

Concentration en alcalins 0,9 mol/L

Conditions aux limites

Hydrique (degré de saturation) Sr imposé de 0,9 à 1 sur les faces extérieures

du cylindre expérimental

Hydrique (degré de saturation) Flux nul sur les faces servant de plan de

symétrie

Concentrations en alcalins 0 mol/L imposé sur les faces extérieures du

cylindre expérimental

Concentrations en alcalins Flux nul sur les faces servant de plan de

symétrie Paramètres calés

Hydrique : paramètre a (Eq. (1-1)) 10.10-12 m²/s (Figure 3-30)

Hydrique : paramètre b (Eq.(1-1))) 0,051 (Figure 3-30)

Alcalins : paramètre D0 (Eq. (3-9)) 2,2.10-12 m²/s

Alcalins : paramètre a (Eq. (3-9)) 625 (Bažant et Najjar, 1972)

Figure 3-30 : Prise de masse de l'éprouvette réactive immergée (Martin, 2010)

Figure 3-31 : Lessivage des alcalins sur éprouvette

Ce calage est ensuite utilisé pour reproduire le lessivage des alcalins dans les poutres. Les conditions aux limites sont présentées sur la Figure 3-32. Les résultats avant remouillage et après remouillage peuvent être visualisés sur la Figure 3-33. Le lessivage est surtout présent proche des surfaces immergées.

Figure 3-32 : Conditions aux limites pour le calcul du lessivage des alcalins sur les poutres

Figure 3-33 : Concentration en alcalins de la poutre en fonction du temps

3.4 Modélisation poro-mécanique des poutres : déformations et